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[Chronique] Intelligence digitale : Les jumeaux numériques tracent l’avenir

Les jumeaux numériques tracent lavenir

Notre chroniqueur Imed Boughzala détaille le concept des jumeaux numériques, bien maîtrisé par les spécialistes de l’industrie, mais inconnu du grand public. La compréhension de leur fonctionnement est pourtant une part importante de la culture digitale.

Dans cette chronique, je souhaite vous parler des Digital Twins ou encore ce que l’on appelle les jumeaux numériques ou digitaux. Une notion connue par les spécialistes mais encore inconnue du grand public. Les bureaux d’études annoncent pourtant sa démocratisation d’ici 2030. C’est la copie conforme et virtuelle de tout objet connecté avec de multiples avantages scientifiques, économiques, écologiques…, et essentielle pour l’industrie du futur (Industrie 4.0) et les Smart Cities.

Qu’est-ce qu’un jumeau numérique ?

L’idée de la technologie des jumeaux numériques a été initialement présentée en 1991 par David Gelernter dans son livre « Mirror Worlds ». Cependant, ce n’est qu’en 2002 que Michael Grieves, alors professeur à l’université du Michigan, a appliqué pour la première fois le concept de jumeaux numériques à la fabrication, marquant ainsi le lancement officiel du concept de logiciel de jumeaux numériques. Par la suite, en 2010, John Vickers à la NASA a introduit le terme de « jumeau numérique » pour désigner cette technologie. Toutefois, l’idée d’utiliser un jumeau numérique pour étudier un objet physique remonte en réalité bien avant. En fait, il est juste de dire que la NASA a été pionnière dans l’utilisation de la technologie des jumeaux numériques dès les années 1960 lors de ses missions d’exploration spatiale. À cette époque, chaque vaisseau spatial en partance était reproduit fidèlement dans une version terrestre, utilisée à des fins d’étude et de simulation par le personnel de la NASA qui faisait partie des équipages de vol.

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Un jumeau numérique est un modèle virtuel qui vise à refléter avec précision un objet physique. Les objets étudiés, tels que les satellites ou les centrales nucléaires, sont équipés de divers capteurs liés à des domaines fonctionnels importants. Selon IBM, « un jumeau numérique est une représentation virtuelle d’un objet ou d’un système qui couvre son cycle de vie. Il est mis à jour à partir de données en temps réel et utilise la simulation, l’apprentissage automatique et le raisonnement pour faciliter la prise de décision ».

Les jumeaux numériques intègrent l’intelligence artificielle (IA), l’apprentissage automatique (Machine Learning) et l’analyse des données massives (Big Data) avec des données pour créer des modèles de simulation numérique qui se mettent à jour et changent à mesure que leurs contreparties physiques changent. Ils mobilisent souvent la réalité étendue (réalité augmentée, réalité virtuelle, hologramme…) pour la visualisation des données et leurs traitements. Un jumeau numérique apprend en permanence et se met à jour en utilisant de multiples sources pour représenter son statut, sa condition de travail ou sa position en temps quasi réel. Ce système d’apprentissage, apprend de lui-même, en utilisant :

Un jumeau numérique est capable donc de s’auto instruire pour prévenir des pannes ou des dispositifs d’obsolescence programmée, pour un jour peut-être, réussir à s’auto réparer. Aujourd’hui, il n’est utilisé que chez 4% des industriels, il atteindra 54% d’ici à 2026.

Par exemple le moteur thermique s’applique très bien au jumeau numérique avec des sondes et des capteurs pour mesurer des indicateurs comme : la pression, la température, la consommation, le niveau d’huile, le nombre de tour/minute, ou encore la fiche technique d’une pièce et son niveau d’usure.

Comment fonctionne un jumeau numérique ?

Un jumeau numérique est un modèle virtuel (permettant une navigation 3D) conçu pour refléter avec précision un objet physique (souvent critique et cher), par exemple une éolienne équipée de divers capteurs. Ces derniers produisent des données sur différents aspects des performances de l’objet physique, tels que la production d’énergie, la température, les conditions météorologiques, etc. Ces données sont ensuite relayées vers un système de traitement et appliquées à la copie numérique.

