Dette, compétitivité, Europe : Bayrou et Patrick Martin sonnent l’alarme à la REF du Medef 

 

À la REF du Medef, Patrick Martin a rappelé l’attentisme économique né du contexte politique et budgétaire, tandis que le Premier ministre Bayrou a appelé à une “stratégie nationale de reconquête” fondée sur l’innovation, l’investissement et la cohésion sociale. 

 

À la REF du Medef, le duo Bayrou–Martin a joué la partition de la Cassandre moderne. Sur le court Philippe-Chatrier, lieu emblématique des grandes finales de Roland Garos, le patron des patrons a sonné l’alarme d’un climat d’affaires paralysé. Quant au Premier ministre, il a joué ici sa dernière balle de match à coups de métaphores et de tragédies (Roland-Garros, Shakespeare, l’Himalaya de la dette, la catharsis grecque) pour ce qui sera peut-être son final. Mais derrière la mise en scène, l’avertissement est limpide : la France joue son avenir industriel et technologique. “Nos décisions d’investissements et d’embauches sont déjà marquées par une forme d’attentisme, exacerbée par l’annonce que vous avez faite lundi soir”, a martelé Patrick Martin à l’intention du Premier ministre. Dans un contexte de guerre commerciale et de tensions politiques internes, le MEDEF redoute que les chefs d’entreprises repoussent leurs arbitrages, minant compétitivité et innovation.

 

“Vaincre l’impossible” grâce aux technologies 

 

En réponse, François Bayrou a convoqué dans un souffle épique une métaphore de Roland-Garros : “Se projeter vers l’avenir, c’est décider de vaincre l’impossible.” IA, robotique, algorithmique, spatial, aéronautique, etc., le Premier ministre voit dans ces secteurs les clés d’une reconquête industrielle. “Dans le nouvel état du monde, nous avons tout ce qu’il faut pour la gagner”, a-t-il insisté, appelant à une fertilisation croisée entre État, grands groupes et startups. Une rhétorique galvanisante qui masque mal la réalité : la France excelle dans le très haut de gamme technologique, mais reste selon le Premier ministre “humilié” dans des secteurs “aussi élémentaires que l’électroménager”.

 

L’Himalaya de la dette 

 

Retour brutal sur terre : “67 milliards d’euros de charges de dette cette année, 75 l’an prochain, plus de 100 milliards en 2029”. Bayrou rappelle des chiffres qui parlent d’eux-mêmes et remettent sur le devant de la scène une vérité : le financement de l’innovation et de la réindustrialisation ne peut s’envisager qu’avec des comptes publics assainis. Le Premier ministre le martèle : “Nous sommes en train d’accepter que les jeunes soient réduits en esclavage pour rembourser les emprunts décidés le cœur léger par leurs aînés.” Et parce qu’un drame ne se joue jamais seul, Bayrou a convoqué l’Europe comme actrice de la pièce. Citant Mario Draghi, il a renvoyé l’Union au dilemme shakespearien : “To be or not to be”. Dans le jeu technologique mondial dominé par la Chine et les États-Unis, l’Europe ne peut plus se contenter de figurer. Pour les entrepreneurs français, le message est clair : l’avenir ne se bâtira qu’à l’échelle européenne, ou pas du tout.

 

Cohésion ou chaos 

 

Enfin, le Premier ministre a replacé les entreprises au cœur du contrat social : “L’entreprise n’est pas responsable que de l’intérêt de l’entreprise, mais aussi de la cohésion du pays.” Un rappel à l’ordre pour un patronat qui ne peut ignorer le terrain politique, sous peine de voir la situation économique bouleverser l’équilibre social. “Un monde est en train de s’éteindre, un nouveau monde est en train d’apparaître.” Bayrou a clôturé son discours, non sans émotion, adressant un dernier message aux acteurs économiques : à eux désormais de décider s’ils veulent rester spectateurs de la tragédie ou entrer en scène pour “vaincre l’impossible”.