IA : automatiser sans déconnecter

 

Dans cette chronique d’invité, Jean-Denis Garo revient sur l’impact de l’IA sur les « call centers » des organisations. Sous l’effet combiné de la pression sur les coûts, des exigences d’instantanéité des clients, de la multiplication des canaux, de la valorisation croissante des données conversationnelles et de la quête d’efficacité opérationnelle, les centres de contacts accélèrent leur transformation. L’intelligence artificielle – des callbots aux agents autonomes (Agentic AI) – ouvre la voie à une automatisation à grande échelle, déjà éprouvée sur de nombreux cas d’usage. Il ne faut pourtant pas confondre automatisation et déshumanisation, explique-t-il.

 

La compression des marges oblige désormais les entreprises à repenser leurs modèles d’allocation des ressources et à élargir le périmètre d’action de chaque entité. Les centres de contacts, longtemps considérés comme des structures de support (centre de coûts), deviennent des leviers critiques de pilotage économique, d’optimisation de la valeur client, et de différenciation concurrentielle. L’automatisation, rendue possible par l’IA répond à cette équation d’efficience : elle permet de réduire les temps et les coûts de traitement, d’améliorer la réactivité, de garantir la disponibilité 24/7, et de fluidifier des parcours client de plus en plus complexes. Mais au-delà de la seule productivité, elle ouvre la voie à une meilleure valorisation des données issues des conversations – véritable carburant décisionnel à l’ère de la personnalisation et de la performance pilotée par la donnée.

 

Un changement plus que sémantique

 

Dans cette perspective, le passage du modèle CCaaS (Contact Center as a Service) à celui de CXaaS (Customer Experience as a Service) n’est pas qu’un changement sémantique. Il symbolise une évolution structurelle : celle d’un centre de contacts qui ne se limite plus à répondre, mais qui devient un outil stratégique de coordination, d’analyse et de contribution à la performance globale de l’entreprise. Comme le conseille Alfred Chandler, historien de l’économie et des entreprises, « Structure follows strategy. » la structure organisationnelle doit évoluer en fonction des objectifs stratégiques. Néanmoins l’automatisation ne doit pas éroder la confiance, mais la renforcer par la transparence, la personnalisation et la cohérence.

 

Automatisation et intelligence humaine : un duo indispensable

 

L’intelligence artificielle, si puissante soit-elle, ne saurait pleinement remplacer la finesse, l’empathie et la capacité d’adaptation des collaborateurs investis dans la relation client (agents, experts, back office). Le véritable enjeu réside dans la complémentarité entre la machine et l’humain. L’IA classique prend en charge les tâches répétitives et standardisées — qualification initiale d’appels, réponses aux questions fréquentes, ou détection de signaux faibles dans les conversations. Mais au-delà, les agents autonomes (Agentic AI) apportent une nouvelle dimension en gérant des interactions complexes, prenant des décisions et initiant des actions proactives sans supervision humaine directe. Selon Gartner*, Inc., d’ici 2029, l’IA agentique résoudra ainsi de manière autonome 80 % des problèmes courants de service à la clientèle, sans intervention humaine, entraînant une réduction des coûts opérationnels pouvant atteindre 30 %.

 

La pertinence d’un modèle hybride

 

Cette double capacité, automatisation classique et agents autonomes, libère les collaborateurs pour se concentrer sur des situations à forte valeur ajoutée, nécessitant jugement, créativité et compréhension émotionnelle. En parallèle, la collecte et l’analyse automatisées des données conversationnelles enrichissent le savoir-faire des agents en temps réel, grâce à des recommandations contextuelles précises, renforçant ainsi la qualité et la personnalisation du service. Ce modèle hybride maximise non seulement l’efficacité opérationnelle, mais répond aussi aux attentes croissantes des clients qui veulent une expérience fluide, rapide et humaine. Automatiser sans déconnecter, c’est penser l’IA comme un levier d’augmentation des talents humains, non comme un substitut.