Le Cigref appelle à mieux définir le progrès numérique, une boussole face aux turbulences 

 
Assemblée générale du Cigref, mercredi 11 octobre au Pavillon Gabriel

Assemblée générale du Cigref, mercredi 11 octobre au Pavillon Gabriel

Ce mercredi 11 octobre, le Pavillon Gabriel à Paris réunissait la 53e assemblée générale du Cigref, devant près de 600 décideurs du numérique. L’occasion pour le réseau de grandes entreprises pour réussir le numérique, de se questionner sur la notion de progrès apportée par les technologies, en présence d’invités prestigieux.  

Alain Aspect, Étienne Klein, Élisabeth Moreno, Jean-Noël Barrot… Pour la 53e assemblée générale du Cigref, des invités de marque se sont réunis mercredi 11 octobre à Paris autour d’un thème : « Le Numérique est-il porteur de progrès ? ». Sur la scène du Pavillon Gabriel, Jean-Claude Laroche, président du réseau, s’interroge ainsi : “Le numérique que l’on souhaite de progrès, durable, responsable et de confiance, est-il compatible avec les évolutions sociales, sociétales et environnementales qu’il doit accompagner ?”. Cette question posée devant une assemblée de cadres du numérique français concerne ainsi chacune des personnes présentes 

La disparition du progrès  

Étienne Klein, directeur de recherches au CEA, tente d’apporter un éclairage sur ce qu’il se cache derrière le mot progrès. “Croire au progrès, c’est faire un effort intellectuel consistant à penser le futur d’une façon crédible. Il faut que ce soit attractif pour le faire advenir”, précise-t-il, en différenciant bien ce mot de celui d’innovation : “Il y a plusieurs siècles, on considérait l’innovation comme l’équivalent d’un avenant à un contrat. C’est à dire ce qu’il faut changer pour que ça ne change pas”.  

Le physicien et philosophe des sciences place dos-à-dos ces deux mots car il estime que l’un a remplacé l’autre au fil des années : “Le progrès a disparu du discours politique. Alors que le mot était écrit avec une majuscule pendant des siècles, son orthographe a changé juste avant la guerre. Depuis les années 80, il est doucement remplacé par le mot innovation”. Selon une étude qu’il a menée, la courbe de l’utilisation du mot progrès croise celle du mot innovation en 2003. “Ce mot a été liquidé en peu de temps”, regrette-t-il.  

La féminisation des métiers du numérique : un progrès  

Pour autant, la recherche du progrès reste présente dans le numérique et passe par plusieurs biais. Le Cigref en est convaincu, la féminisation des métiers du numérique en est un. C’est le combat que mène Élisabeth Moreno, ancienne ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances. Avec un dynamisme certain, elle ironise devant les 600 personnes studieuses présentes dans la salle : “J’adorerais qu’il y ait autant de monde pour un sujet traitant uniquement de la mixité ».   

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Dans les métiers du numérique, les femmes sont particulièrement sous-représentées. Selon les chiffres mis en avant par le Gouvernement, seulement 27% des employés du secteur sont des femmes. Elles sont seulement 15% dans la tech. “C’est moins qu’il y a 20 ans”, constate Élisabeth Moreno, désormais présidente de la fondation Femmes@numérique. “L’économie numérique est privée d’un vivier colossal de talents. Cela devrait être une préoccupation majeure car le numérique est au cœur de tout ce que nous faisons, et est aussi bien utilisé par des hommes que par des femmes”.  

Elle lance ainsi un appel à l’aide aux décideurs du numérique présents ce mercredi 11 octobre au Pavillon Gabriel à Paris. “Nous avons besoin de vous ! Nous ne pouvons pas laisser la moitié de la population en dehors de la solution. Elles ont des idées, elles inventent, elles créent”, insiste Élisabeth Moreno. “Il faut qu’on passe à l’échelle. Ouvrez-leur les portes de vos entreprises !”, exhorte-t-elle, “il faut que vous nous aidiez à avoir des moyens financiers mais également humains. Les femmes ont besoin de mentor pour entrer dans le numérique”, indique l’ancienne ministre en prenant pour exemple son parcours dans la Tech, poussé par des mentors hommes.  

Le progrès à travers le numérique responsable  

Pour s’interroger sur l’effet des technologies numériques sur nos sociétés, Étienne Klein cite Franz Kafka mort en 1924 : « Il est consolant de constater que la dysharmonie de ce monde ne semble être que numérique ». Sans s’approprier exactement les mots de Kafka écrits à une époque où le numérique n’, le directeur de recherches au CEA fait malgré tout un parallèle avec notre époque. “Les technologies sont devenues si puissantes qu’elles mèneront à des ruptures anthropologiques », estime-t-il, “elles exigent qu’on révise leur définition”.  

“Il nous faut penser aux bons usages des technologies et cela dès leur conception”, assure Véronique Torner, présidente de Numeum, syndicat des professionnels du numérique. “Il est primordial de porter une vision holistique sur le progrès et le numérique. On doit se préoccuper de ce qui nous entoure, contribuer au débat public et donner un sens à nos actions”. Dans une comparaison avec le milieu pharmaceutique, elle indique : “On doit penser à la posologie et aux effets secondaires”. Selon la dirigeante, la réponse réside dans le numérique responsable avec un impact positif sur le plan social, sociétal et environnemental.  

Comme Élisabeth Moreno plus tôt, elle lance également un appel auprès des personnes présentes dans la salle : “Nous avons besoin de vous sur tous ces sujets !”. C’est également le sens du message du président du Cigref Jean-Claude Laroche. “Je considère le progrès comme la seule boussole possible dont nous avons collectivement besoin pour nous repérer”, indique-t-il, “nous sommes entrés dans le temps des turbulences et l’avenir est ouvert”. Un message qui tient coûte que coûte à mettre l’espoir en évidence, malgré une période faite d’incertitude sociale, écologique et géopolitique.