L’écosystème indien convoité

Le pays n’est plus seulement un foyer mondial de sous-traitance informatique dont profitent encore les multinationales. Il devient l’un des plus grands écosystèmes de start-up de la planète et un immense marché de consommation numérique.

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Avec près de 7 millions d’habitants, Bangalore, capitale du Karnataka (Etat situé au Sud-Est de l’Inde), compterait pour 28 % du développement de l’écosystème start-up indien, selon un rapport Nasscom

L’information n’est pas passée inaperçue en Europe pourtant en pleine torpeur estivale de congés. Le 10 août dernier, Sundar Pichai a été nommé directeur général de Google ! D’origine indienne, cet ingénieur de formation a succédé logiquement à son cofondateur Larry Page à la tête du célèbre moteur de recherche pour lequel il est à l’origine de nombreux produits phares, comme le système d’exploitation Android ou le navigateur Chrome. Né à Chennai, Sundar  Pichai est diplômé de l’institut indien de technologie de Kharagpur, dans le Bengale occidental, et titulaire d’un master à l’université de Stanford aux EtatsUnis et d’un MBA à la Wharton School. Surtout, il vient rallonger la liste des grands patrons d’origine indienne tels que Satya Nadella chez Microsoft, Rajeev Suri chez Nokia, Indra Nooyi chez  Pepsico ou encore Ajay Banga chez MasterCard…  A l’image de cette diaspora, les hautes compétences des ingénieurs indiens en informatique et plus généralement dans le domaine IT sont reconnues mondialement. Elles résultent d’un système éducatif exigeant pour former des profils de haut niveau. « L’Inde comprend deux millions de professionnels de l’IT issus des universités et du réseau de ses grands instituts nationaux de technologie. Un vivier dans lequel piochent les multinationales de l’IT installées sur place comme IBM, Microsoft, Amazon ou Apple… Ainsi, plus d’un tiers des ingénieurs de la firme à la pomme sont indiens », indique Arnaud Auger, spécialiste de l’Inde et associé à StartupBRICS, Think Tank qui vise à rapprocher les acteurs de l’innovation des pays développés et émergents. Mieux, en ayant acquis en avril dernier l’ESN Igate, fondée aux Etats-Unis par deux Indo-Américains, le Français Capgemini va gonfler ses équipes sur place pour employer prochainement dans ce pays « 48 % de son effectif  mondial, soit 91  000  informaticiens  », selon BFMTV. Capgemini, qui emploie près de 50  000  personnes en Inde, récupère localement les 27  000 collaborateurs d’Igate (sur 33 000 au total). Rien que dans ses centres indiens de sous-traitance informatique (offshore), le groupe tricolore mobilisera alors quelque…83 000 informaticiens !

 

Ces dizaines de milliers de collaborateurs indiens assurent, pour les grands clients occidentaux, le développement de logiciels ou d’applications à partir de centres implantés à Bangalore, Bombay, Delhi ou Chennai. Ces sites assurent aussi, pour ces mêmes clients, des prestations d’externalisation informatique de fonctions métiers de l’entreprise. 

Montée en compétences des ingénieurs indiens 

Pour Wipro France, la filiale française du géant indien des services informatiques Wipro, le recours à cette sous-traitance en Inde est tout naturel. La filiale puise simplement sur place les compétences dans l’effectif pléthorique qu’elle hérite de sa maison mère. « La mobilisation de 300 ingénieurs français pour nos clients occidentaux peut impliquer entre 1 500 et 2 000 informaticiens en Inde, répartis dans les principales villes du  pays. Mais ce recours aux compétences indiennes dépasse, aujourd’hui, complètement le cadre classique de sous-traitance informatique à bas coûts pratiqué par les groupes occidentaux de l’IT. Nos ingénieurs indiens participent aussi bien à des tâches à haute valeur ajoutée. Ils interviennent au même niveau que leurs homologues français sur des projets  d’infogérance ou d’intégration système, nos deux principales activités  », révèle Hervé Sortais,  directeur général de Wipro France. 

