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Largo souhaite généraliser le high tech reconditionné en France

Depuis sa création en 2016, la pépite nantaise Largo a noué de nombreux partenariats avec des distributeurs souhaitant étoffer leur gamme de produits numériques avec du matériel reconditionné. D’ici fin 2022, grâce à l’automatisation de son processus industriel, Largo parviendra à reconditionner plus de 25 000 produits par mois. Christophe Brunot, cofondateur de l’entreprise, nous en dit plus sur les prochaines étapes de son développement.

Christophe Brunot, cofondateur de Largo / Crédit : Atypix

Christophe Brunot, cofondateur de Largo / Crédit : Atypix

Alliancy. Comment est venue l’idée de lancer Largo ?

Christophe Brunot : J’ai travaillé dans les télécoms pendant plus de vingt ans. J’occupais le poste de directeur commercial Grand Ouest chez Virgin Mobile et j’ai aussi travaillé pour l’enseigne The Phone House. Au moment où Xavier Niel est arrivé sur le marché avec Free, j’ai décidé avec Frédéric Gandon de me lancer dans l’entrepreneuriat sur le secteur de la réparation de smartphones.

En 2014, alors que nous constations que les produits technologiques n’évoluaient plus trop, le souci lié au numérique responsable a commencé à émerger. Notre start-up Point Service Mobiles (devenu Save Store) prenait tout son sens.

En 2015, des modèles industriels autour des téléphones reconditionnés ont commencé à apparaître. À partir de nos expériences dans les télécoms, Frédéric et moi avons lancé Largo en janvier 2016 à Nantes. Six mois plus tard, nous avons eu un chiffre d’affaires de plus d’un million d’euros. Signe que le marché avait un fort potentiel. 

L’idée principale derrière notre projet est d’arriver à réparer pour moins jeter. Beaucoup parlent d’obsolescence programmée des téléphones mais en réalité cela n’existe pas vraiment sur la partie hardware. De la même manière, il n’existe plus aujourd’hui de grande rupture technologique, ce qui rend donc possible le reconditionnement de nos appareils électroniques. 

Enfin, nous avons découvert les premiers travaux de l’Ademe sur l’empreinte environnementale des smartphones. Nous n’avons pas bâti Largo exclusivement à partir de ce constat là mais il est évident qu’il en fait partie.

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Et ensuite, quelles étapes ont marqué votre développement ?

Au lancement du projet, nous avons ouvert notre capital car les demandes étaient extrêmement fortes. Nous avons entre 2017 et 2018 travaillé sur notre déploiement dans le Grand Ouest, notamment avec l’ouverture d’un local plus grand à Sainte-Luce-sur-Loire.

En 2017, nous avons levé 1 million d’euros et nous avions déjà plusieurs partenariats à notre actif – signés notamment avec E.Leclerc, Cora ou encore la Fnac. En 2019, nous avons à nouveau bouclé un tour de table de 2 millions d’euros et notre réseau de partenaires s’est largement étendu (Amazon, SFR Business, Cdiscount, Système U…). 

Lors de l’irruption de la crise sanitaire, la partie web s’est développée à vitesse grand V et cela nous a permis de nous rassurer sur la pérennité de notre modèle car il est entièrement digitalisable. Dernièrement, nous souhaitions à nouveau lever des fonds pour accélérer notre développement et nous avons eu la chance de rencontrer Euronext. Puisque l’ISR prenait de l’ampleur et dégageait de grandes poches d’investissement sur les marchés financiers, Euronext nous a proposé directement une introduction en bourse. Ainsi, depuis 2021, nous sommes devenus le premier acteur du reconditionné introduit en bourse.

Quel type de services proposez-vous ?

Nous achetons des produits d’occasion soit auprès de brokers, soit auprès d’enseignes dans le cadre de programmes de reprise afin de les réparer et les revendre. Notre objectif à l’avenir est de rééquilibrer ces deux parts de sourcing dans notre modèle. Les produits récupérés passent par plus d’une centaine de tests et sont réparés en remplaçant les pièces défectueuses identifiées. 

Nous avons également une vocation industrielle et nous avons en début d’année lancé l’automatisation de plusieurs étapes de notre activité de reconditionnement en usine. Nous sommes historiquement en lien avec la grande distribution mais nous avons aussi lancé notre propre site e-commerce Largo.fr l’année dernière. Une offre B2B intitulée “Largo Business” est aussi proposée pour la gestion de flotte informatique et services associés des entreprises. 

