De nombreux acteurs de la tech admettent volontiers la présence d’une bulle spéculative autour de l’IA. Tandis que les facteurs d’inquiétude se cumulent, certains choisissent l’optimisme.
“C’est une sorte de bulle technologique”, a affirmé Jeff Bezos, créateur d’Amazon, ce 3 octobre 2025, au sujet des investissements massifs dans l’intelligence artificielle. L’idée que la valeur de ces investissements dépasse la valeur réelle de cette technologie est désormais communément admise parmi les acteurs de la tech. Le PDG d’OpenAI, Sam Altman, a, lui aussi, reconnu le même jour que l’IA se trouvait probablement dans une bulle spéculative. Un constat qui amène à une évidente interrogation : quand cette bulle éclatera-t-elle ? Si la réponse à cette question n’est pas flagrante, l’hypothèse la plus crédible semble être la faillite d’un acteur de la tech sur lequel reposaient beaucoup d’investissements et d’attentes. Comme Jeff Bezos l’explique : “Lorsque les gens sont très enthousiastes, comme c’est le cas aujourd’hui à propos de l’intelligence artificielle, chaque expérience est financée, chaque entreprise est financée… Les investisseurs ont du mal, au milieu de cet enthousiasme, à faire la distinction entre les bonnes idées et les mauvaises.”
Des valorisations élevées…
Les valorisations des entreprises du numérique explosent, signe non négligeable de la présence d’une bulle spéculative comme celle autour d’Internet dans les années 2000. OpenAI est, par exemple, passée d’une valorisation de 300 à 500 milliards en six mois, et ce, sans la sortie d’un nouveau produit révolutionnaire. Le Comité de politique financière de la Banque d’Angleterre juge ces valorisations particulièrement “tendues”. Pour Cory Doctorow, auteur et figure reconnue de la critique technologique, le revers d’un acteur majeur de la tech pourrait entraîner des conséquences sur l’entièreté de l’écosystème tant celui-ci est interconnecté. Un risque d’autant plus grand que ce marché est très concentré. Le critique estime que cette bulle spéculative représente désormais un tiers de la capitalisation boursière américaine, concentrée sur une poignée d’entreprises technologiques. Un constat partagé par le Comité de politique financière de la Banque d’Angleterre, qui révèle que les cinq plus grandes entreprises de l’indice boursier américain S&P 500 représentent dorénavant près de 30 % de sa valeur totale. Il s’agit d’une concentration record, supérieure à tout ce qui a été observé au cours des cinquante dernières années, y compris au pic de la bulle d’Internet.
…mais peu de retour sur investissement
Cory Doctorow a d’ailleurs alerté ce 6 octobre sur l’imminence d’un krach de l’industrie de l’intelligence artificielle. Cette sonnette d’alarme se fonde sur de nombreux indicateurs. Le principal : la hauteur des attentes de la part des investisseurs, qui se comptent en milliards de dollars. Les discours commerciaux autour de l’IA promettent des gains de productivité conséquents, mais difficiles à atteindre aujourd’hui. Malgré de hauts espoirs, l’adoption est en berne. D’un côté, les petites entreprises peinent à implémenter l’intelligence artificielle générative dans leurs processus et, d’un autre, la plupart des organisations ayant dépassé ce stade n’en tirent aucun bénéfice. Une récente étude du Massachusetts Institute of Technology (MIT) a dévoilé que 95 % des organisations n’obtenaient aucun retour sur leurs investissements dans l’IA générative. De plus, même les plus grandes entreprises de la tech, comme OpenAI, peinent à dégager des profits. Alors, quand la déception des investisseurs dépassera leurs espérances, les valorisations en Bourse des acteurs de la tech pourraient chuter. La Banque d’Angleterre appelle donc les investisseurs à réévaluer drastiquement leurs attentes.
Déstabiliser l’économie mondiale
D’autres indicateurs, comme le ratio CAPE (Cyclically Adjusted Price-to-Earnings), décelent des signes inquiétants. Bien que cet outil n’ait pas été conçu pour révéler des accidents de marché imminents, historiquement, l’indice est élevé avant les principaux krachs boursiers. Aujourd’hui, il atteint des niveaux comparables à ceux de l’an 2000, juste avant l’éclatement. Pour Cory Doctorow, un tel retournement de situation pourrait déstabiliser l’économie mondiale, le PIB de la première puissance économique étant fortement influencé par les dépenses liées à l’IA. Selon le gestionnaire de fonds Ruchir Sharma, celles-ci représentent déjà 40 % de la croissance du PIB américain cette année. Si une telle situation se présentait, peu d’acteurs survivraient. Les grandes entreprises dont le fonds de commerce ne dépend pas seulement de l’IA, comme Nvidia, pourraient s’en sortir sans trop d’égratignures, tandis que les petites entreprises ne bénéficiant pas d’avantages différentiels peineraient à se maintenir. Lors de l’éclatement de la bulle d’Internet, par exemple, des centaines de start-ups ont coulé.
Une nouvelle réalité ?
Face à cette possibilité, différentes approches sont préconisées par les acteurs cités plus haut. Le critique technologique, plutôt pessimiste, recommande de “percer la bulle IA le plus rapidement possible”. Jeff Bezos, de son côté, ne se dit pas inquiet, au contraire. Il défend l’idée qu’il s’agit d’une “bulle industrielle” nécessaire et différente de la bulle technologique d’Internet. Selon lui, la situation se rapprocherait plus d’un engouement technologique massif plutôt que d’une spéculation déconnectée des réalités économiques. Son avis est rejoint par Sam Altman : “Nous sommes convaincus que cette technologie entraînera une nouvelle vague de croissance économique sans précédent.” Sa numéro deux, la Française Fidji Simo, nie, elle, l’existence d’une telle bulle, considérant la course aux investissements faramineux comme “la nouvelle réalité d’aujourd’hui”.
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