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Véronique Torner (Syntec Numérique) : « On voit naître un élan collectif, qui dépasse les seules fonctions RSE »

La plateforme Planet Tech’Care a annoncé avoir déjà réuni 100 signataires pour accompagner les entreprises à intégrer le numérique dans leur stratégie environnementale. Véronique Torner, administratrice de Syntec Numérique, qui opère la plateforme, décrit l’accélération ressentie en 2020.

 

Vous étiez intervenue en ouverture de notre grande soirée « Numérique responsable » du Cercle des partenaires du numérique en 2019. Qu’est-ce qui a changé entre l’an dernier et les annonces réalisées début octobre à l’occasion du Colloque « Numérique et environnement » organisé à Bercy ?

Véronique Torner, co-fondatrice et co-présidente d’Alter Way et administratrice du Syntec Numérique.

Véronique Torner. En décembre dernier, nous voyions déjà un point d’inflexion des acteurs numériques sur le sujet de l’éthique et de la responsabilité. La crise a amené une accélération supplémentaire parce qu’elle a révélé aux yeux des tous l’utilité du numérique évidemment, mais aussi un aspect que je qualifierais de « tech for positive impact » : sans numérique pas de liens sociaux entre les familles confinées, pas de plan de continuité d’activité pour les entreprises, pas de meilleure organisation pour le monde de la santé… En parallèle, tout le monde a pu aussi voir à quel point l’activité humaine avait une empreinte environnementale importante. On le savait, mais là, la preuve est devenue irréfutable.

 

A quel point la crise a-t-elle fait bouger les lignes ?

Véronique Torner. Elle a imposée l’idée qu’il fallait agir, en donnant à beaucoup de monde un sentiment plus combatif que pessimiste. Nous sommes responsables de l’activité humaine, il faut assumer. Et le numérique est omniprésent aujourd’hui, donc nous devons également prendre en compte cette accélération majeure. La crise a secoué les esprits plus qu’elle n’a poussé au repli sur soi.  Bien sûr, en quelque mois, il n’y a pas eu l’émergence d’un « monde d’après », mais les états d’esprit ont quand même changé. Alors que la crise s’installe dans la durée, d’une façon ou d’une autre, on garde tous à l’esprit qu’il faut fonctionner autrement. Avec l’initiative Planet Tech’Care, nous l’avons constaté : nous sommes passé de 50 à 100 signataires entre septembre et octobre ! Il y a deux ans nous n’aurions pas vu autant d’enthousiasme à s’engager, quelle que soit la taille de l’entreprise. On voit naître un élan collectif, qui dépasse les seules fonctions « RSE » dans les entreprises.

Le message passe mieux dans les entreprises à tous les niveaux de responsabilité ?

Véronique Torner. On peut remonter sur toute la chaine de l’entreprise et retrouver le même enthousiasme C’est bluffant. On voit se former un cercle vertueux. Et cela se ressent sur la motivation de tous. Chez Alterway (dont Véronique Torner est co-fondatrice et co-présidente, ndlr), nous hébergeons pro bono la plateforme, et j’ai vu les équipes en faire une source de fierté et de motivation au quotidien. Cela fait 10 ou 15 ans que les pionniers parlent de numérique responsable, mais aujourd’hui cela dépasse leur engagement. On voit le côté plus « magique » de l’action collective se mettre en place ; ce qui va permettre de passer à l’échelle. 

 

Pendant longtemps, l’argument du numérique en matière d’écologie a été uniquement celui des gains d’efficacité. Aujourd’hui, le levier de la sobriété des usages vous parait-il plus audible ?

Véronique Torner. Je pense que l’on a tous gagné en maturité à tous les niveaux, alors que les usages numériques se sont installés dans le paysage. C’est vrai pour les citoyens, mais aussi pour les acteurs du numérique eux-mêmes qui ont aujourd’hui plus de recul sur leurs activités. Le numérique peut à la fois être un remède et un poison, il faut donc éviter absolument d’avoir une vision simpliste. En Europe, nous savons que nous ne voulons pas du progrès à n’importe quel prix. Ce parti pris est aujourd’hui vu comme un différenciateur potentiel : c’est un choix qu’on peut affirmer. Mais pour y parvenir, il faut éviter les débats stériles, qui émergent beaucoup du fait d’un manque de culture scientifique. Cela a été rappelé lors du colloque : les usages numériques sont simplissimes, mais leurs sous-jacents sont très complexes et incompris par le plus grand nombre. Cela doit pousser en faveur d’une vision systémique des impacts plutôt qu’à des arguments partiels qui ne s’intéresseraient qu’à un aspect du problème. On doit remettre plus de science au cœur de ces sujets, y compris dans les entreprises, avec des partenariats plus forts avec le monde scientifique. Les médias aussi doivent faire cet effort. Sinon, nous resterons toujours sur du superficiel. Le débat sur la 5G en est une bonne illustration.

Une initiative comme Planet Tech’Care cherche à fédérer tout un écosystème d’acteurs pour agir. Jusqu’où peut-elle aller ?

Véronique Torner. Cette initiative marque un tournant parce qu’elle réunit de nombreuses initiatives déjà existantes. C’est une sorte de « méta initiative » qui va mettre à disposition des outils concrets à cet écosystème d’acteurs variés. Nous avons depuis le départ une ambition européenne, afin d’assumer la dimension systémique que je décrivais. Nous avons par exemple des échanges avancés avec nos voisins allemands, pour pouvoir dupliquer au plus vite la plateforme sous une forme ou une autre. Si nous arrivons à avoir des « Planet Tech’Care » dans tous les pays d’Europe, il sera beaucoup plus facile de fédérer les « communs numériques » (open source, base de données… ndlr) qui permettront d’agir à grand échelle.

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