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[Diner Alliancy Connect] Mesurer l’impact et pérenniser les services : au cœur des défis de l’innovation publique  

Start-up d’Etat, agilité, culture numérique… Réunis à la Maison de la Recherche, mardi 27 septembre, des innovateurs du secteur public ont échangé avec la communauté Alliancy Connect autour de la transformation des pratiques de l’État et des synergies possibles avec le secteur privé. Reportage.

De gauche à droite, Love Andrieu, Nathalie Cuvillier, Maritza Abreo, Benjamin Marteau, Olivier Pelvoizin

De gauche à droite, Love Andrieu, Nathalie Cuvillier, Maritza Abreo, Benjamin Marteau, Olivier Pelvoizin

“On prépare les futurs parents à le devenir. Tous sont confrontés à trouver le bon mode d’emploi”, explique Love Andrieu. Cette intrapreneuse est la créatrice de la plateforme 1000 premiers jours, qui offre un maximum d’informations avant et après la naissance d’un enfant. Contrairement à l’immense majorité des startups, 1000 premiers jours n’est pas privée, elle est une startup d’État, dépendante du Ministère des Solidarités et de la Santé.” Il y a eu un besoin du ministère pour renforcer l’accompagnement des enfants. J’ai suivi la commission des 1000 premiers jours qui faisait un bilan et quand on m’a proposé le projet, j’ai dit oui”, indique Love Andrieu, qui était jusqu’alors une agente avec un profil administratif et juridique. Grâce à de nombreux leviers comme les fabriques de projets digitaux, les directions numériques ministérielles ou interministérielles, l’État investit ainsi dans le numérique et l’innovation pour répondre à des problématiques de société, pour faire émerger des « projets à impact ». 

Des projets à impact  

Beta.gouv est l’un de ces leviers orchestrés par la direction interministérielle du Numérique (Dinum). Ce dispositif accompagne les entrepreneurs qui portent une idée de service numérique. Maritza Abreo, coach pour Ippon Technologie chez Beta.gouv appuie sur l’importance de la finalité des projets. “L’innovation publique se sert du service numérique pour la transformation publique. Ça permet d’atteindre plus de personnes plus rapidement. Il faut que les produits soient à impact. Toujours guidés par un principe qui est de savoir pour qui et pourquoi on crée des produits, explique Maritza Abreo. On va ensuite déterminer si oui ou non le produit peut continuer. Les startups doivent prouver que le produit a du sens et une utilité. On ne dépense par l’argent du citoyen pour rien.”. Membre de la communauté Alliancy Connect, Ippon Technologie est à l’origine du thème de la soirée, estimant que ce coup de projecteur sur l’innovation publique pouvait être intéressant pour tous les autres participants. 

Love Andrieu, créatrice de 1000 premiers jours

Nathalie Cuvillier, cheffe de service, adjointe à la directrice du Numérique du ministère des Affaires Sociales, insistepour sa part sur l’importance de la sélection des projets : “La mise au point de startups d’État se fait autour de quatre valeurs : l’innovation, l’usager au centre de toute activité, les enjeux d’impact et l’amélioration continue”. “C’est très intéressant d’avoir plusieurs commanditaires pour réfléchir à l’intérêt du service, répond Benjamin Marteau, directeur de la startup d’État Pix, plateforme de formation et de certification des compétences numériques. On réunit des acteurs très différents sur l’idée que les compétences numériques sont partagées”.  

Ce sont parfois de très grandes institutions publiques qui travaillent et bénéficient directement des produits digitaux fondées à partir des différents leviers et notamment Beta.gouv. “On a créé un incubateur avec un fort investissement de Beta.gouv et on a créé près de 42 nouveaux services, indique Olivier Pelvoizin, directeur du Digital, de l’Expérience Utilisateur et de l’Open innovation de Pôle emploi. On a pensé des starter kits, des maquettes de tests, dès le début, pour rapidement voir les impacts. Ça permet de sécuriser beaucoup de choses.” Mesurer les impacts et l’efficacité de la démarche d’innovation revêt en effet un aspect central dans les missions des acteurs réunis. 

L’innovation, un changement de mentalité  

L’innovation et le fonctionnement en mode startup n’est pas dans l’ADN de l’État, pourtant un changement de doctrine se fait au quotidien. “On regarde évoluer les choses encore aujourd’hui. Il y a des enthousiasmes mais aussi des résistances. On a besoin de convaincre, de faire la démonstration que piloter l’action publique par les indicateurs est important, indique Nathalie Cuvillier. Il faut aussi convaincre que cette méthode innovante qui brise les hiérarchies et remet en cause l’organisation actuelle peut donner des résultats très importants”, insiste la cheffe de service, adjointe à la directrice du Numérique du ministère des Affaires Sociales.  

Benjamin Marteau, directeur de Pix

La coach Maritza Abreo pousse les entrepreneurs à créer et innover pour le compte de l’État : “Je dis souvent qu’il vaut mieux demander pardon que demander la permission. À un moment, il faut tellement croire à l’impact qu’il faut se battre pour le produit et montrer la preuve que quelque chose fonctionne. Je pense que c’est un levier fondamental de l’émulation de ces startups d’État”. À la tête de Pix depuis 2016, Benjamin Marteau a vécu cette évolution des mentalités : “Au début, on n’avait pas de méthodes innovantes et agiles. Je vois une énorme différence aujourd’hui. Il y a une légitimité à agir différemment”.  

La manière de penser la dépense a également évoluée. “Auparavant, le moindre euro devait être bien dépensé sans forcément penser à la cible finale. Aujourd’hui, on peut faire un petit projet qui ne coute pas cher mais qui va le devenir de plus en plus car il aura un vrai impact, raconte Benjamin Marteau. Il faut embarquer tout le monde”. Reste encore la question du modèle économique durable, pour qu’une startup puisse s’autofinancer et vivre seule de ses revenus sans rester sous perfusion de l’État. “Comment on passe à l’échelle avec un modèle économique durable ? Cette culture-là n’a pas encore été inventé. C’est une vraie question”, note le directeur de Pix. En effet, l’industrialisation d’innovations qui ont vocation à être des services publics, ne ressemblent pas toujours à celle que l’on trouve sur le marché. 

Le privé a un rôle à jouer  

Maritza Abreo, insiste sur la nécessité de trouver des modèles économiques viables : “Aujourd’hui la startup d’État pose une réflexion sur le retour sur investissement mais nous arrivons au moment de la pérennisation. Il y a des réflexions différentes en fonction des administrations. Les entreprises du privé peuvent aussi contribuer. Il y a beaucoup d’articulations possibles”. “Essayez de regarder ce qui nous manque ! Challengez nous ! lance Olivier Pelvoizin, directeur du digital, de l’expérience utilisateur et de l’open innovation de Pôle emploi, devant une assemblée de décideur du numérique dans le secteur privé. Il nous faut des solutions adaptées à la situation, poursuit-t-il. Le marché de l’emploi va se transformer. Nous seuls, secteur public, avec nos moyens, on ne va pas s’en sortir. Ça coute très cher de créer des produits”.    

La startup Pix collabore déjà avec le secteur privé. “On sait qu’on ne peut pas réussi notre mission sans les forces de tout le pays et notamment du privé. On essaye de le faire, assure Benjamin Marteau. On le fait avec certains groupes. On aurait envie d’aller encore plus loin dans un combat commun, dans la lutte contre les fractures numérique, dans les équipes des entreprises du privés. Mais ça présuppose un effort dans la durée. Si on a un appel à lancer, notre porte est ouverte pour faire avancer toutes les compétences de tout le monde”, conclut le directeur de la startup. 

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