Sommet pour l’action sur l’IA : Quel bilan pour le numérique responsable ?

 

Moins d’un an après le Sommet pour l’action sur l’IA, l’heure est au bilan. L’écosystème du numérique responsable est revenu, lors du Green Tech Forum, sur les engagements pris et leurs faibles évolutions.

 

Qu’est-il advenu de la troisième voie promise il y a neuf mois lors du Sommet pour l’action sur l’IA ? L’évènement international se déroulant le 10 et le 11 février 2025 avait accouché de plusieurs engagements pour le numérique responsable. Parmi eux, une coalition mondiale pour une intelligence artificielle durable a été formée. « Elle réunit aujourd’hui plus de 200 membres, des états, des entreprises, des institutions internationales ou encore des centres de recherches », vante Amélie Coantic, directrice adjointe au Commissaire général au développement durable. Lors du Green Tech Forum, celle-ci a reconnu « être en train de développer la partie institutionnelle » de cette alliance. Autrement dit, le projet est encore dans sa coquille.

 

Le développement durable à la merci du vocabulaire

 

Des initiatives concrètes existent tout de même, on peut citer la publication d’une liste des initiatives innovantes existantes en matière d’IA responsable ou encore la proposition d’une feuille de route de la standardisation de l’impact environnemental. Et c’est précisément ce point qui semble bloquer. L’attente se retrouve chez les différents acteurs. Audrey Herblin-Stoop, responsable mondial des affaires publiques et de la communication de Mistral AI, a qualifié « d’essentiel de s’accorder sur un vocabulaire et des manières de mesurer communes avant de réfléchir au sujet du développement durable. »

 

Agir vite…

 

Le point de vue n’est pas partagé dans toute la pièce. Mathieu Welhoff, chef du service sobriété numérique de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), a relativisé cette nécessité : « Je ne suis pas sûr qu’il faille attendre d’avoir une mesure précise des modèles avant de prendre des décisions sur l’IA responsable ». Il rappelle d’ailleurs que la phase d’entraînement d’un gros modèle consomme « entre une tranche nucléaire [NDLR : Le terme « tranche nucléaire » désigne une unité de production d’électricité d’une centrale nucléaire] et une usine nucléaire complète ». Sans oublier que le numérique représentera 8% de l’empreinte carbone française horizon 2030. « Il est indispensable d’agir », a résumé Amélie Coantic.

 

… et à l’échelle

 

Quels que soient les délais choisis, pour Audrey Herblin-Stoop, l’essentiel est d’agir à l’échelle. « Le sujet ne s’arrête pas à la frontière française, elle doit, a minima, être européenne car c’est éminemment géopolitique », a confié la membre de Mistral AI. Elle explique que permettre aux potentiels clients de choisir un modèle d’IA en connaissant son empreinte environnementale pourrait aussi être un argument commercial de taille. Si tant est que l’écosystème joue le jeu. « Si tout le monde donnait les trois mêmes chiffres, à savoir la consommation électrique, la consommation d’eau, la durée de vie des infrastructures, on pourrait créer un cercle vertueux où l’opacité serait punie par les consommateurs », suggère même Mathieu Welhoff.

L’idée semble utopique à l’heure actuelle, car le débat paraît davantage concentré sur les modalités que sur les objectifs de fond. Partager des données précises sur les infrastructures suppose en effet une concertation approfondie afin d’assurer leur comparabilité et leur fiabilité. Toutefois, cette démarche se heurte à des contraintes légitimes, notamment la protection du secret industriel ou commercial, souvent invoqué par les entreprises pour préserver leur compétitivité. Trouver un équilibre entre transparence environnementale et préservation des intérêts économiques apparaît donc comme l’un des principaux défis à venir.