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Fabrice Marsella (Village by CA) : «PSA vient de nous rejoindre»

L’écosystème du Village by CA, créateur de valeur pour start-up innovantes, PME, ETI et grands groupes, accueille le constructeur PSA, via son Business Lab, comme « partenaire ambassadeur ». L’occasion de faire le point sur cette initiative, après bientôt trois ans d’existence, avec Fabrice Marsella, le maire du Village by CA parisien.

Fabrice Marsella, le maire du Village by CA parisien.

Fabrice Marsella, maire du Village by CA parisien.

Alliancy. En cette matinée de fin février, plusieurs représentants de grands groupes partenaires du Village by CA participent à la sélection des start-up, parmi les dix sociétés candidates qui souhaiteraient intégrer votre accélérateur parisien. Sur quels critères fondent-ils leur choix ?

Fabrice Marsella. Ce sont les start-up qu’ils vont vouloir accompagner et qui vont faire résonance à leurs enjeux du moment ou qui vont être inspirantes. En fait, le Village sert à la fois à nous permettre d’innover sur notre métier et nos enjeux, comme les Fintech, mais également à nous ouvrir sur le monde de la santé, de la FoodTech, du BTP…. C’est valable pour le Crédit Agricole, comme pour nos partenaires Sodexo, Bouygues Construction ou Engie… Nous croyons fortement à cette idée qu’en croisant des regards, c’est là où naîtra l’innovation.

C’est typiquement de l’open innovation…

Fabrice Marsella. En effet, il faut arrêter de faire de la consanguinité entre banquiers ! En juin 2014, le Village est né de ce constat : qu’il fallait absolument nous ouvrir à d’autres. Il nous permet d’aller chercher de la valeur là où on ne pensait en trouver. Au-delà, nous voulons aussi être le trait d’union entre la problématique de la start-up et celle du grand groupe. Nous fêterons nos trois ans en juin prochain.

Est-ce une étape importante ? 

Fabrice Marsella. Très ! C’est un moment majeur de vie pour nous, car nous voulons faire la démonstration que cette relation marche. L’idée sera de mettre en avant de belles histoires entre grands groupes et start-up et on en a !

Avez-vous quelques exemples à citer ?

Fabrice Marsella. Nous avons soutenu ici des Fintech par exemple. C’est le cas avec MiiMOSA, la première plateforme en ligne de financement participatif dédiée à l’agriculture et à l’alimentation, créée en 2014 par Florian Breton, petit-fils de viticulteurs [600 projets, 2,5 millions d’euros récoltés, NDLR]. C’est un service alternatif et complémentaire des services des banques. Et si, à l’époque, on pouvait à peine parler de crowdfunding, aujourd’hui, elle est devenue notre mascotte et six caisses régionales du Crédit Agricole font partie de son tour de table quand d’autres ont créé des offres co-brandées avec elle !

C’est du gagnant-gagnant ?

Fabrice Marsella. C’est vraiment une logique de complémentarité. Grâce à cette plateforme, l’agriculteur lève par exemple 5 000 euros pour son projet et grâce à cela, il va présenter les garanties nécessaires pour décrocher un prêt cette fois au Crédit Agricole…

Est-elle toujours hébergée ici ?

Fabrice Marsella. Nous gardons ici les start-up entre 24 et 30 mois. Aujourd’hui, MiiMOSA a quitté le Village, mais elle s’est installée dans notre « Village d’anciens », situé à proximité* pour continuer à venir nous voir, bénéficier de la « Place du Village » pour maintenir le lien avec tous les gens qui passent ici.  Nous croyons beaucoup à la rencontre physique pour entretenir son réseau !

La Place du Village, au 55 rue de la Boëtie, à Paris. © Le Village by CA

Un autre exemple hors de votre secteur ?

Fabrice Marsella. En juin 2016, nous avons accueilli SharePay. La carte bleue qu’ils proposent permet de diviser la note en plusieurs parts suivant les paramètres indiqués par les utilisateurs (50-50, 70-30…). C’est un outil idéal pour les allergiques au compte commun, pour les amis qui partent ensemble en vacances… Ils sont nés d’un besoin, parfaitement dans les usages actuels. Aujourd’hui, nous avons des liens étroits avec eux. On voit bien que ce type de produits à du sens, pour les plus jeunes notamment…

Aujourd’hui, après plus de deux ans d’existence, vous en êtes à plus de 240 start-up accompagnées (dont 40 Alumni) au sein de tous les villages (lire encadré). Au final, qu’est-ce qui fait la réussite d’un tel accélérateur ?