« Si le pays reste un foyer offshore pour répondre aux besoins ScreenHunter_232 Oct. 22 11.08 mondiaux de développement informatique, la montée en compétences des ingénieurs indiens leur permet de travailler aussi pour des grandes firmes locales ou sur des projets internationaux à forte valeur ajoutée  », confirme Arnaud Auger. Ces jeunes ingénieurs en profitent surtout pour créer leurs start-up  avec un dynamisme incroyable ! Selon le Nasscom, l’Association nationale des sociétés de logiciels et de services, l’écosystème indien de start-up est celui qui a connu la plus forte croissance au monde en 2014. Avec plus de 3 100 start-up actives (11 500 prévues en 2020) réparties essentiellement sur les trois technopôles de Bangalore, Delhi et Bombay, il  est le quatrième plus important de la planète. « L’écosystème de start-up est en train de prendre le dessus sur les activités offshore.  Bangalore, la Silicon Valley des jeunes pousses, contribuerait pour 28 % à son développement. Nombre d’ingénieurs locaux qui y travaillaient historiquement dans la sous-traitance informatique montent leur entreprise », affirme Aviva Markowicz, responsable du développement international de Numa Paris, l’accélérateur parisien de start-up, qui vient de s’implanter à Bangalore en partenariat avec l’espace de coworking local Cobalt.

Le programme d’accélération de Numa en Inde

Avec ses nouveaux locaux d’hébergement d’entreprises, Numa compte profiter de la formidable dynamique des start-up sur place pour supporter et financer des innovations dans le domaine IT. « Notre objectif est de faire de Numa Bangalore un puissant catalyseur de l’innovation en Inde en fédérant la communauté d’entrepreneurs locaux et en créant un pool d’experts et de mentors pour les aider à constituer leurs propres entreprises », souligne Aviva Markowicz. Numa Bangalore va ainsi lancer en novembre un premier programme d’accélération de start-up pour une dizaine de jeunes pousses sélectionnées sur 200 candidatures, dont 80 % seront locales et 20 % internationales. « Conseillées par des mentors indiens et internationaux, elles pourront alors se présenter à des investisseurs pour décrocher le financement de leur développement », ajoute-t-elle. Numa Bangalore prévoit ensuite de monter en puissance en passant à deux programmes d’accélération par an pour une dizaine de start-up indiennes et internationales à chaque fois. « L’idée est de pouvoir investir 1 million d’euros dans ces jeunes entreprises sur trois ans et leur donner la possibilité de grandir pour avoir accès au vaste marché indien », avoue Aviva Markowicz.

Pour se développer sur l’immense marché domestique du numérique indien, les start-up locales bénéficient d’un soutien financier massif surtout de grands fonds d’investissement américains qui affluent en masse dans le pays. « Sequoia Capital, Accel Partners, Morgan Stanley et d’autres sont très actifs dans nombre de start-up indiennes. Le Japonais Softbank a même déboursé 627 millions de dollars dans le développement de la place de marché e-commerce Snapdeal lancée en 2010, et devenu le troisième acteur national », précise Arnaud Auger.

acteur national », précise Arnaud Auger. Soutenu par ces fonds d’investissement et par la croissance du nombre d’internautes et des usages mobiles, l’e-commerce en Inde explose ! De grands acteurs locaux qui ont ainsi émergé comme Flipkart, Snapdeal, Paytm ou Jabong rivalisent désormais avec Amazon et eBay. « Avec un chiffre d’affaires estimé à plus de 25 milliards de dollars en 2015, l’e-commerce indien est considéré comme le marché qui a la croissance la plus rapide en Asie Pacifique », indique Arnaud Auger. Dopé par 354 millions d’internautes (503 millions prévus en 2017) et 930 millions d’utilisateurs de téléphones mobiles, l’e-commerce croît de 25 % par an. Dans un tel contexte de consommation numérique, pas étonnant de voir BlablaCar, le spécialiste français du covoiturage, ouvrir son site Web de réservations dans le pays. En s’y lançant depuis janvier dernier, l’entreprise tricolore mise sur le déficit de modes de transport de dernière minute (transports en commun bondés et difficiles à réserver) et sur le covoiturage de longs parcours dans cet immense pays continent. « Le plus difficile va être de bâtir une communauté qui proposera de partager, en quelques minutes, un trajet entre une ville et une autre », déclarait début 2015, Frédéric Mazzella, son président-fondateur.

Positionné sur le B to B, Geoconcept, le spécialiste tricolore de technologies d’optimisations géographique attaque aussi le marché indien. Il a lancé sa première offre de données géomarketing qui aidera les entreprises locales et internationales à cartographier leurs activités sur le territoire indien et d’affiner leurs analyses géomarketing. 

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