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A Madrid, La Poste innove avec sa filiale SEUR

SEUR, entité espagnole de GeoPost, filiale de La Poste spécialisée dans le colis, a lancé depuis un an le maillage de Madrid par des mini-dépôts pour répondre à la livraison du dernier kilomètre, un marché en pleine concentration et une stratégie que le groupe compte bien dupliquer dans plusieurs capitales européennes.

Alberto Navarro, directeur général de SEUR, filiale espagnole à 100% de La Poste

Alberto Navarro, directeur général de SEUR, filiale espagnole à 100% de La Poste

Moins de courrier, plus de colis ! La Poste surfe sur l’explosion du e-commerce pour retrouver des couleurs. Et ça marche ! Le groupe public, présidé par Philippe Wahl, est aujourd’hui numéro 2 européen du colis-express, derrière DHL, propriété de la Poste allemande.

En Europe, ce créneau, qui représentait 2,2 milliards de colis en 2010 et 5 milliards en 2016, devrait atteindre environ 13 milliards en 2025. Les Anglais, par exemple, font déjà 20 % de leurs courses en ligne… Ce marché reste en effet très marqué par la croissance du « BtoC », qui représente 95 % de l’augmentation.

Aujourd’hui, La Poste compte dans son giron un certain nombre d’acteurs majeurs sur le continent dans ce secteur, regroupés sous son entité DPDgroup (ex-Deutscher Paketdienst, une société allemande rachetée en 2001) ; telle Chronopost et Biologistic en France ou SEUR en Espagne. Le groupe possède également JadLog au Brésil (60 % du capital), BRT en Italie (37,5 %) et SPSR en Russie (100 %)… et cherche désormais à se développer en Asie du Sud-Est et en Afrique, deux marchés en pleine croissance également.

Sa holding, GeoPost, chapeaute l’ensemble de ces filiales. L’an dernier, son chiffre d’affaires s’élevait à 6,2 milliards d’euros (+ 8,6 % sur un an), dont 77 % réalisés hors de France. Ce qui correspond à plus d’un quart des revenus globaux du groupe. « Et cet ensemble représente 40 % de tous nos volumes aujourd’hui, contre 0 il y a dix ans », précise Paul-Marie Chavanne, président de GeoPost. En tête, le premier client de La Poste est sans conteste Amazon, qui représente à lui-seul « 30 % de tout le e-commerce de marchandises en Europe, poursuit le dirigeant, et 9 % du chiffre d’affaires du groupe ».

A l’approche des Fêtes, La Poste se mobilise pour traiter des volumes de colis qui doublent par rapport au reste de l’année. Tout commence le 24 novembre avec le « Black Friday » et s’achève, début 2018, le jour de la fin des soldes.

Aussi, pour répondre à ce « gros » client et les autres, mais également faire face à une demande de plus en plus exigeante sur la livraison du « dernier kilomètre » (30 % des achats en ligne sont retirés en magasins), le groupe doit allier flexibilité et qualité de services premium et BtoC. Notamment, car les habitudes de livraison peuvent varier fortement d’un pays à l’autre… En ce sens, toutes les initiatives de ses filiales nationales sont les bienvenues. Chacune développe et teste différentes solutions, qui peuvent être déployées par la suite à grande échelle en fonction de l’intérêt de la clientèle de chaque pays (lire encadré).

« On joue le savoir-faire européen ! », explique Jean-Claude Sonet, directeur Marketing et Communication de DPDgroup. « La France pour La Poste est, à ce titre, pilote pour tout ce qui concerne les points-relais et consignes automatiques, un savoir-faire hérité de la grande époque de la VPC… [1er réseau mondial !, NDLR]. Quant aux pays nordiques, ils nous tirent vers le numérique et les applis, comme l’Allemagne le fait sur les systèmes avec leurs nombreux constructeurs », ajoute Paul-Marie Chavanne.

Le plus de choix possibles

« Cette course à l’urgence est devenue incontournable », insiste Yves Delmas, COO DPDgroup Europe. Par exemple, JD.com, l’Amazon chinois, dispose de plus de 7 000 dépôts de livraison « same day » en Chine… « Plus on grossit, plus on a de volumes, plus on a de dépôts et plus on livre en same day ! Et c’est ce que veut faire La Poste avec Stuart [plate-forme de livraison urbaine rapide, à vélo, acquise par GeoPost à 100 % au printemps dernier]. Notre stratégie aujourd’hui est d’offrir le plus de choix en termes de livraisons, y compris par des moyens alternatifs ». Le groupe teste par exemple le fait de laisser un colis sous une véranda ou chez le concierge en Grande-Bretagne : « A notre grande surprise, 10 à 12 % des clients choisissent cette option », raconte-il.

Stuart, la start-up française rachetée par La Poste au printemps dernier, emploie 4 000 autoentrepreneurs, à 60 % étudiants.

