Alliancy

Faire face à l’obsolescence programmée des compétences informatiques et numériques

Chronique Bardeau photo principale

Dans sa première chronique pour Alliancy, Frédéric Bardeau (Simplon) analyse les risques de l’inaction face à la problématique insidieuse de l’obsolescence des compétences dans un monde en perpétuelle accélération. Une question de productivité, mais aussi de justice sociale.

L’obsolescence programmée des compétences – le phénomène selon lequel nos savoirs, nos habiletés, deviennent de moins en moins pertinentes à mesure que la technologie progresse – est un défi majeur de notre époque. Combattue par la loi en France quand elle est volontaire et qu’elle concerne les matériels (électroniques, électroménager, etc.), elle se révèle plutôt involontaire quand il s’agit des compétences, mais ses effets sont dévastateurs car ils se produisent et se reproduisent à une vitesse sans précédent et touchent tout le monde. Alimentée par des forces telles que la transformation numérique et l’émergence des IA génératives, elle constitue une menace silencieuse, insidieuse, qui frappe tous les secteurs et toutes les professions.

A lire aussi : Frédéric Bardeau (Simplon) définit « l’entreprise apprenante »

Qui sera touché ?

Le monde du numérique évolue à une vitesse vertigineuse. Les appareils que nous utilisons quotidiennement – ordinateurs, tablettes, smartphones – subissent constamment des mises à jour logicielles, rendant obsolètes nos compétences pour les utiliser. Les virus, les spams, les problèmes de cybersécurité, les réglages de confidentialité, sont autant d’éléments qui nécessitent une mise à niveau constante de nos compétences. Ce défi n’est pas seulement technologique, il est aussi sociétal : ceux qui ne peuvent pas ou ne savent pas comment suivre le rythme risquent d’être laissés pour compte. Les conséquences de l’obsolescence des compétences vont bien au-delà du simple inconfort. Imaginez un instant être incapable d’accéder à vos droits parce que vous ne savez pas naviguer sur Internet, ou être exclu du marché du travail parce que vous ne maîtrisez pas les outils numériques de base. Il ne s’agit pas d’un futur dystopique, mais d’une réalité pour un nombre croissant de personnes.

Mais alors, comment identifier et anticiper l’obsolescence ? Qui sera touché ? Quand ? Quelles compétences seront concernées ? Les réponses à ces questions ne sont pas évidentes, car l’évolution technologique est imprévisible et chaque personne a un parcours et un rapport différents au numérique. Cependant, il existe des solutions pour lutter contre cette obsolescence. Nous devons impérativement développer nos compétences informatiques et numériques dès le plus jeune âge, intégrer ces compétences dans toutes les formations, quel que soit le secteur, et assurer une formation continue des travailleurs (McKinsey parle de “perpetual learning”). 

Une demi-vie des compétences inférieures à 2 ans

Côté Simplon, nous avons pris ce sujet très au sérieux et à bras le corps, non pas en luttant contre l’exclusion numérique par l’assistance aux fragilisés du numérique – ce qui est pris en charge par l’Etat, les collectivités et le secteur de la médiation numérique, notamment au travers des Conseillers Numériques France Service -, mais en essayant de doter les personnes d’une autonomie en développant leurs compétences de base. Car avant de passer à Pix ou de se former avec Cléa Numérique (que nous déployons également bien entendu), il manquait une “première marche” car ces pratiques considèrent comme acquise la maîtrise des équipements électroniques (ordinateurs, tablettes, smartphones, etc.) qui favorise les usages numériques. Nous avons donc enregistré auprès de France Compétences une certification spécifique pour adresser ce problème : “Compétences Informatique Fondamentales” que nous déployons à la fois chez des demandeurs d’emploi et des salariés bien souvent en difficulté avec l’informatique et le numérique, du fait que leur environnement professionnel, tout comme les services publics et de la vie quotidienne sont numérisés et numériques.

Selon certaines estimations, la demi-vie des compétences technologiques et numériques peut être inférieure à deux ans. Cela signifie que la moitié des compétences acquises par un professionnel dans ces domaines deviendront obsolètes en moins de deux ans. Les solutions pour renouveler, développer et évaluer les compétences technologiques sont pourtant assez évidentes :

Evitons la création d’une société à deux vitesses

Paradoxalement, les IA génératives, l’une des principales causes de l’obsolescence des compétences, pourraient aussi être une solution. Elles peuvent nous aider à comprendre les tendances, à anticiper l’avenir et à adapter nos compétences en conséquence. Ces outils, s’ils sont bien utilisés, peuvent être nos alliés pour rester à jour et compétitifs ; ils ouvrent des perspectives passionnantes en matière d’accès aux services publics, pour les personnes ne maîtrisant pas ou mal notre langue et ayant des formes plus ou moins prononcées d’illettrisme et d’illettrisme numérique. Se renseigner et réaliser des démarches augmentées par ChatGPT pourrait paradoxalement aider les plus exclus à accéder à leurs droits, ouvrir de nouveaux champs pour éduquer massivement au numérique et rendre plus fluide la formation continue de toutes et tous.

L’obsolescence programmée des compétences est un défi majeur pour l’inclusion numérique et l’égalité. Elle menace de créer une société à deux vitesses, où ceux qui maîtrisent les outils numériques prospèrent, tandis que ceux qui sont déconnectés, mal connectés ou « illettrés du numérique » sont laissés pour compte. Il est temps de prendre ce problème au sérieux et de faire de l’inclusion numérique une priorité. Parce que la compétence numérique n’est pas seulement une question de confort ou de productivité, mais aussi, et surtout, une question d’égalité et de justice sociale.

Quitter la version mobile