Valoriser ses archives

Assurément, les célébrations liées au centenaire de la Première Guerre mondiale* comme celles liées à la fin de la Seconde Guerre mondiale** ont été un catalyseur pour la mise en valeur par le numérique des archives de l’époque. La digitalisation du patrimoine historique a cela de bon qu’elle donne un accès universel à des documents parfois enterrés un temps dans des salles peu fréquentées. Sur Internet, la visibilité est démultipliée et, surtout, cela permet d’atteindre des populations jeunes, parfois par des scenarii originaux.  En témoigne le succès sur Facebook du poilu fictif, Léon Vivien.  Plus encore, l’historiographie s’en trouve revisitée via la démarche collaborative d’un grand nombre de sites Web. Les corpus ne sont plus seulement écrits pour les internautes, mais également par eux ! C’est également vrai pour les histoires d’entreprise, comme celle de Saint-Gobain, dont l’exposition virtuelle des 350 ans est enrichie en permanence par les témoignages des internautes. Valoriser les archives avec le numérique, c’est aussi comme l’a montré SAM Network pour Sciences-Po savoir les mettre en scène. Sans compter le rôle essentiel d’une bonne indexation  qui augmente leur accessibilité. 

* http://centenaire.org/fr ou **www.institutnational-audiovisuel.fr/actualites/webzine/ commemorations-fin-deuxieme-guerre- mondiale.html

Léon, le Poilu aux 60 000 fans

facebook1914-1024x723 Le musée de la Grande guerre du Pays de Meaux en a été le premier surpris : la page Facebook de Léon, un personnage fictif imaginé par DDB Paris avait été « likée » près de 60 000 fois à la mort de Léon, un mois et demi après son lancement officiel le 10 avril 2013. Bâtie sur la base des archives du musée, l’histoire de ce jeune instituteur, marié et futur papa, enrôlé puis envoyé au front où il perd la vie, a conquis les moins de 35 ans qui ont représenté 55 % de ses followers. « Je n’aurais jamais ouvert un livre d’histoire, mais j’attendais le “post” de Léon tous les jours », confiait l’un d’eux. « C’est clairement un autre public que celui du musée qui reçoit beaucoup de groupes de personnes du troisième âge, estime son directeur, Michel Rouger. Les internautes ont considéré Léon comme faisant partie de leurs amis, ce que je n’aurais jamais imaginé ! C’est la preuve que l’on peut utiliser les réseaux sociaux en leur donnant du sens. » Si l’opération événementielle, lancée à l’arrivée de Léon au front, n’a duré qu’un mois et demi, à raison d’un « post » quotidien, la page Facebook a été ouverte durant dix mois au total, le temps que les internautes fassent sa connaissance. Avant tout symbole des 10 millions de morts de 14-18, l’histoire de Léon Vivien est devenue un livre, fin 2013. Depuis cette opération, le musée propose des tarifs  préférentiels sur le mur Facebook de Léon. 

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700 Documents pour Saint-Gobain

Photo Saint Gobain 350 ans La plus ancienne entreprise du CAC 40 a choisi de célébrer ses 350 ans cette année en valorisant son histoire par le biais d’une exposition virtuelle en cinq langues et en se tournant vers l’avenir avec des pavillons futuristes itinérants qui, après la Chine, le Brésil et les Etats-Unis feront escale à Paris en octobre. « Le numérique nous permet d’être plus exhaustifs – l’exposition contient 700 documents d’archive –, plus accessibles et collaboratifs qu’une exposition physique. Et aussi de multiplier les regards sur nous-mêmes grâce à la plate-forme contributive », affirme Marie de Laubier, directrice des relations générales de Saint-Gobain et directrice de la publication de l’exposition.

Reconstitution de la manufacture 

Toutes les technologies disponibles ont été mises à profit : le streaming pour partager 170 séquences audiovisuelles pour la plupart inédites, la 3D pour reconstituer la manufacture de Saint-Gobain en fonctionnement en 1785, et la plate-forme contributive pour recueillir les documents et témoignages des internautes sur l’histoire de l’entreprise. La Manufacture des Glaces présente 12 scènes illustrant la fabrication des glaces et la vie quotidienne dans le petit village de Saint-Gobain en Picardie. Les équipes des archives de la Compagnie ont croisé des plans et des dessins de la manufacture d’alors, des planches de l’encyclopédie, les mémoires du directeur de l’époque et des archives de l’établissement. Les outils ont pu être reconstitués au centimètre près grâce à un inventaire des plans et cotes, réalisé en 1800 et corroboré par les documents du XVIIIe siècle. « Pour reconstituer la manufacture, nous avons effectué un relevé satellite de terrain, puis un repérage sur site, car il reste des bâtiments encore en place et, enfin, un travail sur des illustrations de l’époque », raconte Vincent Roirand, PDG de la société Mazedia qui a conçu le dispositif numérique de l’exposition. La technique 3D utilisée s’appuie sur une navigation 360° afin de maximiser la compatibilité avec les ordinateurs même assez anciens. Des décors et des accessoires 3D ont été mêlés à des tournages vidéo en studio avec une dizaine de comédiens dont certains sont dupliqués dans les scènes.

Sciences-Po poste 650 vidéos

Photo Sciences Po Depuis fin mars, les grandes conférences données à Sciences-Po par des personnalités d’envergure internationale, des hommes politiques, des chefs d’entreprise, ou encore des chercheurs sont visualisables gratuitement sur la plate-forme de Living Archives de SAM Network*. De ces conférences vouées à rester inexploitées car beaucoup trop longues, la société a fait des vidéos découpées et fragmentées en séquences indépendantes, accessibles par de nombreux points d’entrée. Des ressources complémentaires (bibliographies, articles ou citations) viennent les enrichir suivant un mode participatif. « Notre vocation est de diffuser plus largement le savoir. Notre partenariat avec Sciences-Po constitue donc une étape importante », affirme Karim Amellal, enseignant à Sciences-Po et cofondateur de SAM Network avec Maxime Marzin, responsable de Sciences-Po Entrepreneurs. « Nous travaillons plutôt sur des sujets pérennes, non articulés autour d’une forte temporalité », précise-t-il. Le modèle économique : financer la gratuité pour les archives des universités et l’accès des internautes grâce à une clientèle d’entreprises. Les Living Archives ont déjà séduit ERDF pour qui SAM Network a bâti une encyclopédie regroupant les contenus de ses séminaires internes pour cadres autour de la transformation numérique.

* Début mai, il y avait 650 séquences vidéo sur la chaîne Sciences-Po et 40 000 toutes chaînes confondues.