C’est pourquoi la semaine dernière, La Poste, à l’occasion des 75 ans de sa filiale SEUR en Espagne, faisait découvrir « in situ » les dernières innovations de ce leader dans son pays. Notamment, à Madrid, avec l’ouverture de micro-dépôts (d’environ 100 mètres carrés), où les produits commandés arrivent avant d’être redistribués alentours dans les deux heures ou la journée. Ouvert il y a un mois, le dépôt de Las Tablas par exemple, situé au nord de la capitale espagnole (Sanchinarro), propose un comptoir de retrait de colis pour les clients de proximité, lequel dispose également d’un petit garage à vélos (pour les livreurs de Stuart) et scooters électriques et de quelques étagères pour les colis en attente… « Nous sommes ici au cœur de la zone où l’on réalise le plus d’achats en ligne de toute la capitale, explique Marc Bayo, directeur de SEUR Now, service spécialisé dans la livraison en deux heures dans Madrid.

« Partout en Europe, ce type de mini-sites se multiplient car, bientôt, les gros camions circuleront de plus en plus difficilement dans les villes », explique Yves Delmas. Il faut donc en créer un certain nombre pour mailler tout un territoire. A Madrid, au bout d’un an, SEUR dispose déjà de 7 micro-hubs, mais 12 seront nécessaires à court terme pour couvrir la capitale espagnole. « Pour l’instant, on les opère seul, mais la question se posera certainement un jour de le faire avec d’autres », analyse le dirigeant qui dévoile travailler sur ce sujet dans 23 villes en Europe. Tout dépendra des lieux et des villes… mais il est fort possible qu’à terme, les municipalités nous imposent de nous allier. Ce qui peut être aussi intéressant pour le groupe qui cherche à baisser ses coûts… « A Paris, nous réfléchissons à constituer le même réseau, avec environ 80 emplacements de ce type, complète Paul-Marie Chavanne. Ce doit être des lieux où peuvent accéder facilement des camions de livraison et capables de recevoir du public… ».

Une mutation à marche forcée

 

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Si Paul-Marie Chavanne ne voit pas encore arriver la livraison par drones en centre-ville, il croit par contre à l’arrivée à moyen terme du drone-cargo en zones urbaines. C’est-à-dire des semi-remorques aériens… comme ils en existent déjà en Chine. Cela permettrait de livrer en temps et heure ces mini-dépôts sans encombrer les centres urbains.

Tout ceci entre dans la réflexion du groupe public, qui doit voter en décembre prochain, son contrat d’entreprise 2018-2022. Objectif : accélérer sa transformation face à la disparition inexorable de son métier historique de distribution du courrier. D’où le fait de repenser ses quelque 17 000 agences postales ! D’ici à la fin de l’année, environ 500 d’entre elles se seront transformées en « maisons des services au public », avec la possibilité d’effectuer diverses démarches administratives (Pôle Emploi, Assurance maladie…), comme c’est déjà le cas pour les candidats qui souhaitent passer l’examen du code de la route près de chez eux ou encore, les examens de langue française de la maison d’édition Le Robert… Dans cette logique, s’est également renforcée la priorité bancaire du groupe avec la Banque Postale, avec une responsabilité particulière d’aménagement du territoire en milieu rural ou périurbain. Banque numérique, mais aussi physique avec des agences sur tout le territoire, La Banque Postale lancera sa « banque néo » fin 2018, c’est-à-dire entièrement Mobile First, comme vient de le faire l’opérateur Orange avec Orange Bank.

Des innovations récentes dans l’activité colis de La Poste

Le réseau de relais Pickup de DPDgroup

Près de 30 000 relais dans 27 pays européens : 95 % de la population de ces pays disposent d’un relais à moins de 15 minutes de leur domicile. En 2016, plus de 52 millions de colis ont été livrés en relais Pickup (+ 26 %).

Predict

Ce service interactif, disponible dans 22 pays européens, permet la livraison à domicile dans un créneau d’une heure (via e-mail ou SMS). Le Live Tracking associé permet de suivre en temps réel son colis…

Precise

Livraison sur RDV, indiqué directement par l’internaute lors de sa commande en ligne, entre 8.00 et 22.00. Aujourd’hui disponible en France (Chronopost) et en Grande-Bretagne (DPD), ce service va s’étendre à toute l’Europe.

Livraison le dimanche

Grande-Bretagne, Espagne et France (depuis le 19 novembre), les e-commerçants, partenaires de La Poste, peuvent proposer la livraison le dimanche de 9.00 à 13.00.

Livraison « Same Day »

Dans plusieurs pays européens, dont la France, les clients peuvent opter pour une livraison le jour même, voire dans les 2 heures en Allemagne et en Espagne (SEUR Now).

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