L’innovathon : un outil de transformation pour l’entreprise

[Exclusif] Après plus de trois ans à organiser et animer des innovathons pour ses clients, Yoomap a souhaité partager ses observations, ses découvertes et, parfois, ses étonnements avec les lecteurs d’Alliancy. La start-up, spécialiste du sujet, expose ici cinq « situations » qu’elle a pu repérer dans la pratique quotidienne de l’innovathon.

Richard Biquillon

Richard Biquillon*, CEO de Yoomap

1/ Un manque de clarté dans les objectifs

La démarche étant encore jeune, il est normal de s’interroger sur les raisons, les sujets, les enjeux, et les motivations, conduisant à l’organisation d’un événement somme toute significatif, comme l’innovathon. Nous rencontrons souvent des équipes motivées par l’outil, mais pas toujours claires dans la définition de leurs objectifs précis. Or, comme souvent, le diable est dans les détails : c’est bien la conception fine de votre innovathon qui vous assurera de sa pertinence, et donc de son succès. Autrement dit : pour quoi et pourquoi organiser un innovathon ?

D’abord, c’est une excellente formule pour conduire des projets innovants très rapidement (en jours, et non en mois). En effet, l’engagement généré chez les participants, la frugalité dans les moyens, le temps contraint, et les méthodes issues de l’entrepreneuriat produisent immédiatement l’effet recherché : aller à l’essentiel, avec pragmatisme, pour passer de l’idée au projet opérationnel.

La réalisation effective du projet « gagnant » lors d’un innovathon est à la fois la mesure reine et la condition sine qua non pour organiser une nouvelle saison !

Ensuite, l’innovathon joue le rôle de « formation expérientielle » (c’est-à-dire par le vécu) à des sujets difficiles à enseigner en passant par la théorie : le pitching, le prototypage, le travail collaboratif, l’intelligence collective… Autant de sujets pour lesquels une expérience vécue vaut 100 livres ! Ajoutez-y la dimension psychologique – « je suis capable de relever des challenges extrêmes ! » – et vous comprendrez l’avis de ces participants qui nous remercient d’avoir « changé ma vie professionnelle ! »

Enfin, un innovathon bien mis en avant génère un véritable buzz évènementiel. La démarche est valorisante, motivante, et vos collaborateurs apprécient de participer à cette aventure dont ils sont les héros. Au-delà de l’effet « comm », ce buzz offre non seulement des bénéfices en termes de management (émulation, attractivité, recrutement…) mais aussi de culture d’entreprise (le stress vécu en équipe crée des liens, un esprit de corps).

C’est donc en définissant clairement l’importance de ces objectifs (projets, formation, culture d’entreprise…), que vous pourrez concevoir l’innovathon adapté à vos enjeux. Gardez également un point de vigilance en tête : les bénéfices d’un innovathon ne s’usent que si l’on ne s’en sert pas. Il faut donc entretenir la flamme dans les mois suivants, et s’assurer du support de toute l’entreprise (métiers, et niveau hiérarchique, jusqu’au top management).

2/ Un « choc culturel » lors des premiers innovathons

Le premier contact avec les grands principes de la méthode innovathon provoque souvent une salve de questions, parfois indignées : « Mais… on ne va pas faire un prototype sans specs tout de même ?! ». Et bien si, justement ! Il faut accepter de tâtonner, même au détriment partiel de la qualité ; accepter le risque d’échec… et l’échec lui-même ; accepter de ne pas se fixer de limites ; accepter les idées de collègues totalement néophytes dans sa propre expertise ; accepter de jouer au travail (ah la mauvaise conscience !); et plus difficile encore, accepter de raisonner « usages » au lieu de « solution ».

Pas facile non plus d’oublier des années de procédures maison, de silos, et d’habitudes ; ou encore de déposer son costume corporate (et surtout le discours qui va avec ) pour s’autoriser un brin d’objectivité et de lâcher-prise. La solution ? Bien préparer votre innovathon en annonçant la couleur plusieurs semaines avant via vos outils de communication interne, par exemple en diffusant des témoignages.

3/ L’implication globale de l’entreprise

C’est l’une des surprises pour Yoomap : très souvent, une fois la décision prise, tout le monde joue le jeu, des collaborateurs du terrain jusqu’au top management. Il semble que dès qu’il est clairement établi que l’évènement est officiellement sponsorisé par la direction, les énergies se libèrent.

On observe néanmoins quelques flottements du côté des managers et des fonctions supports, car ils identifient tout de suite les risques que l’évènement peut faire porter sur leur organisation : on va non seulement prendre du temps avec leurs collaborateurs, mais peut-être même les leur voler plusieurs mois s’ils ont la mauvaise idée d’en avoir une bonne. Cruel dilemme : perdre dans le confort, ou gagner dans la douleur ! Là encore, une solution simple permet de les embarquer dans l’aventure : le soutien du top management, et surtout les moyens humains et matériels permettant de compenser autant que de récompenser. Concrètement, on peut par exemple valider officiellement le principe de détachement avec les RH dès le début de l’opération… et le faire savoir.