Une fois informé de ces données, le modèle virtuel connecté peut être utilisé pour exécuter des simulations, étudier les problèmes de performances et générer des améliorations possibles, le tout dans le but de générer des informations précieuses, qui peuvent ensuite être appliquées à nouveau à l’objet physique d’origine.

Quels sont les différents types de jumeau numérique ?[i]

Il existe différents types de jumeaux numériques selon le niveau du rapport optique du produit (niveau d’agrandissement du produit). La plus grande différence entre ces jumeaux est le domaine d’application. Il est courant que différents types de jumeaux numériques coexistent au sein d’un système ou d’un processus.

·        Jumeaux de composants/jumeaux de pièces

Les jumeaux de composants sont l’unité de base du jumeau numérique, le plus petit exemple d’un composant fonctionnel.

·        Jumeaux d’actifs

Lorsque deux ou plusieurs composants fonctionnent ensemble, ils forment ce que l’on appelle un actif. Les jumeaux d’actifs permettent d’étudier l’interaction de ces composants, créant ainsi une multitude de données de performance qui peuvent être traitées puis transformées en informations exploitables.

·        Jumeaux de systèmes ou d’unités

Le niveau suivant du rapport optique implique des jumeaux système ou d’unité, qui permettent de voir comment différents actifs se réunissent pour former un système fonctionnel complet. Les jumeaux système offrent une visibilité sur l’interaction des actifs et peuvent suggérer des améliorations de performances.

·        Jumeaux de traitement ou de processus

Les jumeaux de traitement, le niveau macro de l’agrandissement, révèlent comment les systèmes fonctionnent ensemble pour créer une installation de production entière. Les jumeaux de traitement peuvent aider à déterminer les schémas de synchronisation précis qui influencent finalement l’efficacité globale.

Avantages et bénéfices des jumeaux numériques

Il existe plusieurs avantages à l’utilisation des jumeaux numériques

Applications

Auparavant, les jumeaux numériques étaient souvent créés afin de faire des simulations de matériels couteux et ou critiques, très souvent à risque (avion de chasse, fusée, centrale électrique, scanner médical…). Les jumeaux numériques sont aujourd’hui déjà largement utilisés dans différents domaines pour les équipements de production de l’énergie, les grandes structures physiques, telles que les grands bâtiments ou les plateformes de forage en mer. Ils sont également développés pour des opérations de fabrication de la conception jusqu’au produit fini, les services de santé, l’industrie de l’automobile, l’urbanisme, etc. Par exemple, La chaire « Digital Twins for Industrial System » lancée par l’Institut Mines-Télécom cherche notamment à développer des Jumeaux Numériques interopérables et Data Driven, adaptés aux usages industriels

Aujourd’hui, si nous repoussons les limites de cette innovation technologique, il deviendrait possible de créer un « jumeau numérique » pour tout ce qui nous entoure. Tout pourrait être virtualisé afin de savoir précisément quand réparer ou remplacer un objet. Par exemple, la ville de Paris est capable d’anticiper désormais la maintenance de ses réseaux d’assainissement grâce à cette technologie. Des géants comme Google s’intéressent également à cette approche, envisageant de créer un « jumeau numérique » pour chaque grande ville. Cela permettrait d’anticiper l’impact d’une catastrophe naturelle ou la construction d’une nouvelle route, par exemple. Avec tous les éléments connectés, toutes les situations pourraient être envisagées.

Dans une vision plus futuriste, il serait même envisageable de créer un « jumeau numérique » pour chaque individu. Avec le séquençage du génome humain réalisé récemment, il serait possible d’anticiper le vieillissement d’une personne et de prévenir des maladies telles que le cancer ou les AVC. Là encore devait intervenir l’intelligence digitale de chacun pour que cette technologie soit à l’avantage de l’espèce humaine et non l’inverse.

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