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Métiers de la cyber : de l’école primaire au lycée, des actions urgentes à mener pour attirer les jeunes femmes

Plus encore que dans les autres métiers du numérique, les femmes sont sous-représentées en cybersécurité. Pour Sandra Maury, directrice cyber-résilience chez Kyndryl, ce constat n’est pas une fatalité. Rencontre.

« Tech et cyber, c’est un peu la double peine pour trouver des femmes ». Comme l’évoquait récemment auprès d’Alliancy la directrice du Cyber Booster, la question de la diversité de genre est au cœur des préoccupations de l’écosystème français de la cybersécurité. En termes d’attractivité et de recrutement, le sujet est vu comme critique face à la rareté des compétences disponibles et aux besoins en forte croissance des organisations.

Pourquoi les jeunes femmes, même quand elles s’orientent vers des métiers scientifiques et techniques, ne vont pas vers la cybersécurité ? « C’est un ensemble de métiers assez récent, avec peu de communication pour les mettre en avant et peu de rôles modèles féminins sur le devant de la scène » estime Sandra Maury, chief information security officer pour Kyndryl, entreprise spécialiste des services informatiques, née de la scission en 2021 des services d’infrastructure d’IBM.

Cette ingénieure, avec une formation originelle en microélectronique et télécom, est l’une des rares CISO en France à exercer de telles responsabilités dans une entreprise de cette taille (Kyndryl compte plus de 90 000 collaborateurs). « Je travaillais à l’origine sur des systèmes IBM et j’ai été amenée à me poser la question de la sécurisation des données au niveau hardware. Quand IBM est sorti du monde de la microélectronique, je me suis demandé comment me réorienter et je suis allé vers la cyber, alors que je ne connaissais pas plus que cela le sujet » se souvient-elle. Elle dirige aujourd’hui l’équipe en charge de la cyber-résilience au sein de Kyndryl et souhaite que son parcours puisse inspirer d’autres femmes à se positionner sur des métiers cyber variés mais méconnus.

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Cyber-résilience : des dizaines de nouveaux métiers différents attendent les femmes

« Quand on discute avec eux, on comprend vite que les jeunes ont une vision très parcellaire des métiers de la cybersécurité. Ils ne perçoivent souvent que le « white hacking » et l’aspect technique de la protection et de la confidentialité, alors qu’aujourd’hui dans une organisation il faut associer cybersécurité et cyber-résilience. Cette dernière embarque les sujets liés au secours, à la disponibilité, à la restauration des systèmes, avec une très grande importance des fonctions et rôles de gouvernance » détaille-t-elle. Ce sont donc bien des dizaines de nouveaux métiers différents qui doivent être pourvu dans les organisations, que ce soit chez les spécialistes du numérique ou dans les entreprises traditionnelles de notre économie. Un défi de recrutement qui ne pourra être relevé sans convaincre plus de femmes de s’orienter vers de tels postes.

La directrice cybersécurité se réjouit aujourd’hui du parti-pris de son entreprise en la matière : « Chez Kyndryl, nous sommes clairement au-dessus de la moyenne en matière de diversité. Cela vient pour moi de l’attractivité de ces métiers liés à la gouvernance cyber. Par exemple : dans le domaine Gestion des Risques et Compliance, au sein de notre practice Cyber Sécurité et Résilience, nous avons 41% de femmes qui travaillent pour la France et même 32% en France directement ».

De quoi attirer de nouvelles têtes : « Depuis un an, nous avons beaucoup d’alternantes en France. Sur les dix personnes recrutées en alternance en cyber, la moitié sont des femmes. En termes d’apprenties, nous avons en effet eu la chance d’avoir un nombre important de postulantes. Nous avons veillé à avoir une parité dans la mesure du possible pour illustrer notre ambition et engagement d’avoir plus de femmes dans la cybersécurité, et dans la technologie en général » détaille Sandra Maury.

Pour recruter, mettre en avant la créativité, la communication et la conception

Le fait d’être une grande entreprise aide évidemment ; mais c’est aussi l’argumentation d’une image différente de la cybersécurité et la cyber-résilience qui pèse. La variété des projets et la promesse d’exercer des métiers qui ne sont pas seulement dans l’exécution technique sont des facteurs d’attractivité. En effet, les terminologies attrayantes liées à la créativité, la communication et à la conception, sont encore trop peu mises en avant lors des recrutements. Pourtant, ce sont des qualités souvent perçues très positivement par les jeunes femmes et qui s’avèrent centrales pour les métiers liés à la gouvernance ou lors d’une gestion de crise.