4/ Des bénéfices collatéraux puissants 

Même s’il s’agit rarement de l’objectif principal, nous avons découvert que l’innovathon est un premier pas très efficace vers l’intrapreneuriat. Pour commencer, les ateliers permettent non seulement d’identifier les collaborateurs à la fibre intrapreneuriale, mais surtout de les révéler à eux-mêmes. De plus, la surmotivation des participants pendant les mois qui suivent, percole dans l’entreprise et génère un momentum favorable au lancement de projets. Enfin, les participants ont acquis des compétences et des réflexes importants pour intraprendre : savoir défendre une idée/point de vue (pitching), travailler en collaboration, créer un réseau de compétences, utiliser des méthodes de créativité, prototyper…

5/ Une véritable libération à l’échelle individuelle

Dernière découverte inattendue pour les consultants de Yoomap : un innovathon répond à un besoin (trop ?) fréquent d’expression et d’écoute. Or être entendu, puis compris est un prérequis à l’action, soit parce qu’un effort collaboratif est nécessaire, soit plus simplement pour « valider » son idée. Même en l’absence de projet personnel précis, la « simple » contribution aux projets d’un innovathon suffit à donner du sens à son travail. Cette motivation se trouve de plus démultipliée pour les lauréats, qui peuvent mesurer concrètement leur impact sur l’entreprise. Il est ainsi primordial de communiquer abondamment sur les suites de votre innovathon : REX, témoignage, et surtout la success story des vainqueurs, dont le projet doit être réellement mis en œuvre, idéalement avec le soutien officiel du PDG.

* Après dix ans d’innovation chez Veolia, Richard Biquillon lance la start-up Yoomap en 2014. En seulement trois ans, Yoomap devient leader français des logiciels d’Open Innovation avec plus de 20 références dans les grands groupes français.

L’innovathon en pratique

La méthode

En général, un innovathon mis en place chaque année suffit car un innovathon « efficace » est un moment fort, impliquant, qui demande du temps à tous dans l’entreprise, et que l’on ne doit pas galvauder. Il faut compter en général entre 1 et 2 mois pour l’organisation d’un innovathon (Idéation : 1 à 3 semaines ; Atelier : 3-4 jours ; Pitches : ½ journée).

S’il est possible de participer à plusieurs saisons de suite, c’est plutôt en changeant de rôle : les finalistes peuvent par exemple entrer dans le jury, les participants devenir coachs, les spécialistes jouer le rôle d’experts, les plus expérimentés de mentors…

L’ampleur

Techniquement, il n’y a pas de contrainte d’échelle : de l’équipe locale au groupe international, tous peuvent tirer profit d’un innovathon. Notez cependant que plus vous ouvrez l’événement (en interne et en externe), plus vous nourrissez les projets et maximisez leurs chances de succès. Côté chiffres, comptez de 20 à 6 000 personnes pour la phase d’idéation, et de 20 à 36 personnes par atelier.

Le thème

Commercial, communication, organisation, nouveaux produits… tout est bon pour l’innovathon, car c’est avant tout une méthode pour transformer des idées en projets concrets, avec l’aide d’outils entrepreneuriaux.

Le soutien

Organiser un innovathon est un vrai métier ! Et votre consultant apporte non seulement son savoir-faire, son habitude, mais surtout son expérience avec d’autres entreprises. Vous bénéficiez donc des réussites (et des échecs) de ses autres clients. Mais surtout, le prestataire extérieur dispose d’une qualité essentielle à la réussite de votre innovathon : il n’est justement pas de la maison ! Avec lui, pas de jugement, pas de lien hiérarchique, pas d’historique avec tel ou tel participant, pas de biais…

L’ouverture

Il faut ouvrir l’innovathon à divers partenaires ! C’est même l’apport de valeur principal de l’open innovation : s’approcher de l’expérience des entrepreneurs, se confronter à la « vraie vie », identifier les objections, profiter d’analogies dans d’autres secteurs….

Le Top management

Oui, il participe, mais dans le jury final. Toutefois, la commande doit venir de leur part, car ce sont eux qui donnent mandat à l’entreprise pour dégager du temps, et s’autoriser à « sortir du cadre ».

La récompense

Oubliez les ipad, les week-ends à DisneyLand, et même les learning experiences aux USA. La seule promesse véritablement efficace et utile consiste à donner une chance sincère au(x) projet(s) lauréat(s) : un budget, des ressources, un planning.

L’après

Les métriques de ce genre d’événement sont parfois mal perçues : 2 000 participants > 20 idées > 5 lauréats > 1 POC… En réalité, l’exercice se prête relativement mal aux mesures quantitatives. Il est bien sûr possible de réaliser une étude de satisfaction, mais les résultats tendent invariablement vers… 100 % ! Voici cependant quelques critères qui peuvent vous permettre de mesurer l’impact de votre innovathon : demandes d’organisation d’un innovathon dans une BU ou une filiale ; projets non-lauréats toujours actifs ; utilisation des outils et méthodes six mois après. Et, surtout, la réalisation effective du projet gagnant, qui est non seulement la mesure reine, mais surtout la condition sine qua non à l’organisation d’une nouvelle saison !