Après avoir animé pendant plus de six mois le Do Tank « Maîtrise des dépendances technologiques » d’Alliancy, Alain Nguyen revient dans cette chronique sur cinq éléments clés à retenir, qui aident à passer à l’action et à éviter quelques pièges.
Vous avez parfois le sentiment d’être pieds et poings liés à vos fournisseurs technologiques ? Cette impression que votre organisation devient progressivement captive d’un écosystème cloud ou logiciel qui dicte son rythme, ses prix et ses règles ? Ce constat n’est pas isolé. Et il est temps d’admettre une chose : la dépendance technologique est devenue l’un des risques les plus sous-estimés pour la stratégie des entreprises. Un collectif d’experts, animé par le Do Tank Alliancy “Maîtriser ses dépendances technologiques”, rassemblant de grands acteurs publics et privés, a mené pendant plusieurs mois un travail approfondi. Leurs conclusions bousculent les idées reçues. Voici les cinq recommandations à connaître pour transformer ce sujet en avantage stratégique.
1. Le chiffre choc : la dépendance est devenue un enjeu macro-économique et géopolitique
Selon Asteres, les entreprises européennes dépensent 264 milliards d’euros par an dans des services cloud et logiciels américains. Cela représente 83 % des dépenses des grandes entreprises européennes dans ce domaine. Ce niveau de concentration dépasse l’enjeu technologique : il révèle une dépendance structurelle qui fragilise l’économie européenne dans son ensemble. Les signaux d’alerte se multiplient. L’un des plus parlants est le cas VMware depuis son rachat par Broadcom. En moins d’un an, hausses tarifaires massives, modification unilatérale des offres, refonte des licences et suppression de produits ont déstabilisé des milliers d’entreprises et d’administrations. Résultat : des organisations auparavant considérées comme “stables” se retrouvent avec des coûts multipliés, des trajectoires techniques bouleversées et, dans certains cas, des migrations d’urgence à planifier. Ce type d’événement n’est pas une anomalie. Il met en lumière un risque systémique : lorsqu’un fournisseur dominant modifie ses règles du jour au lendemain, c’est l’entreprise cliente qui subit, parfois sans aucun recours ni alternative immédiate. La conclusion est brutale mais factuelle : maîtriser ses dépendances technologiques n’est plus un sujet réservé à la DSI. C’est une question de résilience organisationnelle, de continuité d’activité et de souveraineté économique.
2. La “souveraineté” n’est pas votre objectif : ce que vous devez viser, c’est l’autonomie stratégique
La souveraineté totale est un objectif étatique. Pour une entreprise, c’est un mirage coûteux. Le Do Tank propose un cap plus réaliste : l’autonomie stratégique. Elle repose sur un principe simple : ne plus subir ses dépendances, mais les choisir, les encadrer et les rendre réversibles. L’enjeu n’est pas de tout remplacer, mais de regagner de la liberté de mouvement : capacité à changer, à négocier, à basculer si besoin. La résilience numérique commence ici.
3. Changer les mentalités passe souvent par un “électrochoc”
Aucune transformation ne démarre par hasard. Dans de nombreuses organisations, la prise de conscience s’est produite lorsqu’un événement dur est survenu. Un grand acteur public a raconté au Do Tank son déclencheur : un audit de conformité d’un éditeur américain, suivi d’une demande de plusieurs dizaines de millions d’euros de régularisation. Cet épisode a entraîné l’ouverture d’un programme interne dédié à la réduction des dépendances, et permis de bâtir une feuille de route de sortie progressive. Tant que le risque n’est pas incarné, il est ignoré. Sensibiliser les dirigeants n’est pas une option : c’est la première brique du changement.
4. L’Open Source est une clé… à condition d’éviter les pièges
Oui, l’Open Source est un levier majeur d’autonomie. Mais tout ce qui est “open” n’est pas souverain. Il existe 3 modèles d’Open Source :
- Le Commun Numérique( ex PostgreSQL, Kubernetes) Gouvernance communautaire, aucun acteur dominant : c’est le modèle le plus protecteur.
- Le modèle Packagé ( ex Red Hat, SUSE) 100 % open source, mais un éditeur assure le support. Il existe un risque de dépendance commerciale, mais la réversibilité reste possible.
- L’Open Core Modèle considéré comme risqué : un noyau ouvert, mais les fonctionnalités stratégiques sont propriétaires. Résultat : un verrouillage déguisé sous une couche d’“open washing”.
Le critère clé n’est donc pas la licence, mais la gouvernance.
5. Le futur n’est plus “Make or Buy” : il est “Make, Buy And Contribute”
L’option la plus stratégique pour réduire durablement les dépendances n’est plus uniquement de choisir entre développer ou acheter. La troisième voie consiste à contribuer activement aux briques open source critiques pour votre activité. Un grand organisme national en a fait la démonstration : pour réussir sa transition vers des solutions souveraines, il a dédié une équipe de cinq personnes chargée de contribuer directement aux communs numériques utilisés. C’est un changement profond de posture : ne plus consommer passivement, mais influencer, stabiliser et sécuriser les technologies dont on dépend. C’est aussi le sens des initiatives émergentes autour du “Make Together”.
La vraie question à se poser
La dépendance technologique n’est pas un sujet défensif. C’est un chantier stratégique permettant de regagner de la liberté, de renforcer sa résilience et d’améliorer sa capacité à négocier. Les travaux du Do Tank le prouvent : on peut reprendre la main sans renoncer à la performance. La véritable question n’est donc plus “Sommes-nous dépendants ?” La vraie question est : quelle est la dépendance la plus critique que votre organisation doit commencer à questionner dès aujourd’hui ?
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