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Les DRH entre urgences du quotidien et challenges de la transformation

Interview issue de notre guide « Nouveau monde du travail : quelles priorités pour les DRH ?» disponible en téléchargement

 

Les DRH sont en première ligne depuis le début de la crise sanitaire. Avec les mutations du travail qu’elle entraîne, leurs priorités s’enchaînent dans un nouveau monde où tout reste à (re)construire mais où rien n’est encore vraiment joué. Alliancy fait un tour d’horizon des grands chantiers du travail de demain avec l’ANDRH, le Lab RH et le Cigref.

De gauche à droite (Audrey Richard, présidente de l’Association nationale des DRH, Corinne Dajon, vice-présidente du Cigref et Boris Sirbey, cofondateur du Lab RH)

« Réussir à ancrer et à pérenniser les trans­formations en cours, et notamment celles accélérées par la crise depuis deux ans, est un enjeu majeur, affirme Boris Sirbey, cofondateur du Lab RH. Le danger est en effet de voir le vieux modèle reprendre son emprise dans deux ou trois ans, avec des dirigeants estimant que les changements comme le télétravail étaient exceptionnels et que le mieux pour rendre les collaborateurs performants reste encore de contrôler, suivre des process et les réunir au bureau. Et ce, même si les salariés dans leur ensemble exercent une forte pression et soutiennent qu’il est hors de question de revenir en arrière. »

C’est un hiatus entre le ressenti des dirigeants et celui des salariés qui donne ce sentiment au cofondateur du Lab RH. « Au sein d’un certain nombre de grands groupes, aussi bien du service public que du CAC 40, les collaborateurs estiment qu’ils ont surmonté la crise grâce à l’intelligence collective de terrain, en se mobilisant, s’entraidant et trouvant des solutions localement. A contrario, dans un certain nombre d’organisations, les leaders et les top managers affirment exactement l’inverse, confie-t-il. Selon leurs propos, ces entreprises ont réussi à surmonter la crise grâce à la “tête” qui s’est mobilisée, qui a analysé tous les problèmes et a trouvé les bonnes solutions, tout cela grâce au retour au bon vieux mode du “commander et contrôler” et à des collaborateurs extrêmement disciplinés. » Un élément paraît en tous les cas irréfutable : la crise sanitaire, particulièrement anxiogène, a été pour certaines personnes le facteur déclencheur d’un changement de vie, de travail et/ou de région. À tel point qu’une pénurie des talents, déjà tangible, s’est enracinée dans le paysage économique.

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Pour l’ANDRH, l’Association nationale des DRH, trouver des solutions à cette situation constitue pour l’heure l’urgence absolue. « Nos trois priorités globales sont : la nouvelle organisation du travail qu’amène la démocratisation du télétravail, le lieu de travail qui se modifie en conséquence et le nouveau management qui n’est plus le même en mode travail hybride, déclare Audrey Richard, la présidente de l’association. Mais la priorité majeure à l’instant T est de pallier la pénurie de main-d’œuvre.

C’est une réalité dans beaucoup de secteurs, que ce soit l’industrie, le bâtiment, la restauration ou encore l’artisanat… et les DRH sont désemparés. » L’ANDRH s’y emploie avec ses 70 groupes locaux, ainsi qu’avec Pôle Emploi et l’APEC, afin de trouver des compétences. « La fonction DRH, qui était auparavant plutôt centrée sur l’entreprise, doit s’ouvrir sur l’extérieur, estime sa présidente. Aujourd’hui, un DRH doit mailler les acteurs du territoire pour le bien-être économique et social de son entreprise. » Pour elle, la clé sera la formation et le développement de compétences, tout comme l’attractivité d’un secteur, d’une entreprise et de sa culture.

La gestion des talents : une vraie dynamique

Corinne Dajon, vice-présidente du Cigref, l’Association des grandes entreprises et administrations publiques françaises qui veulent « réussir le numérique », met pour sa part en avant la pénurie de compétences dans le secteur de l’IT. « On parle de “guerre des talents” et ce thème est au centre de l’édition 2021 de l’Observatoire du marché de l’IT en France, en Europe et dans le monde, souligne-t-elle. C’est une menace à prendre très au sérieux. Le numérique est un élément clé du développement de l’économie européenne et mondiale. La compétitivité des entreprises repose en grande partie sur une utilisation efficace des technologies numériques, ce qui implique de disposer des compétences appropriées pour les mettre en oeuvre. En fonction des secteurs d’activité, la pénurie s’applique parfois de manière inégale d’une entreprise à l’autre mais nous sommes tous confrontés au fait que des domaines sont particulièrement en tension, comme la data, la cybersécurité ou le cloud. Et la concurrence est impitoyable. »

