Abbeville, laboratoire de la souveraineté numérique locale

 

Ville de la Somme de 22 000 habitants, Abbeville a mis en place un système d’information très largement basé sur de l’open source. Un choix qui remonte à de nombreuses années et repose sur une équipe réduite.

 

« Les 400 agents de la ville disposent d’une messagerie open source et de la suite bureautique LibreOffice, en dehors de deux postes avec la suite Office de Microsoft. Si pour ce faire, il fallait débourser des licences avec cet éditeur, ce ne serait pas possible sur le plan budgétaire d’équiper tous les agents », se réjouit Cédric Charpentier, DSI de la collectivité. De plus, les sommes dégagées par ce choix permettent de financer d’autres achats. Côté système d’exploitation des postes clients, la moitié des services de la mairie et environ un tiers du parc de PC sont équipés avec du Linux, du Ubuntu. « La migration vers cet OS prend du temps, détaille le DSI. D’autant plus que certaines applications métiers nécessitent un environnement Windows. » Elle est déjà effective pour les douze postes de la police municipale, entre autres. Plusieurs dizaines d’applications métiers sont en production pour répondre aux missions et aux besoins de la collectivité : état civil, finances, services techniques…

« 90 % des serveurs qui sont administrés en interne sont sous Linux. Et, quand c’est possible, nous poussons le prestataire ou l’éditeur à porter son logiciel disponible seulement sous Windows sous Linux », décrit Cédric Charpentier. Le DSI ajoute en souriant : « De son aveu, un fournisseur a reconnu que son logiciel spécialisé dans la gestion des musées fonctionnait mieux sous Linux que sous Windows. » La ville s’enorgueillit de son musée d’archéologie et des beaux-arts. Les 10 % de serveurs restants sont hébergés et administrés par des prestataires. Quelques outils propriétaires demeurent, notamment parce qu’ils sont exigés par certains d’entre eux. À part une instance de VMware en production pour cette raison, les outils de virtualisation utilisés sont également open source. Dès qu’il le peut, Cédric Charpentier privilégie l’open source, comme par exemple Jitsi pour la visioconférence et le chat. « Pendant le Covid, j’ai utilisé RaspiSMS pour envoyer des SMS via internet, pour distribuer des dizaines de milliers de masques », souligne-t-il.

 

Un choix qui remonte à plus de 15 ans

 

Le choix de l’alternative open source remonte à des années, un choix initialement pris par le DSI il y a une quinzaine d’années, et totalement soutenu par le maire de l’époque. « À l’époque, les écrans cathodiques prenaient beaucoup de place. Les agents qui prenaient LibreOffice se voyaient dotés d’un écran plat. Un petit plus qui les motivait », se rappelle Cédric Charpentier. Le DSI proposait également une formation de trois jours sur l’outil. « On leur apprenait à se servir de la bureautique, à faire un modèle de courrier par exemple. Des choses qu’ils ne maîtrisaient pas plus avec MS. Ils ajoutaient des tabulations pour les adresses, par exemple », ajoute-t-il. Le maire se chargeait de recevoir les éventuels récalcitrants. Pour la messagerie, le DSI retient à l’époque BlueMind et l’installe on-premise. Un outil toujours en place aujourd’hui. Souple, la messagerie est accessible aussi bien à travers un client léger qu’avec Thunderbird ou même Outlook.
 

 
« Le produit est fiable, le dernier redémarrage date de plusieurs mois et la dernière version propose des fonctionnalités avancées, pour partager des boîtes de messagerie, des agendas, synchroniser des smartphones, et même les effacer à distance en cas de perte. Le spam est également bien géré », souligne le DSI, qui se félicite également de l’administration du serveur. Pour gérer ce parc matériel et logiciel, la DSI compte seulement une assistante, un contrat d’apprentissage et « deux postes à pourvoir », ajoute-t-il en souriant. En dehors de la technique, ces choix demandent toujours une certaine énergie. « Un agent récemment embauché, surpris de ne pas trouver du Microsoft sur son poste de travail, a dit : ‘Quand est-ce que vous allez vous moderniser ?’ Ce combat est toujours d’actualité », conclut le DSI, qui a récemment été contacté par plusieurs collectivités curieuses de comprendre comment basculer sur de l’open source.

 

Un jardin open source

 

Non content de développer les technologies ouvertes au sein du système d’information, Cédric Charpentier a créé un jardin connecté public pour les mettre en valeur. L’objectif est aussi de démontrer comment la technologie peut servir la nature et l’écologie. « Des Raspberry, les micro-ordinateurs à bas prix, Arduino pour une brouette autonome… les composants libres sont mis à contribution », décrit Cédric Charpentier. La ville a obtenu le label « Territoire numérique libre » en 2021 avec la meilleure note en France.