Enfin, depuis la fin de l’année 2021, nous sommes partenaires de plusieurs acteurs de l’assurance affinitaire pour les aider dans la gestion des sinistres liés aux appareils reconditionnés.

Vous venez également d’annoncer un tout nouveau partenariat avec Doctolib*…

Notre stratégie est assez claire : nous souhaitons générer environ 15% de notre chiffre d’affaires grâce à la partie B2B et pour cela nous identifions les grandes entreprises montantes et les distributeurs qui peuvent revendre nos produits. Notre offre B2B Largo Business prend aussi de l’ampleur, Doctolib l’a d’ailleurs récemment choisie pour équiper en appareils reconditionnés ses collaborateurs en Allemagne, en Italie et en France.

Comment mesurez-vous la maturité des entreprises sur la question du reconditionné ?

Depuis l’adoption de la loi Agec en février 2020 qui vise notamment à lutter contre le gaspillage et l’obsolescence programmée, les questions autour du réemploi ont déteint sur les entreprises. Même si cette loi concernait surtout les consommateurs. 

Aujourd’hui, nous voyons beaucoup de responsables RSE faire du lobby pour nous. Et puisque ces entreprises cherchent à “verdir” leur bilan carbone, adopter le reconditionné reste un des moyens les plus simples. Concrètement, nous pouvons collecter leur ancien parc informatique pour leur en fournir un nouveau et nous proposons en complément un bilan carbone précis pour leur permettre de mieux communiquer sur leurs efforts.

Quelles sont vos ambitions de développement pour 2022 ?

Nous souhaitons continuer à développer le buy back – nous sommes d’ailleurs présents sur des programmes de reprise de grands opérateurs et accélérons notre stratégie de reprise auprès des entreprises. Nous voulons aussi étendre notre gamme d’appareils réparables : nous étions initialement très orientés sur les smartphones mais aujourd’hui nous pouvons aussi reconditionner des tablettes tactiles, des PCs, des moniteurs vidéo, des Airpods et des smartwatches. 

Comment s’adapter à l’évolution des moyens de fabrication des appareils électroniques ?

En réalité, nous avons toujours affaire aux mêmes composants. Hormis peut-être les Airpods, il n’y a pas vraiment plus de complexité avec le temps et il nous faut seulement 45 minutes en moyenne pour reconditionner un smartphone. 

C’est ce qui nous permet aujourd’hui de viser l’automatisation au maximum de nos tâches industrielles. Nous ne pouvons pas réparer ces appareils sans l’humain, car il y a – comme en horlogerie – des tâches trop minutieuses dont la machine ne peut s’occuper. En revanche, deux étapes sont automatisables : les tests d’une part, avec des robots autonomes qui entendent, voient et touchent l’objet. Et d’autre part le grading auprès du consommateur final qui arbitre différemment entre le cosmétique et le fonctionnel. Certains clients par exemple souhaitent payer moins cher un smartphone avec de petits défauts esthétiques. 

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Quels sont les leviers possibles pour le business modèle des reconditionneurs ?

J’aime faire un parallèle avec l’industrie automobile où le business de l’occasion a toujours existé et représente aujourd’hui 70% des ventes. Celui du recyclage informatique est tout récent et gagnerait à être généralisé. L’indice de réparabilité est par exemple né d’une volonté générale d’accès à des produits plus durables. C’est une bonne nouvelle pour notre secteur et cela peut inciter davantage les constructeurs à s’aligner à ces nouveaux besoins.

Il faut 82 kilos de matières et 21 mètres cubes d’eau pour produire un smartphone de 150 grammes. Ce n’est tout simplement pas viable et le réemploi apparaît comme une nécessité. Le numérique responsable concerne tout le monde, y compris nous-mêmes et ce n’est pas simplement la rentabilité qui nous permettra de soutenir les modèles de demain. 

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Une autre piste à creuser qui me paraît fondamentale : nous n’avons pas de structure européenne de raffinerie des cartes mères. Il existe une usine en Hollande mais elle ne peut pas couvrir toute l’Europe à elle-seule. Au lieu d’envoyer nos déchets électroniques en enfouissement à l’autre bout du monde, il faudrait chercher à réutiliser les métaux de nos composants ; l’or et le platine sont par exemple réutilisables à vie.

* Depuis février 2022, des collaborateurs de Doctolib sont équipés d’appareils (téléphones et tablettes) reconditionnés par Largo dans son atelier de Sainte-Luce-sur-Loire (44). Cette collaboration a permis à la scale-up d’éviter l’émission de 4,8 tonnes d’équivalent carbone.

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