Collectifs de salariés : changer son entreprise de l’intérieur

Dans certaines organisations, des collaborateurs se regroupent pour faire changer les choses, en complément des instances officielles. Gros plan sur cette tendance de fond avec le site Les Collectifs, qui fédère des collectifs présents dans 250 entreprises.

Convention citoyenne interne, journée de sensibilisation aux enjeux de la sobriété énergétique, bilan carbone individuel ou d’un établissement, changement de fournisseur pour la cantine (pour plus de bio…) ou les fournitures (papier recyclé…), fresque du climat ou du numérique… Toutes ces initiatives peuvent être organisées par la direction communication, RSE ou achats d’une entreprise, mais aussi par plusieurs collaborateurs réunis en collectif.

« Un collectif est un groupe informel de salariés qui se réunissent régulièrement pour mener des actions, pour transformer leur organisation de l’intérieur. L’idée d’un collectif est assez flexible et s’adapte à de multiples structures différentes. Nous avons dans notre réseau des collectifs de 5 membres, mais aussi de 2 000 personnes, dans des secteurs très variés », déclare Paul Chalabreysse, en charge de la coordination et du pilotage de l’association Les Collectifs.

Cette association, créée en 2021 sous l’impulsion de 27 collectifs, regroupe des salariés et collectifs de 250 organisations, dont 120 collectifs matures. « Notre mission est de connecter les collectifs entre eux, de faire en sorte qu’ils mènent des actions en commun et qu’ils s’entraident, notamment lorsqu’ils sont en phase de création », précise Paul Chalabreysse.

Sensibiliser, donner l’exemple, changer la gouvernance

Parmi les collectifs les plus connus en France, citons le Rhizome, qui réunit plus de 1 600 collaborateurs chez EDF, « One Planet » chez Michelin, « J’agis pour la planète » chez Engie et de nombreuses autres initiatives créées au sein d’entreprises technologiques telles que IBM (collectif « Bee Green ») ou de sociétés de conseil comme Oliver Wyman (plusieurs collectifs intitulés « GrOW »), Wavestone (collectif « Green Place To Work ») ou bien encore au sein de SNCF Conseil (collectif « Tous Durables »).

Il existe trois grandes familles d’actions que ces regroupements de collaborateurs peuvent mener. Tout d’abord, celles que l’on peut qualifier de sensibilisation et de formation (ateliers, fresques, conférences, manifestes…). Viennent ensuite les projets dits d’exemplarité (actions liées à la restauration collective, opérations zéro déchet, promotion des mobilités douces ou des économies d’énergie…).

Enfin viennent les actions qui touchent au modèle d’affaires, à la gouvernance même de l’entreprise. En voici quelques exemples :

– l’organisation d’une convention citoyenne interne, pour rénover des pans entiers des activités et processus de l’entreprise

– la construction d’une feuille de route pour réduire de 5 % l’empreinte carbone de l’entreprise par an, afin de l’aligner avec les accords de Paris

– l’obtention d’un droit de regard sur des processus essentiels de décision de l’entreprise (investissements, communication extérieure)

– la création de points réguliers avec le Comex

– l’obtention d’un changement de statuts (devenir entreprise à mission) ou d’une certification (B-Corp)

Une véritable démarche d’accompagnement

Quand un salarié veut créer son collectif, l’association Les Collectifs l’accompagne dans sa démarche et partage avec lui les retours d’expérience venant d’autres entreprises. « Nous lui expliquons comment d’autres personnes ont procédé pour créer leur collectif, par quelles étapes elles sont passées et comment elles sont allées au contact des parties prenantes, c’est-à-dire des autres salariés, de la direction générale et de la direction RSE si elle existe », note Paul Chalabreysse.

Une fois que le collectif est « sur les rails », les besoins en accompagnement changent. « Dès qu’un premier groupe s’est constitué autour de quelques collègues, le collectif commence à se réunir régulièrement. Nous l’aidons alors à choisir ses premières actions mener, en s’inspirant du parcours des autres. Nous souhaitons que les collectifs les plus ambitieux deviennent une norme pour les autres. Notre accompagnement porte aussi sur l’animation de groupe, car ce ne sont pas forcément des compétences qui font partie de la fiche de poste des membres d’un collectif », complète Paul Chalabreysse.

Ne pas manquer les étapes clés du développement d’un collectif

Une des étapes clés lors de la montée en puissance d’un collectif est la phase de « dévoilement » qui correspond au moment où le groupe constitué se déclare au grand jour, après parfois des semaines, voire des mois de réunions et de discussions internes. « Bien gérer sa phase de dévoilement signifie notamment être allé aplanir certains sujets avec les personnes que le collectif imagine être potentiellement hostiles à sa démarche. Tout dépend de la structure en réalité. Il existe des structures dans lesquelles ce sera plutôt la direction générale, d’autres dans lesquelles la direction RSE sera clé, et d’autres encore où c’est le syndicat qu’il faut contacter prioritairement en amont », explique Paul Chalabreysse.

Dès que les sujets sensibles sont aplanis, il existe peu de cas où les choses se déroulent mal.  « Le collectif arrive avec de la bonne volonté, dans une démarche de ‘pour-pouvoir’, et non de ‘contre-pouvoir’. Il est capable de mettre en avant des actions qui sont sur une ligne de crête, justement, entre la critique et la proposition. Cette ligne de crête lui permet d’échanger avec la direction au quotidien. Globalement, les collectifs sont plutôt bienvenus dans les entreprises », conclut Paul Chalabreysse.