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Le service public IGN change d’échelle !

Alors que l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) a rendu accessible depuis le 1er janvier 2021 l’ensemble de ses données à titre gratuit, il est question aujourd’hui de repenser la manière de financer ce service public. Ce mercredi 24 novembre, Sébastien Soriano, nouveau directeur général de l’IGN depuis cette année, a présenté lors d’une conférence de presse tenue à l’espace Ground Control (Paris) ses nouvelles ambitions pour réinventer le service public de la cartographie dans un monde de plus en plus connecté et en profonde mutation écologique. 

Le Lidar est une technique de télédétection par laser qui permet de la cartographie en 3D. Ici un exemple de Notre Dame de Paris / Crédits : IGN

Le Lidar est une technique de télédétection par laser qui permet de la cartographie en 3D. Ici un exemple de Notre Dame de Paris / Crédits : IGN

« Nous avons l’intention d’être une vigie des modifications extrêmement rapides de nos territoires », déclare Sébastien Soriano, nouveau directeur Général de l’IGN depuis ce début d’année. L’accès aux cartes de l’IGN étant désormais gratuit, il est aujourd’hui essentiel de repenser le modèle du service public et le moderniser. Pour cela, Sébastien Soriano s’appuie sur les nouvelles technologies et les « géo-communs ». 

À l’heure des grands bouleversements écologiques et numériques qui transforment le pays, l’IGN se donne un double-objectif : « cartographier l’anthropocène » grâce à la technologie pour mieux évaluer l’impact du changement climatique en France ainsi que constituer une base de données assez fine et robuste pour proposer des alternatives aux Big Tech (ex : projet d’application mobile qui rivaliserait avec Google Maps). 

Le gouvernement semble d’ailleurs conforter cette stratégie en finançant divers projets de l’IGN tels que la modélisation 3D de la France par technologie Lidar aéroportée, la cartographie de l’artificialisation des sols, ou encore la création d’une infrastructure mutualisée d’hébergement et de traitement des géodonnées. Les ministères de la transition écologique, de l’agriculture et de l’alimentation et la direction du budget ont en ce sens conclu avec l’Institut un contrat d’objectif et de performance fin 2020 et acté des marges de manœuvre en termes de recrutement de nouvelles compétences.

Cartographie 3D de la Basilique du Sacré-Cœur.

Dix chantiers emblématiques seront mis en œuvre en lien avec un écosystème d’acteurs très riche – du ministère des Armées à l’Enseignement supérieur en passant bien sûr par le monde de la recherche :

1. Des cartes de l’anthropocène : publication régulière (tous les un à trois ans) de cartes sur un nombre limité d’enjeux écologiques majeurs, notamment la vigueur des forêts, l’évolution du relief et des cours d’eau, l’artificialisation des sols, le potentiel de biodiversité … Les cartes pourront être enrichies en observatoires thématiques avec des partenaires, par exemple sur la forêt.

2. Une « place à communs », équivalent d’une place de marché pour les communs, par des « appels à communs » pour rassembler les acteurs intéressés autour de défis collectifs (déjà identifiés : street view, base routière navigable), une Fabrique des géo-communs pour développer ces thèmes et d’autres projets IGN avec l’écosystème, la Géoplateforme, infrastructure ouverte aux communs et acteurs publics pour l’hébergement et le partage des données

Plan réalisé par l’IGN.

3. Un plan pour smartphones alternatif à Google et Apple, qui respecte la richesse du territoire et la liberté des utilisateurs, à co-construire dans la Fabrique des géo-communs

4. Un guichet « cartographe du service public » : mise en place d’un service d’appui à toutes les administrations locales ou nationales désireuses d’utiliser la carte comme outil de médiation ou de pilotage des politiques publiques ; ce service valorisera les fonctionnalités de géovisualisation et d’hébergement de la Géoplateforme pour les administrations qui le souhaitent

5. Un système de labels pour des partenaires publics ou des communautés contributives habilités à enrichir et mettre à jour en autonomie la base « BD France » de l’IGN ; les données faisant autorité resteront garanties par un agent de l’Institut

6. Un modèle 3D France entière : acquisition Lidar haute densité aéroporté 2021-2025, mise à disposition progressive des données ouvertes et travail sur l’exploitation de ces données avec les secteurs clé (ville, forêt, agriculture, bâtiment, infrastructures…)

Cartographie 3D du Mont Saint Michel.

7. De nouvelles cartes papiers pour répondre aux attentes des Français (reconnexion à la nature, patrimoine, vélo…) et des cartes au 1:25 000 plus fraîches et accessibles

8. Un plan de recrutement et de formation (IA, data science, altimétrie 3D, géovisualisation, développement agile…) s’appuyant sur une démarche d’attractivité (politique salariale, cadre de travail, communication), ainsi que sur l’école de l’IGN, l’ENSG-Géomatique ; un projet managérial pour des équipes actrices des ambitions de l’Institut

9. Des programmes de partage, de vulgarisation scientifique et de sensibilisation citoyenne autour de la cartographie et des enjeux auxquels elle peut contribuer, incarnés par des lieux : musée des Arts et Métiers (patrimoine), Géoroom à Saint-Mandé (public scolaire, acteurs des communs), des sites de l’IGN en région

10. Un « forum IGNfab », enceinte d’échange avec les entrepreneurs du secteur, acteurs de l’innovation et de la French Tech pour construire des visions partagées et tisser le cas échéant des partenariats ; le programme IGNfab actuel d’appui aux startups demeure et s’enrichira avec l’appui du forum

Pour mener ce projet, l’IGN délaisse son adage « L’information grandeur nature » pour « IGN, changer d’échelle » : un moyen de matérialiser ses nouvelles ambitions face aux périls environnementaux et informationnels. À terme – bien que Sébatien Soriano reste modeste sur la création d’une réelle alternative à Google Maps – l’IGN pourrait bien devenir une voie dissonante dans la manière de consommer les données de cartographie.

L’institut franchit une nouvelle étape dans sa modernisation et rappelle la nécessité de proposer des alternatives aux géants de la donnée pour que la France puisse poursuivre ses objectifs de souveraineté et de résilience.

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