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La place des seniors dans les start-up

« Les seniors et les start-up » : on dirait une fable de la Fontaine, version 2023 ! Mais la fin n’est pas écrite, d’autant que les personnages principaux évoluent constamment.

Tous deux sont en effet sujet à interprétation. D’un côté, les « seniors » : pour l’OMS, ils ont 60 ans et plus. Mais dans le monde du travail, ce serait plutôt 50 ans – et bien souvent 45. Un âge qui aujourd’hui correspond seulement à la moitié d’une carrière, dans le cas où celle-ci débute autour de 25 ans et court jusque 65.

Quant aux start-up, on a tendance à coller cette étiquette un peu partout, surtout lorsque la nouvelle entreprise utilise un levier numérique. Mais qu’est-ce qui différencie une start-up d’une entreprise fraîchement créée ? Sur ce sujet, chacun a son point de vue. Celui de Jean-Pierre Chican, qui pilote le groupe “Investigations et sécurité économique” à la Direction de la sécurité et de la sûreté nucléaire du CEA, nous semble clair et intéressant : « La start-up est à la recherche d’un business model qui fonctionne. Elle organise toutes ses  ressources pour tendre vers cet objectif. Ensuite, elle change d’état : elle devient une entreprise, c’est-à-dire une société structurée pour exécuter ce fameux business model. Cet « état » très particulier de la start-up mérite qu’on traite spécifiquement la question de l’intelligence économique. »

On le comprend, une start-up n’est pas fondée sur une simple « bonne idée ». Pour évoluer, elle a besoin de collaborateurs expérimentés et de points de vue différents. Hélas, les start-up ne sont pas exactement le paradis de la diversité, comme nous le relevions l’année dernière

Judith Tripard, DRH d’Oh Bibi, studio de jeux vidéo sur mobile, a mené à l’été 2020 une enquête intitulée « La diversité et l’inclusion en start-ups » (138 entreprises interrogées). Parmi ses conclusions, on découvre que les seniors sont les « grands absents » des start-up de moins de 300 salariés, avec seulement 7,7% de salariés de plus de 45 ans et 2,4% de plus de 55 ans…

Mêmes échos chez Diversidays : d’après leur dernière étude, réalisée avec PwC France & Maghreb, l’âge était en 2021 le premier facteur de discrimination dans les entreprises de la Tech en France.

Les seniors dans les start-up sont qualifiés tantôt de « grands oubliés », tantôt de « tabous ». 

Mais si on ne les trouve pas dans les rangs des employés, peut-être se sont-ils installés dans le fauteuil de direction ? Il est difficile de trouver des chiffres portant sur l’âge des créateurs de start-up – toujours au regard de la définition d’une « start-up ». On trouve des données factuelles pour les micro-entreprises, par exemple.

Ceci dit, un indice intéressant s’est glissé dans l’enquête du Galion Project baptisée « Quels salaires pour les fondateurs et fondatrices de la tech au sein du Galion ? Edition 2022 ».

On peut y lire que « 25% des fondateurs et fondatrices ont 3 enfants ou plus à charge. C’est un résultat tout à fait étonnant, quand on le compare aux 16% de familles nombreuses pour la population française prise dans son ensemble. »

Une autre idée : d’après un article tout récent de The Conversation (signé par Virva Salmivaara/Audencia), les entrepreneurs de plus de 50 ans seraient les plus doués pour innover. 

« En explorant une base de données incluant 2 900 fondateurs de nouvelles entreprises en Allemagne entre 2008 et 2017, indique la chercheuse, nous avons constaté que, en moyenne, la probabilité qu’un fondateur introduise une nouveauté sur le marché augmente de 30 % lorsque son âge augmente de 10 ans. Les entrepreneurs en fin de carrière sont ainsi plus de trois fois plus susceptibles d’introduire des nouveautés sur le marché que la moyenne de l’échantillon.

En termes de chiffre d’affaires, dix années d’âge supplémentaires se traduisent par une augmentation d’environ 35 000 euros par an du chiffre d’affaires généré par les innovations, soit environ 26 % de plus que la moyenne de l’échantillon pour la tranche d’âge la plus élevée. L’impact positif de l’âge du fondateur sur les nouveaux produits et/ou services se poursuit jusqu’à la retraite. »

Pour conclure, rappelons que l’âge et la fameuse « expérience » comptent différemment dans la Tech : si nos compétences techniques, même toutes fraîches, périment sous trois à cinq ans, alors nous sommes tous égaux devant le brassage permanent de la Tech. La formation continue, de plus en plus nécessaire, abolit les différences entre juniors et seniors. C’était d’ailleurs l’objet de l’une des sept propositions chocs de l’Institut Montaigne l’année dernière : « déplafonner le CPF pour les actifs de 50 ans et plus, à hauteur d’un abondement effectué notamment par l’employeur. »

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