« La diversité des perspectives est une richesse. Tout le monde peut trouver sa place en cyber. Pour ma part, j’avais un profil très technique et j’étais très pointilleuse sur les mises en production. J’avais aussi une culture de la qualité et du risque très importante. Et quand je suis arrivé dans le monde du software, cela m’a fait un choc : il y avait peu de gestion de la qualité, peu de tests… J’ai tout de suite vu ce que je pouvais apporter » se remémore Sandra Maury.

C’est aussi ce qui motive depuis longtemps la directrice cybersécurité à mener des opérations de sensibilisation auprès des jeunes, dès l’école primaire. « Les stéréotypes de genre, à l’image de la couleur des jouets, naissent très tôt. C’est pourquoi, nous menons régulièrement avec des ingénieurs des opérations pour faire découvrir à des petits groupes mixtes d’élèves, les concepts du montage et de la programmation sur des briques programmables des « lego » » raconte-t-elle.

Des progrès, mais un défi majeur d’orientation à relever dans les écoles

A cette occasion, Sandra Maury a pu se rendre compte des progrès déjà effectués depuis une décennie : « Il y a dix ans, on voyait encore des jeunes filles avoir beaucoup de mal à prendre la main sur les ordinateurs. Aujourd’hui, on ne voit plus cette appréhension. L’usage de la tech n’est plus seulement masculin, l’idée de programmation s’est démocratisée et les filles se posent moins de question sur la technique. Cela me donne confiance dans l’avenir ».

Reste les problématiques clés de la communication et de l’orientation par le système éducatif. La CISO estime que les systèmes en place dans l’Education Nationale notamment sont « un plat de spaghettis complexe ». La pression est forte sur les adolescents de devoir déterminer au plus vite quelle voie suivre, demain, avec à la clé l’idée d’un métier bien défini. « Cela n’a plus de sens, estime au contraire Sandra Maury, les métiers changent trop vite. Il vaut mieux orienter vers des domaines, et surtout faire primer l’acquisition du bon mindset, par exemple celui de l’ingénieur. Ce n’est pas grave aujourd’hui de changer dix fois de métier dans sa carrière ! Dans mon cas, la cyber est ma deuxième vie et il est fort probable que j’en aurais encore une troisième différente plus tard ! »

Dans ce contexte, la responsable épingle la réalité actuelle, qui veut qu’au lycée, le fait de choisir une option au détriment d’une autre, détermine souvent un futur professionnel et pousse à faire l’impasse sur de nombreuses possibilités. « C’est un vrai problème qui renforce les inégalités. Les hommes sont traditionnellement éduqués pour être plus aventureux professionnellement et plus favorables aux opportunités ; alors que les femmes sont fléchées vers des métiers pour ensuite s’y tenir. Pourtant, si l’on prend l’exemple de ce que l’on voit chez Kyndryl, la réalité d’une entreprise aujourd’hui est que le nombre de personnes qui vont évoluer et changer de métier en interne est devenu très important chaque année ! ». La problématique reste que si de nombreuses entreprises comme Kyndryl ont des partenariats avec des écoles d’ingénieurs, il est encore difficile pour elles de se rapprocher des lycées et collèges pour mener cette sensibilisation au bon moment.

Plus de professeurs, plus de stages

Cet effort à faire le plus tôt possible est le cœur du sujet pour Sandra Maury : « Trouver quelques ingénieurs disponibles pour faire des interventions auprès des jeunes, c’est facile. Ce qui m’inquiète c’est plutôt la difficulté de l’enseignement public à fournir des professeurs. Moins on aura de professeurs passionnés, moins il y aura de possibilité pour les élèves. Lors d’une journée dans un lycée technique à Nice, nous avons eu une discussion ouverte avec des jeunes filles, qui ont pu être au contact de quinze intervenantes… mais les professeurs n’avaient pas une vision très claire de nos différents métiers. Ils ne peuvent donc pas répondre aux doutes le reste du temps ».

Des doutes qui empêchent bien souvent ensuite les élèves de sauter le pas. Dans le secteur public, le nombre d’enseignants auprès d’élèves a augmenté de 1,6% entre 2015 et 2022, selon les rapporteurs des services statistiques de l’Éducation nationale. Une lente progression qui cache une réalité fragmentée des missions et perspectives et qui mettra du temps à avoir un impact. Or, du côté des entreprises, il est impossible d’attendre. Pour provoquer des vocations, la multiplication des stages dès le lycée est donc l’un des leviers à activer en urgence, au côté des rapprochements avec les établissements du secondaire. Avec, on l’espère l’émergence d’une communication spécifique pour vraiment intéresser les lycéennes.

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