Green Tech : L’Europe mise-t-elle sur un atout en perte de vitesse ?

 

Au Palais des Congrès de Paris, le Green Tech Forum tente de raviver l’intérêt autour d’une écologie devenue secondaire. L’événement défend un numérique responsable comme un atout de compétitivité européenne, plutôt qu’un fardeau réglementaire.

 

L’empressement parisien semble ralentir à mesure qu’on franchit les portes du Palais des Congrès. Au Green Tech Forum, la foule n’est pas dense, et les quelque 2 500 participants présents reçoivent de chaleureux remerciements des organisateurs. « Si nous sommes ici ce matin, c’est que nous partageons une conviction : le numérique doit être responsable », affirme Christian Cor, administrateur de Numeum, parrain de l’événement.

Le public, composé de décideurs IT, data, IA, achats ou encore RSE, vient chercher des outils concrets pour mesurer l’impact environnemental du numérique. Les retours d’expérience, souvent chiffrés, ponctuent cette cinquième édition qui se veut « un lieu d’échange et d’action », selon Christian Cor. Un pari audacieux, alors que l’intérêt médiatique et politique pour les sujets écologiques semble fondre à vue d’œil.

 

Un sujet en déclin

 

« J’entends beaucoup dire que la transition écologique n’est plus une priorité, que le sujet est au creux de la vague », déplore Barbara Pompili, ancienne ministre de la Transition écologique. Elle s’efforce de défendre une approche constructive : le numérique responsable comme moteur de compétitivité française et européenne. « La transition écologique est impossible sans le progrès numérique, et l’inverse est également vrai », plaide-t-elle.

Un discours juste, mais qui peine à convaincre sans données économiques solides. Non pas que les arguments manquent — l’efficacité énergétique, la sobriété logicielle, ou encore les filières du réemploi en sont des exemples tangibles — mais ils restent dispersés, peu visibles. L’ancienne ministre appelle donc à “changer le narratif”, à sortir d’un imaginaire où écologie rime encore avec contrainte et non avec opportunité.

 

L’Europe inarrêtable

 

Même constat pour François Gémenne, auteur principal du sixième rapport du GIEC : « Certains considèrent que trop de mesures ont été prises, qu’il faut lever le pied. On sent une forte poussée vers la dérégulation », regrette-t-il. Mais il insiste sur l’importance du positionnement européen : « Notre engagement éthique est un élément central de notre compétitivité. »

Les entreprises qui ont fondé leur modèle sur les valeurs et les normes européennes — transparence, réduction d’empreinte carbone, éco-conception — seraient les premières victimes d’un retour en arrière. « Ce serait leur planter un couteau dans le dos », avertit le politologue.
L’Europe, dit-il, n’a d’autre choix que de poursuivre son effort, au risque sinon de retomber dans un passé réconfortant, mais illusoire, celui du “Make America Great Again”.

 

Changer d’échelle, changer de ton

 

Le numérique responsable reste donc pris entre deux feux : l’urgence écologique et la fatigue réglementaire. Mais le véritable risque, selon plusieurs intervenants, serait de laisser s’installer la résignation. Car derrière les slogans, la transformation est bien réelle : éco-conception des services, mesure d’impact des data centers, nouvelles architectures plus sobres… Les entreprises qui prennent le sujet au sérieux en tirent déjà un avantage stratégique, notamment auprès des grands donneurs d’ordre publics et privés.

Reste à raconter cette histoire autrement. À parler de performance, d’innovation et de valeur ajoutée, plutôt que de sobriété punitive. L’Europe, à ce titre, a encore une carte à jouer : transformer la contrainte en différenciateur, et faire du numérique responsable non plus un exercice moral, mais une politique industrielle à part entière.