Fabrice Marsella. Il faut comprendre qu’un village repose sur deux piliers très forts. Le premier, c’est sa communauté de start-up actives dans tous les secteurs du BtoB et du BtoBtoC. Le second, c’est le Crédit Agricole et ses partenaires, que sont les grands groupes dans cette initiative. En permanence, on gère cet équilibre.

Qui sont ces grands groupes ?

Fabrice Marsella. Nos partenaires sont les groupes « ambassadeurs », c’est-à-dire ceux qui participent à la gouvernance du projet et qui définissent avec nous ses grandes orientations. Ils sont une vingtaine environ, qui investissent dans le village, du temps et de l’argent sur une période de trois ans [le budget annuel du Village parisien est de 5 millions d’euros, NDLR]. Tout récemment, nous venons d’accueillir PSA** en tant qu’ambassadeur aux côtés de Sanofi, Sodexo, IBM, Engie, BearingPoint, Avril, Microsoft, Somfy, HP, BETC… Avec ce nouvel acteur, nous nous ouvrons au monde de l’automobile.

Quels avantages y voient-ils ?

Fabrice Marsella. Ils partagent tous les mêmes problématiques : se transformer et aller plus vite ! Avec PSA par exemple, nous allons accueillir de « nouvelles » start-up dans la mobilité, l’intelligence artificielle… Ce lieu est à la fois suffisamment disruptif pour ces groupes en terme d’innovation ; et rassurant car nous répondons aux codes du grand groupe. La start-up de son côté a accès aux dirigeants de ces géants, dont les représentants au sein du village sont très ouverts et à leur écoute. Cela se fait de façon simple et bienveillante.

Sont-ils là si souvent ?

Fabrice Marsella. Chaque groupe partenaire a désigné un référent qui vient sur la « Place du village » environ une fois par semaine à la rencontre des start-up. C’est important car la communauté s’est engagée à les soutenir pendant trois ans… C’est là aussi que des relations peuvent se nouer, parfois entre acteurs très différents, le business peut se faire. Par exemple, Data&Data, start-up qui combat la contrefaçon avec du machine learning, a su convaincre avec son offre aussi bien des marques du luxe qu’un géant de la pharmacie ou une PME du jouet. Grâce au Village, on voit que l’on peut innover sur nos produits et services, innover différemment, mais aussi adresser différemment notre écosystème, et c’est la même chose pour tous nos partenaires. De même pour Philips Lighting et Séricyne, une start-up de l’agriculture née en 2015 qui réinvente le savoir-faire français de la soie. Très innovant ! Ce sont les vers à soie qui produisent directement des objets de formes variées.

Finalement, quelles sont les plus grosses difficultés rencontrées entre ces acteurs ?

Fabrice Marsella. Pour eux, la question est vraiment de savoir comment se mettre dans le rythme de la start-up ou du grand groupe… Souvent il peut se passer une année entre le moment où l’on enclenche la relation et un 1er contrat car ils ne sont pas processer de la même manière. Notre job est donc de réussir à faire ce trait d’union, en alertant des deux côtés sur les points bloquants. Un cadre dirigeant, ce n’est pas un entrepreneur, cela ne relève pas du tout des mêmes problématiques.

C’est-à-dire ?

Fabrice Marsella. Du côté des grands groupes,

1/ Il faut pouvoir référencer les start-up vis-à-vis des achats ;

2/ Il faut faire confiance, tout en analysant les risques ;

3/ Il ne faut pas laisser la start-up sans réponse !

Ensuite, une relation avec une start-up doit s’inscrire dans la durée. Il faut apprendre à se connaître, il faut s’approprier les solutions des uns et des autres, il faut trouver les bons compromis, c’est tout cela qui nécessite du temps pour être mis en place. Ensuite, il faut un lieu pour le faire, cela ne s’improvise pas. Une relation, ce n’est pas un fichier Excel, c’est du concret, de l’humain… C’est l’objectif de notre « Place du village » et des 800 événements organisés ici chaque année !

Est-ce cela la clé de votre succès ?

Fabrice Marsella. Nous ne sommes pas des loueurs de mètres carrés. Ce que nous recherchons, ce sont des projets sur lesquels nous pourrons construire ensemble sur le long terme. C’est pour cela qu’il nous faut cette proximité. Ici, on partage les succès et les échecs de chacun et chacune des entrepreneurs  qu’on accompagne.

Sur les échecs, que diriez-vous ?

Fabrice Marsella. Sur les 100 premières start-up accompagnées ici, on a un taux d’échec de 8-9 %. Il est faible car souvent, elles sont passées par des incubateurs très sélectifs auparavant. Nous sommes ensuite un « accélérateur de business ». Ces start-up arrivent ici au moment où elles sont prêtes à commercialiser leurs offres, à lever des fonds… Nous sommes très complémentaires des structures du type Numa par exemple. Ensuite, notre modèle est payant**, ce qui peut aussi rassurer leurs clients ou les fonds…

Quel âge ont ces start-up ?

