Colis sous surveillance : la France muscle sa réponse face aux dérives du e-commerce

 

À Roissy-Charles de Gaulle, quatre ministres ont dévoilé un plan gouvernemental musclé pour réguler et sécuriser les flux du commerce en ligne, menacés par la prolifération de produits dangereux et la concurrence déloyale.

 

“Le commerce numérique est devenu un champ de bataille économique.” En prononçant ces mots, Amélie de Montchalin, la ministre chargée des Comptes publics, a donné le ton d’une conférence de presse offensive, organisée ce mardi à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Alors que 1,5 milliard de colis e-commerce sont livrés chaque année en France – dont 800 millions de faible valeur et donc hors droits de douane –, l’État entend faire barrage aux abus massifs de certaines plateformes étrangères comme Temu ou Shein. La ministre chargée des Comptes publics a annoncé un durcissement des contrôles douaniers, avec un triplement des inspections et une attention particulière portée aux produits sensibles comme les médicaments, les jouets ou les cosmétiques. En 2024, les douaniers à Roissy ont traité plus de 180 millions de déclarations, soit une hausse de 50 % en un an. L’objectif : traquer les produits non conformes (94 % des colis vérifiés), dont deux tiers sont jugés dangereux pour les consommateurs.

 

Plateformes visées, contrôles élargis

 

Du côté de la DGCCRF, Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du Commerce, de l’Artisanat, des Petites et Moyennes Entreprises et de l’Économie sociale et solidaire, a annoncé une intensification significative des contrôles sur les plateformes numériques, avec un volume de prélèvements pouvant tripler. Cette mesure vise à amplifier l’effet de levier des contrôles, à l’image des 130 vérifications menées en 2023 sur des jouets, qui ont conduit à la destruction de 220 000 articles dangereux. Par ailleurs, la ministre a détaillé une nouvelle stratégie dite « 360° », qui prévoit de scanner l’ensemble des manquements potentiels d’une plateforme ou d’un produit ciblé, au lieu de s’en tenir à une seule infraction. Les contrôles seront priorisés selon les risques systémiques, tout en garantissant un traitement équitable entre grandes et petites plateformes. Le tout accompagné d’un renforcement de la coopération européenne, avec le lancement d’un groupe d’États volontaires pour mutualiser données et méthodes.

 

Prélèvement forfaitaire et réforme européenne

 

Consciente que la réponse doit être aussi économique que réglementaire, Clara Chappaz a évoqué l’instauration prochaine d’un prélèvement forfaitaire sur chaque colis importé. Ce plan s’accompagnerait d’un triplement des contrôles douaniers, ciblant en priorité les plateformes comme Temu et Shein, soupçonnées de pratiques commerciales déloyales. L’objectif est double : financer les contrôles et rétablir une équité face à des acteurs qui contournent allègrement la TVA ou les normes de sécurité européennes. En parallèle, la France milite à Bruxelles pour supprimer la franchise douanière de 150 € d’ici 2028. Clara Chappaz a aussi rappelé le rôle ambigu joué par certains influenceurs dans la promotion de produits douteux. La loi sur l’influence commerciale, en vigueur depuis juin 2023, impose désormais la transparence sur les partenariats, avec à la clé des sanctions allant jusqu’à 300 000 € d’amende et deux ans de prison. Un modèle que la France souhaite exporter à l’échelle européenne.

 

Responsabiliser aussi les consommateurs

 

Enfin, le ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Éric Lombard, a insisté sur la part de responsabilité du consommateur dans ses choix d’achat. Derrière chaque clic, un choix : celui de soutenir ou non des produits respectueux des normes sociales et environnementales européennes. Outre les risques sanitaires liés à certains produits importés, l’impact carbone du fret aérien, cent fois supérieur à celui du fret maritime, pèse lourdement dans la balance. Le ministre a aussi salué la plateforme SignalConso, qui permet aux particuliers de signaler des pratiques douteuses et ainsi d’orienter les contrôles de la DGCCRF. Un tiers des alertes provient d’ailleurs déjà du e-commerce. Car si les achats en ligne simplifient la vie, ils exigent aussi une vigilance nouvelle : « Agir en consommateur éclairé, c’est aussi agir en citoyen », a résumé Éric Lombard. Les ministres présents ont martelé une ambition commune : protéger sans bloquer, réguler sans freiner. Face à la déferlante numérique, la France veut tenir la ligne. Et montrer qu’à l’ère des flux globaux, la souveraineté passe aussi par les colis.