Agnès Touraine (IFA) – Administrateurs, la vigilance s’impose

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Agnès Touraine, présidente de l’institut français des administrateurs (IFA)

Le numérique transforme le modèle économique et les activités des entreprises et des organisations. Afin d’en appréhender les opportunités et d’en évaluer les risques, l’IFA informe les administrateurs et partage les bonnes pratiques.

Propos recueillis par Anne Bechet

La globalisation et la digitalisation amènent une profonde transformation des modèles d’affaires et ce, à un moment où la pression du court terme, de la rapidité et de l’immédiateté s’accentue. Toutes les organisations sont touchées par la révolution digitale. Au-delà des nouvelles technologies informatiques, il s’agit d’une évolution fondamentale de la société, des modes d’échange, de consommation, comme en témoigne le développement de l’économie collaborative, des réseaux sociaux, des applications ouvertes et de l’entrepreneuriat.

Google, Amazon, Facebook, Apple… devenus leaders mondiaux en quelques années. Dans ce contexte, la première mission du conseil d’administration est de veiller, avec les mandataires sociaux, à l’application de la stratégie. Les administrateurs doivent se pencher sur des questions clés, comme la protection des données personnelles ou la cybersécurité.

Etre formé au numérique

Des progrès considérables ont été effectués dans la ScreenHunter_241 Nov. 12 17.18 composition des conseils avec, notamment, le
recrutement de profils différents et de compétences numériques. On pense à Marie-Laure Sauty de Chalon, PDG de AuFeminin. com, entrée au conseil de LVMH. Les conseils se sont professionnalisés et ont été rendus plus efficients grâce au rôle joué par les comités de nomination. Ils restent une entité collégiale, et il faut trouver le juste équilibre dans le « cocktail » de compétences. Un administrateur connaissant bien le numérique peut formuler les bonnes questions, mais il ne doit pas capter la discussion. 

Le défi est, pour le conseil d’administration, de disposer de suffisamment d’informations et d’être suffisamment formé au numérique pour une bonne compréhension des enjeux. Cela peut se faire par le biais de visites d’un pure player ou d’une autre entreprise connaissant bien le sujet, comme cela se fait couramment aux Etats-Unis. Une autre bonne pratique consiste, lors de journées stratégiques, à passer du temps sur les grands enjeux de l’entreprise et à comprendre comment le numérique impacte son modèle d’affaires. Il faut veiller à ce que les questions stratégiques figurent bien au premier plan dans l’ordre du jour des réunions du conseil, que toutes les options soient présentées et qu’un travail soit effectué sur les scénarios. Des dirigeants ou de jeunes cadres qui viennent d’entrer dans l’entreprise, ou encore des experts extérieurs connus pour leur pensée relativement iconoclaste et critique, appelés « poils à gratter » ou troubleshooters, peuvent intervenir dans le conseil d’administration de façon ad hoc, en relation avec le management.

Le conseil d’administration doit aussi veiller à ce que l’entreprise ajuste ses dispositifs internes pour favoriser la prise de conscience des risques numériques afin d’adapter son dispositif de maîtrise des risques en conséquence, notamment en matière de protection des données personnelles et de cybersécurité. Et si l’open innovation augmente les risques, elle est aussi source d’opportunités : il revient au conseil de s’assurer que les risques sont bien évalués à chaque décision et d’intégrer ce point dans leur réflexion stratégique.

L’Institut français des administrateurs a ainsi développé un cycle Gouvernance et Stratégie de cinq sessions sur les questions clés que le conseil d’administration doit se poser en matière de stratégie. De plus, des Webinars seront développés d’ici à la fin de l’année afin de diffuser les bonnes pratiques liées au numérique (comment utiliser les réseaux sociaux…)