Écoconception numérique : quels référentiels pour structurer sa démarche ?

 

Réduire l’empreinte environnementale du numérique passe par des méthodes éprouvées. Plusieurs référentiels, généralistes ou sectoriels, permettent de structurer une démarche d’écoconception rigoureuse. Encore faut-il savoir lesquels mobiliser, et à quelles conditions.

 

Quand une entreprise veut se lancer dans un projet numérique en minimisant l’impact environnemental de ce dernier, elle peut consulter en libre accès un certain nombre de documents appelés référentiels. L’intérêt est de pouvoir, à l’échelle d’une organisation ou d’un écosystème, se comparer de façon formelle à d’autres organisations. De la même manière qu’il existe en droit des obligations de moyens et de résultat, les référentiels se répartissent en deux catégories distinctes : les référentiels de moyens et les référentiels de performance.

« Un référentiel de moyens peut être appelé de la sorte s’il cumule cinq conditions. Il doit tout d’abord être défini par une taxonomie standard et par un ensemble de ‘bonnes’ pratiques, ainsi que par un champ d’application précis. Pour chaque pratique, il doit en outre prévoir une règle formelle de test et un seuil de conformité quantifié. Si les cinq éléments sont réunis, le référentiel est dit ‘opposable’ d’un point de vue juridique. S’ils ne le sont pas, alors le document est un guide de bonnes pratiques », déclare Frédéric Bordage, Fondateur et animateur du collectif Green IT.

Quant aux référentiels de performance, on les retrouve dans des secteurs aussi variés que l’immobilier (diagnostic de performance énergétique / DPE) ou dans l’automobile (taux de pollution au sortir d’un pot d’échappement).

 

Des verticales en préparation pour le RGESN

 

Parmi les référentiels les plus courants figurent le Référentiel écoconception web du collectif Green IT (5e édition), le Référentiel mobile (RMob) qui se concentre sur l’efficience énergétique, le Guide des designers éthiques (conception des interfaces UX/UI) et le RGESN (Référentiel général d’écoconception de services numériques), porté par l’ARCEP, conformément à l’article 25 de la Loi REEN (ce dernier prévoit la création d’un référentiel général d’écoconception des services numériques).

Le RGESN liste neuf familles de critères : stratégie, spécifications, architecture, UX/UI, contenus, frontend, backend, hébergement et algorithmie. Leur principal objectif est de permettre aux organisations de réduire la consommation de ressources informatiques et énergétiques et l’obsolescence des équipements, qu’il s’agisse des équipements utilisateurs ou des équipements réseau ou serveur.

« Nous essayons de créer des verticales, car le RGESN est pour le moment très orienté Web, au sens CMS du terme, et non ‘métier’. Il faut que nous prenions en compte de multiples autres aspects comme l’IA, la blockchain, la vidéo en streaming… Autant de thématiques qui ont leurs exceptions et leurs particularités. Nous travaillons d’ailleurs actuellement au RCP (Référentiel par Catégorie de Produit) applicatif web qui devrait sortir en bêta en septembre 2025. Il va être le pendant du référentiel web, afin de pouvoir créer un cercle vertueux visant à vérifier l’impact de chaque critère », note Mathieu Delemme, Président du groupe Ctrl-a.

 

5e version pour le Référentiel écoconception web

 

Quant au Référentiel écoconception web, sa version 5 est sortie à la fin du mois de juin dernier. Les bonnes pratiques sont organisées en fonction du cycle de vie d’un projet (conception, développement, hébergement, etc.) selon les standards ISO 14040:2006 et ISO 24748-1:2018. « Il est urgent de réduire les impacts environnementaux du numérique qui représentent déjà 40 % du budget annuel soutenable d’un européen » rappelle Raphaël Lemaire, coauteur et copilote de cette cinquième édition. « Pour y parvenir, il faut généraliser l’écoconception des services numériques. Ce référentiel est un formidable accélérateur » ajoute-t-il. Pour la première fois, le référentiel propose un mapping avec le RGESN. « Après avoir accompagné des milliers de projets pendant plus de 15 ans, nous savons qu’il faut à tout prix éviter de surcharger les équipes. C’est l’objectif du mapping avec le RGESN que nous avons ajouté à cette nouvelle édition » explique Frédéric Bordage.

Dernier né parmi les référentiels, le Référentiel d’Écoconception pour l’Intégration de Progiciels (REIPRO) a vu le jour en mai dernier. Il est le fruit d’une collaboration entre l’ESN Cosmo Consult et le collectif Green IT. Dans le cadre de sa démarche de certification au label Numérique responsable initiée en janvier 2024, Cosmo Consult s’est engagée dans le développement de son propre référentiel d’écoconception dédié à l’intégration de progiciels. Cette initiative est venue d’un constat simple : malgré une forte demande constatée par le collectif Green IT et les professionnels du secteur, aucun cadre de référence de ce genre n’existait pour les intégrateurs de progiciels. « Nous voulions aller au-delà du simple audit ou label. Il nous fallait un outil métier, concret, pour intégrer l’écoconception dans nos projets au quotidien », commente Grégory Levraut, Responsable projets internationaux et RSE chez Cosmo Consult.

 

L’Europe en pointe dans les démarches d’écoconception

 

Enfin, si l’on élargit un peu le périmètre des référentiels précédemment cités (écoconception) pour explorer la grande famille de la « conception responsable », le référentiel RGAA (Référentiel général d’amélioration de l’accessibilité) s’impose lui aussi comme un incontournable. Il prévoit des sanctions pour les organisations ne respectant pas les obligations qui leur incombent. Pour le service public, une amende de 50 000 euros est prévue en cas de non-respect des obligations d’accessibilité des services de communication au public, renouvelable tous les 6 mois. Pour les entreprises privées, une amende de 25 000 euros peut s’appliquer en cas de non-respect des obligations déclaratives.

Le mot de conclusion revient à Frédéric Bordage : « Il faut avoir en tête que, in fine, c’est l’Europe qui cadre d’un point de vue méthodologique et réglementaire tout ce qui touche au développement durable. L’Europe a commencé le déploiement du PEF (Product Environmental Footprint), pour le textile et l’agroalimentaire et cela va continuer sur tous les secteurs d’activité. La France s’est obligée à respecter la volonté européenne avec l’article 2 de la Loi climat qui prévoit l’affichage environnemental pour tous », précise-t-il. « Si j’étais une organisation commençant à s’intéresser à la rencontre entre numérique et développement durable, et si je cherchais à m’appuyer sur un référentiel, je viserais le référentiel de performance qui est, in fine, l’ACV (des services numériques, des SI…). C’est là-dessus que tout le monde sera jugé », conclut-il.