Programmeurs et entrepreneurs prisent de plus en plus les nombreux modèles chinois d’intelligence artificielle (IA) en libre accès, les préférant à des concurrents américains plus onéreux malgré le contexte tendu entre Etats-Unis et Chine.
La part des modèles chinois dans les travaux effectués par IA est passée de 1,2% fin 2024 à plus de 30% début août au niveau mondial, selon un rapport publié début décembre par la plateforme OpenRouter et la société de capital-investissement Andreessen Horowitz. L’arrivée, mi-janvier, du R1 de la société chinoise DeepSeek, aux performances comparables aux meilleurs modèles américains, a provoqué une brutale prise de conscience quant à la maturité de la Chine en matière d’intelligence artificielle générative. DeepSeek-R1 était, comme beaucoup de logiciels chinois d’IA, les LLM (large language model), téléchargeable gratuitement et partiellement modifiable (open weight), à la différence du GPT d’OpenAI – sur lequel est construit ChatGPT – ou Gemini de Google.
Le facteur décisif : le prix
« La principale raison pour laquelle le monde choisit de plus en plus en les modèles chinois est qu’ils sont bon marché, parfois gratuits, et fonctionnent bien », explique Wang Wen, de l’université Renmin à Pékin. Un entrepreneur américain, sous couvert d’anonymat, assure faire économiser 400.000 dollars par an à son entreprise grâce aux modèles Qwen mis au point par le géant chinois du commerce en ligne Alibaba. « Si vous avez besoin de la technologie la plus avancée, vous revenez aux OpenAI, Anthropic ou Google. Mais pour la plupart des applications, ce n’est pas nécessaire », explique ce patron qui travaille sur deux produits, un en musique, l’autre en vidéo. Qwen a notamment été adopté par Perplexity – concurrent de Google sur la recherche -, Nvidia ou l’université californienne de Stanford. Outre DeepSeek et Qwen, Z.ai (GLM) et MiniMax ont aussi les faveurs de développeurs informatiques du monde entier. La nouvelle version de Kimi K2 de la start-up Moonshot, sortie en novembre, a même montré une percée dans le domaine des agents IA, jusqu’ici considéré comme une lacune des modèles chinois.
Qwen, DeepSeek et les nouveaux standards de fait
Si dans sa feuille de route publiée début juillet, le gouvernement de Donald Trump se disait favorable à une IA américaine « open weight » et même « open source » (tout le programme en accès libre), les grands noms du secteur n’ont pas mordu à l’hameçon. Principal acteur américain sur ce créneau jusqu’ici, Meta a mis de côté ses modèles Llama pour se concentrer sur une IA fermée. Début août, OpenAI a mis en ligne deux modèles « open weight » GPT-oss, mais n’en avait plus proposé depuis six ans. Parmi les entreprises occidentales qui comptent, seul le français Mistral garde le cap de l’open source, mais pointe loin derrière DeepSeek et Qwen dans l’étude d’OpenRouter sur les modèles libres les plus populaires. « Ils sortent des produits moins régulièrement et avec moins de formats différents », relève l’entrepreneur, pour qui « ce n’est pas aussi intéressant » que les concurrents chinois, encouragés par Pékin même si le modèle économique de l’open source est incertain. Mark Barton, patron du cabinet de conseil Omniux, dit envisager de se servir de Qwen, mais reconnaît que certains clients pourraient ne pas être à l’aise à l’idée en contact avec un modèle chinois, même s’il n’est utilisé que pour des tâches très spécifiques.
Entre opportunité technologique et risque géopolitique
« Compte tenu de la position du gouvernement Trump sur les sociétés technologiques chinoises, (…) nous ne voudrions pas tout miser sur un modèle », avance-t-il. « Parce que si des sanctions sont prises contre l’entreprise, vous ne voulez pas vous retrouver piégé. » Mais Paul Triolo, associé au sein du cabinet de conseil DGA-Albright Stonebridge Group, juge que la sécurité des données n’est pas un « problème essentiel, (…) dans la mesure où les entreprises peuvent faire tourner le modèle sur leurs propres équipements, sans aucune connexion avec la Chine ». Par ailleurs, dans une étude publiée en début de semaine, des chercheurs de l’université de Stanford suggèrent « que la nature même des modèles ouverts permet un examen plus approfondi » de leur structure. « La transparence et le partage qu’impliquent l’open source sont les meilleurs moyens de bâtir la confiance », abonde Gao Fei, responsable technologique de la plateforme IA BOK Health. Pour les chercheurs de Stanford, « la large adoption des modèles chinois pourrait redéfinir l’accès à la technologie et les interdépendances », tout en « impactant la gouvernance de l’IA, la sécurité et la concurrence ».
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