Fabrice Marsella. Entre 6 mois et un an en général. Mais, ce qui est important, c’est que le chef d’entreprise soit suffisamment mâture pour venir dialoguer avec des cadres dirigeants de grands groupes. C’est cela le critère ! Car c’est là où l’on va parler business et qu’il va falloir projeter le cadre dirigeant. Tout le monde doit vouloir/pouvoir bosser ensemble. C’est cela notre objectif.

Vous allez bientôt fêter vos trois ans. Quels sont vos projets ?

Fabrice Marsella. Première chose, c’est déjà comment je renouvelle les start-up dans le village à l’issue de leur passage ici [d’une durée de 2 ans, NDLR]. On en a d’ores et déjà renouvelé 40 % depuis l’ouverture du lieu. Ensuite, nous développons de nouvelles offres, comme notre programme d’intrapreneuriat que nous avons lancé en janvier dernier. Comment je transforme un chef de projet en chef d’entreprise… Comment je crée une spin-off. Un cadre de grand groupe va pouvoir venir essaimer et développer son projet pendant quatre mois au Village. Une trentaine de cadres de grands groupes de différents secteurs sont également venus avec nous au CES 2017. C’était une première, qui s’est très bien passée. Ensuite, on va développer ici des séminaires disruptifs de deux jours à destination des grands groupes, afin de les aider à s’immerger dans la vie d’un entrepreneur… et l’on sera aussi présent sur le salon Vivatech grâce à Engie.

J’ai vu aussi que vous repreniez le baromètre sur les relations entre start-up et grands groupes, lancé par l’Alliance de l’Innovation ouverte (AIO). Que comptez-vous en faire ?

Fabrice Marsella. Après le livre blanc présenté à Vivatech l’an dernier, le sujet était un peu resté lettre morte… Aussi, en partenariat avec le pôle de compétitivité Cap Digital et l’agence Bluenove, on a décidé de relancer ce baromètre pour voir comment grands groupes et start-up voient leurs relations à travers trois grands critères que sont la rapidité, la simplicité et la bienveillance. Les premiers résultats seront dévoilés le 6 avril prochain. On espère le suivre ensuite sur la durée.

Pour conclure, quel est l’intérêt réel de toute cette démarche pour le Crédit Agricole ?

Fabrice Marsella. L’intérêt est multiforme pour notre groupe. Naturellement, le Village permet de communiquer différemment sur l’accompagnement que l’on a auprès des entrepreneurs, et de parler d’innovation. Ensuite, cela permet de mettre en mouvement, même modestement, le groupe autour de ce monde qui change, accélérer notre transformation digitale. C’est un prétexte à l’évangélisation, et c’est vrai pour nous comme pour nos partenaires. Ensuite, c’est un moyen d’innover, on en a déjà parlé tout à l’heure. Et, enfin, c’est une façon d’adresser différemment les problématiques de nos clients traditionnels. Ce que l’on souhaite faire également, c’est permettre à nos clients PME et ETI d’accéder à notre réseau de start-up. C’est aussi un point très important pour nous.

* Cette extension du Village est située au 53, rue la Boétie (pour les « anciens » du 55, rue la Boétie), dans un modèle non subventionné.

** Pour rappel, PSA a créé en décembre 2016 son « Business Lab », en vue de détecter, d’expérimenter et de transformer des opportunités en nouvelles activités pour le groupe dans la mobilité et le numérique. Et ceci, via une collaboration avec des start-up opérant du monde entier.

*** entre 585 et 710 euros le mètre carré par an tout compris (bureaux ouverts ou fermés).

Les « Village by CA » se multiplient en France

Juin 2014 : Création du 1er « Village by CA » à Paris (SAS), tous secteurs (voir les chiffres ci-dessous concernant uniquement le village parisien). Ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Le village parisien :

 – 5,5 créations d’emploi par start-up en moyenne en 2 ans.
 – Une moyenne de 8 mises en relation par start-up en 2 ans.
 – 90 millions d’euros de fonds levés. 
 – 250 000 euros de chiffre d’affaires par start-up en 2016.
 – 7 start-up présentes au classement challenges 2016 des 100 start-up où investir. 

Février 2017 : 7 villages créés à l’initiative du directeur général de la Caisse régionale du Crédit Agricole, dont Lille ; Toulouse ; Bordeaux et Lyon (très récents) ; Châteaudun (dédié au monde de l’agriculture uniquement) ; Chartres (en partenariat avec le LAB’O d’Orléans) et Saint-Brieuc.

A venir : Brest (dédié mer et cybersécurité) ; Sophia Antipolis et Montpellier sont en cours de création.

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