L’indépendance technologique, cette bonne idée qui nous réussit (enfin)

 

Longtemps considérée comme un vœu pieux, l’indépendance technologique de l’Europe devient une réalité. Cloud, IA, semi-conducteurs : la dynamique est là. Et pour une fois, on n’en parle pas juste pour se faire peur.

 

On a longtemps cru que parler de « souveraineté numérique » en Europe, c’était un peu comme parler de fabrication de planches de surf à Bruxelles : théoriquement possible, mais pas exactement dans l’ADN local. Trop lent, trop timide, trop morcelé. Pendant que les géants américains se gobergent à coups de dollars et que les titans chinois maîtrisent la chaîne de A à Z, nous, Européens, avons fait ce que nous savons faire de mieux : des rapports. Beaucoup de rapports.

Mais il se passe quelque chose. Discrètement, sérieusement, collectivement. La souveraineté technologique n’est plus une incantation : c’est devenu un chantier. Et même un peu plus que ça : un projet politique, économique, culturel. En témoignent les initiatives qui s’enchaînent, les start-ups qui montent, les industriels qui s’équipent et les États qui coordonnent (oui, parfois, ça arrive).

Prenez le cloud. Il y a encore cinq ans, il fallait presque s’excuser de parler de solutions françaises face à AWS ou Azure. Aujourd’hui, on dit “Numspot” ou “Bleu” sans rougir. On construit, on s’organise, on garantit des conditions de traitement de la donnée qui répondent enfin à nos exigences. Le marché n’est pas gagné, mais il est disputé.

Dans le domaine des semi-conducteurs, l’Europe n’entend plus regarder passer les électrons. Grâce à l’EU Chips Act, aux investissements d’Intel en Allemagne ou de STMicroelectronics en France, le Vieux Continent relève la tête. On ne fera peut-être pas demain les puces les plus miniaturisées du monde, mais on ne dépendra plus entièrement de celles des autres. Ce n’est pas rien.

L’intelligence artificielle ? Même dynamique. Alors que les modèles américains monopolisent les discours, la recherche française et européenne s’organise. Mistral, Kyutai, Aleph Alpha, et d’autres encore montrent qu’on peut allier excellence scientifique et ambition industrielle. Et surtout, qu’on peut le faire avec nos valeurs. Moins de maximalisme, plus de responsabilité. Moins de show, plus de fond.

Et justement, ce qui change peut-être le plus profondément, c’est que cette indépendance technologique ne se pense plus comme une défense, mais comme une construction. On ne parle plus seulement de “protéger nos données” ou de “résister à l’extraterritorialité du droit américain”. On parle de créer notre propre vision du numérique. De bâtir des infrastructures, des outils, des modèles économiques, en phase avec ce que nous sommes.

C’est tout l’intérêt d’événements comme l’Indépendance Tech Day, organisé par Alliancy, qui donne à voir cette énergie. Ce ne sont plus des colloques pour initiés, mais des rendez-vous pour décideurs convaincus qu’il faut reprendre la main. Pas par chauvinisme, mais parce que la résilience, la compétitivité et la confiance passent aussi par là. Et que c’est possible.

Bien sûr, rien n’est gagné. L’Europe n’aura pas, demain, un moteur de recherche souverain qui détrônera Google, ni un OS maison qui fera trembler Android. Mais elle a désormais une ambition collective, des outils de régulation assumés, des champions qui émergent, et surtout un récit. Ce récit, c’est celui d’une indépendance par le progrès, pas par le repli. D’une innovation qui n’oublie pas sa boussole.

Et si ça ne fait pas la une du journal de 20h, tant mieux : ça laisse le temps de faire.