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C’est d’ailleurs bien avant le début de la crise sanitaire que les DRH ont fait de la gestion des talents en interne une de leurs thématiques phares. « Aujourd’hui, avec la GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences), la dynamique de “mise en mouvement” de l’ensemble des collaborateurs est meilleure : il y a un travail dans les deux sens, du manager vers le collaborateur et vice versa, qui vise à mieux mettre en perspective les opportunités de mobilité, explique Corinne Dajon. Les postes proposés sont mieux décrits, pour être accessibles à ceux qui n’imaginaient pas satisfaire leurs exigences, et l’offre de formation vient sécuriser les parcours professionnels. Les managers sont force de proposition vis-à-vis des collaborateurs pour impulser le changement. Les opportunités sont nombreuses, en particulier dans les métiers du numérique, et communiquer sur le fait que “chacun doit être acteur de sa trajectoire professionnelle” incite davantage les salariés à s’intéresser aux postes ouverts, et cela au-delà de leur propre direction d’appartenance. Le fait de communiquer sur les succès met aussi plus en confiance les collaborateurs », précise-t-elle.

En route pour le travail en mode hybride

Entre-temps, la crise est passée par là, bouleversant les modes d’organisation du travail et mettant leur évolution au coeur des priorités des DRH. « Le challenge est de réussir à mettre en place une organisation hybride tout en conservant le lien et l’esprit collectif, estime Audrey Richard. Les recruteurs l’affirment : l’une des premières questions des candidats est de sa­voir s’il est possible de télétravailler et si ce n’est pas le cas, ils s’arrêtent là. » Cette mutation n’est pas sans conséquences sur le lieu de travail. « On n’a plus besoin d’autant de mètres carrés, et de nombreux DRH ferment des sites au profit d’espaces de coworking, confie-t-elle. Par ailleurs, les salariés reviennent sur site pour faire de la collaboration et travailler ensemble, ce qui nécessite un réaménagement des locaux. On ne manage plus non plus de la même façon mais dans un esprit de collaboration, d’autonomie et de confiance. » Corinne Dajon le souligne, il s’agit d’un mouvement d’ensemble, porté et très incarné par les DRH, afin de bien accompagner le télétravail et ce mode hybride. Et de veiller à un bon équilibre général dans le fonctionnement sur le terrain. « Cette nouvelle orga­nisation devient clé dans la gouvernance des organisations et il faut en mesurer les impacts sur la qualité de vie au travail et la productivité, et s’assurer que tous les moyens sont mis à disposition pour que chacun puisse exécuter ses tâches dans de bonnes conditions. Et ce, même si on ne connaît pas encore toutes les réponses sur les aspects juridiques notamment, en termes de responsabilité, de sécurité et de bon équilibre dans l’organisation générale de ce travail en mode hybride. »

Du changement de la culture de l’entreprise

Pour Boris Sirbey, la crise a ouvert un boulevard aux DRH et beaucoup s’emploient à se réorganiser complètement pour travailler différemment, repensant notamment les espaces de travail autour des usages. Cependant, le cofondateur du Lab RH l’affirme, le fond du sujet est ailleurs. « La vraie question est de savoir qui va confronter les dirigeants et les top managers à leurs “points aveugles”, à leur vision de la réalité et de l’organisation, afin de les amener à évoluer, déclare-t-il. Les DRH en sont conscients car ils sont allés sur le terrain durant la crise mais pour autant, comme ils ont longtemps rempli des fonctions d’exécution, ils n’ont pas forcément la posture pour leur faire comprendre que c’est l’intelligence collective qui fonctionne et que nombre de solutions ont été trouvées au niveau du terrain. » Selon lui, les grands DRH sont ceux qui osent exprimer la nécessité de revoir les modèles, de créer des cadres de confiance et d’apprendre aux dirigeants à lâcher prise et à prendre de la hauteur.

Boris Sirbey évoque le réseau EVH (« Vers une entreprise Vivante pour et par des femmes et des hommes vivants »), qui a été créé voilà presque 30 ans, afin d’aider les « leaders » à atteindre cet objectif. Il s’agit d’un lieu de développement et de transformation pour conduire leur organisation vers plus d’« en-Vie » et de performance. « Cette association regroupe une centaine de dirigeants qui apprennent à se confronter à leurs peurs en tant que “leaders” et à engager leur transformation identitaire, une organisation ne pouvant pas se transformer au-delà de la conscience et de la maturité de son meneur, explique le cofondateur du Lab RH. Certains chefs d’entreprise viennent avec leur DRH et ces derniers mènent le même travail pour apprendre à s’affirmer et à devenir assertifs face à leurs dirigeants. »

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