Industrie : transformer les promesses de l’IA en impact concret

 

Le secteur industriel dans son ensemble peine à tirer profit des bénéfices apportés par l’IA. Une entreprise – Siemens – se distingue cependant. Après avoir créé un backbone commun de données, elle a permis en interne à plus de 400 initiatives IA de voir le jour. Elle accompagne désormais les usages qui vont en découler.

 

 

Selon une étude de Sopra Steria Next, le marché mondial de l’IA – estimé à 540 milliards de dollars en 2023 - devrait connaître une croissance spectaculaire de 19 % par an, pour atteindre 1 270 milliards de dollars en 2028. Cette forte progression est attribuée aux avancées technologiques et à la dynamique propre à chacun des quatre archétypes d’IA identifiés par l’étude : l’automatisation intelligente des processus, l’IA au service des humains, l’IA appliquée au développement informatique et l’IA industrielle.

L’archétypes de l’IA industrielle (« AI for Machine ») va permettre, grâce notamment aux fonctions avancées de simulation, de concevoir des machines, des usines et des chaînes logistiques toujours plus optimales. Sa croissance sera soutenue par l’essor des réseaux 5G/6G, la multiplication des capteurs connectés et l’émergence des jumeaux numériques. Ces derniers seront mis en réseau dans ce que Sopra Steria Next appelle le « métavers industriel ». Selon le cabinet de conseil, la croissance annuelle de l’IA industrielle devrait être de 13 %, ce qui lui permettra d’atteindre un volume d’affaires de 330 milliards de dollars en 2028, soit 26 % du marché mondial de l’IA.

« La révolution liée à l’IA est plus qu’une révolution technologique, c’est avant tout une révolution industrielle et peut-être même une révolution sociétale. Avant, la géopolitique et le commerce menaient la danse et la technologie suivait. Avec l’IA, c’est tout le contraire qui se produit. Désormais, c’est la technologie qui donne le tempo, et le reste suit. Cela change tout en termes de priorités, d’influence, d’investissements et même d’éthique », a déclaré Laurent Saint-Martin, Ancien Ministre chargé du Budget et des Comptes publics, lors d’une conférence ayant eu lieu sur Vivatech (édition 2025).

 

Le secteur industriel encore à la traine des projets d’IA

 

Mais de nombreuses études montrent que les entreprises – notamment les entreprises industrielles – ne tirent pas encore profit de cette révolution en cours. Selon l’étude « The GenAI Divide: State of AI in Business 2025 » du MIT, 95 % des projets IA en entreprise échouent à obtenir un impact financier tangible. Et parmi les organisations (5 %) parvenant à tirer leur épingle du jeu, les entreprises industrielles ne brillent pas par leur efficacité. Elles arrivent bonnes dernières, avec un taux d’adoption de l’IA proche de zéro…

© Étude « The GenAI Divide: State of AI in Business 2025 » – MIT

 

Chez Siemens, un backbone commun de données au service de l’IA

 

Prenant le contrepied de ces statistiques, Cedrik Neike, Membre du comité de direction de Siemens, partage son retour d’expérience : « Siemens explore l’intelligence artificielle depuis un demi-siècle. L’IA, c’est un peu comme Arpanet ou Internet : pendant des années, les avancées paraissent limitées, puis une accélération soudaine bouleverse tout. C’est exactement ce que nous observons aujourd’hui avec les grands modèles de langage (LLM). Sur les 50 prochaines années, personne ne peut dire qui sortira gagnant ou perdant de cette révolution ».

Pour tirer profit de l’IA, le groupe industriel et technologique allemand n’a pas nommé de « Chief AI Officer » qui centraliserait toutes les initiatives relatives à l’IA. Ce type de nomination constitue, selon Cedrik Neike, l’erreur la plus fréquente commise par les entreprises. À l’inverse, Siemens a entrepris de créer un backbone commun de données (« common data backbone ») où presque toutes les données de l’organisation sont réunies et partagées. « Avec 260 000 collaborateurs, nous disposons de beaucoup de données. Par-dessus ce backbone, nous avons permis à 400 initiatives d’IA de naître. Et nous allons voir ce qu’il en ressort. Pour réussir, il faut bâtir les capacités de scaler, et observer où les usages et les innovations apparaissent. Cela peut être du côté du développement des produits, des RH… Personne ne le sait à l’avance ».

 

Données industrielles européennes : un trésor inexploité

 

Cedrik Neike met par ailleurs en avant l’enjeu phénoménal que les données industrielles représentent pour toutes les entreprises du secteur. « Nous disposons en Europe de 1,9 zettaoctets de données industrielles. Or, les modèles d’IA actuels ne sont pas entrainés sur ces data. La nouvelle frontière consiste à exploiter ces jeux de données pour construire de nouveaux modèles. Si nous parvenons à aller dans cette direction, les résultats seront bien supérieurs à ce que l’IA générique, entrainée sur ce qui est disponible sur Internet, peut actuellement fournir », analyse-t-il.

Pour relever ces défis au niveau industriel, Mohamed Kande, Global Chairman chez PwC, souligne quant à lui en conclusion l’importance de l’existence d’un écosystème solide et le plus complet possible. « Dès que nous parlons d’IA, nous parlons de data, de LLM, de semiconducteurs, de datacenters, d’équipements industriels, d’énergie et d’infrastructures énergétiques. Innover, ce n’est pas seulement faire évoluer la chaîne de valeur de l’IA, c’est transformer la chaîne de valeur de l’ensemble de l’écosystème ».

 

Prévisions de croissance des archétypes d’IA (Sopra Steria Next)

  • IA industrielle
    +13% / an
    330 Md$ en 2028
    · 26% du marché mondial
  • Automatisation intelligente des processus
    +18% / an
    390 Md$ en 2028
    · 31% du marché
  • IA au service des humains
    130 → 380 Md$ en 5 ans
    · 30% du marché total
    Croissance la plus importante en volume
  • IA appliquée au développement informatique
    x3 jusqu’à 170 Md$
    +25% / an