Une chronique co-éditée avec Le Cube qui décrypte les mutations technologiques

Les nouvelles technologies ont un pouvoir performatif sans prĂ©cĂ©dent sur nos relations sociales et sur la maniĂšre dont les organisations conçoivent le rĂ©el. Transhumanisme, Makers, Fake News, Brainhacking, Nudge 


“À la loupe !” vise le dĂ©cryptage de mutations technologiques complexes pour mieux en apprĂ©hender les effets. Une chronique conçue par Pierre Berthoux, journaliste chez Alliancy, en partenariat avec Le Cube, Fabrique d’expĂ©riences crĂ©atives.

Le Cube : une fabrique d’expĂ©rience crĂ©atives 

En 2001, dans sa volontĂ© de devenir une ville numĂ©rique de premier plan Issy-les-Moulineaux propose Ă  ART3000 d’ouvrir un espace entiĂšrement dĂ©diĂ© aux arts numĂ©riques et Ă  l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, Le Cube est nĂ©.

En 20 ans, Le Cube dĂ©veloppe une action unique autour des pratiques crĂ©atives, de la formation, la diffusion, l’innovation et la crĂ©ation. Lieu de croisement interdisciplinaire et de synergies, il accueille grand public et professionnels autour de nombreuses activitĂ©s. Faire du numĂ©rique un levier de crĂ©ativitĂ©, de solidaritĂ© et de responsabilitĂ© est sa mission premiĂšre.

Emerveiller et former Ă  l’Ăšre du numĂ©rique

Depuis 20 ans, Le Cube est un acteur de rĂ©fĂ©rence en France et Ă  l’International. Association engagĂ©e au cƓur des mutations sociĂ©tales, Le Cube accompagne les publics et les organisations
dans le passage à la société numérique.
La dataïfication, les nouvelles réalités, la viralité des réseaux, les intelligences connectives et la vie artificielle nous engagent à changer notre regard et à nous emparer du changement.

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À la loupe 🔎 #4 Transhumanisme : des pistes plausibles pour augmenter notre productivitĂ© ?

Longtemps considĂ©rĂ© comme fabulatoire et manquant de rĂ©alisme, le transhumanisme a petit Ă  petit gagnĂ© en crĂ©dibilitĂ© Ă  mesure que les nouvelles technologies ont explosĂ©. Au tournant du nouveau millĂ©naire, ce qui relevait de la science fiction est devenu plausible : la technologie peut avoir un impact rĂ©el sur l’homme, son corps et son cerveau. C’est d’ailleurs ce que les biohackers mettent dĂ©jĂ  en pratique, en cherchant Ă  booster leurs capacitĂ©s physiques et cognitives. Des pilules chimiques maximisant la concentration aux implants cĂ©rĂ©braux pour hacker le cerveau
 quelles sont les pistes explorĂ©es pour imaginer la productivitĂ© de demain ?

Mesurant 23mm de largeur et 8mm d’épaisseur, la puce dĂ©veloppĂ©e par Neuralink pourra selon Elon Musk ĂȘtre implantĂ©e dans nos cerveaux pour nous guĂ©rir ou nous “augmenter” // Source : Neuralink

Mesurant 23mm de largeur et 8mm d’épaisseur, la puce dĂ©veloppĂ©e par Neuralink pourra selon Elon Musk ĂȘtre implantĂ©e dans nos cerveaux pour nous guĂ©rir ou nous “augmenter” // Source : Neuralink

Le 28 aoĂ»t 2020, le multi-entrepreneur Elon Musk fait une prĂ©sentation des avancĂ©es de sa start-up Neuralink. Cette derniĂšre a implantĂ© une puce dans la tĂȘte de truies pour analyser les signaux Ă©lectriques de leur cerveau. L’objectif est d’abord mĂ©dical et servirait Ă  guĂ©rir des maladies neurologiques comme des paralysies, Alzheimer ou des troubles de la parole. La deuxiĂšme Ă©tape serait d’implanter une autre puce sur la colonne vertĂ©brale pour rĂ©gler les problĂšmes liĂ©s aux lĂ©sions de la moelle Ă©piniĂšre. 

Elon Musk prĂ©tend vouloir appliquer cette technologie aux humains pour en faire de vĂ©ritables cyborgs. Mais derriĂšre ces annonces spectaculaires – dont Elon Musk est trĂšs friand – se trouve un projet pas si rĂ©volutionnaire qu’il n’y paraĂźt. En effet, le champ des neurosciences appliquĂ©es aux nouvelles technologies a dĂ©jĂ  fait son chemin. C’est notamment le cas des prothĂšses bioniques pour les personnes amputĂ©es qui sont devenues une rĂ©alitĂ©. 

Capture du reportage de The Guardian intitulĂ© “Beyond bionics: how the future of prosthetics is redefining humanity”, publiĂ© sur Youtube le 26 juin 2018.

En septembre dernier, des chercheurs australiens ont aussi dĂ©voilĂ© une invention qui mĂ©rite d’ĂȘtre connue : la puce “Stentrode”, insĂ©rĂ©e par la veine jugulaire du cou jusqu’au sommet de la boĂźte crĂąnienne, a permis de convertir les signaux Ă©lectriques du cerveau de deux personnes paralysĂ©es. Les deux hĂŽtes ont ainsi rĂ©ussi Ă  dĂ©placer un curseur Windows rien qu’avec la pensĂ©e.

Les interfaces cerveau-machine ont dĂ©jĂ  fait leur preuve dans le milieu de la recherche mĂ©dicale et Elon Musk semble s’en ĂȘtre inspirĂ©. Nombreux sont ceux qui l’accusent de faire des effets d’annonce en cultivant un idĂ©al transhumaniste. C’est le cas du projet Neuralink, prĂ©sentĂ© comme une rĂ©volution en marche vers l’apparition des cyborgs. 

Le transhumanisme : histoire d’un mouvement protĂ©iforme

Le transhumanisme est un courant d’idĂ©es nĂ© dans les annĂ©es 90 en Californie qui souhaite transformer l’ĂȘtre humain grĂące aux nouvelles technologies. Cela peut servir Ă  augmenter ses capacitĂ©s physiques, cognitives et Ă  prolonger la vie. Ce mouvement Ă  la fois culturel et intellectuel dĂ©sire combattre des maux propres Ă  l’espĂšce humaine comme le vieillissement, la souffrance, le handicap et voire la mort elle-mĂȘme. En revanche, l’idĂ©e n’est pas de foncer tĂȘte baissĂ©e dans un imaginaire de science fiction. Il y a dĂ©jĂ  diffĂ©rents mouvements transhumanistes et la plupart ont tout de mĂȘme une approche critique vis Ă  vis de la technologie ; oĂč les dangers et les dĂ©rives qu’elle implique sont aussi pris en compte.

Nick Bostrom et David Pearce sont deux philosophes, respectivement suédois et britannique, qui ont contribué à rendre le mouvement transhumaniste crédible auprÚs de la communauté scientifique et politique. 

Nick Bostrom et David Pearce sont deux philosophes, respectivement suédois et britannique, qui ont contribué à rendre le mouvement transhumaniste crédible auprÚs de la communauté scientifique et politique.

C’est en 1998 que le mouvement prend une dimension “officielle” avec la crĂ©ation de l’organisation non gouvernementale internationale World Transhumanist Association (devenue Humanity+) par Nick Bostrom et David Pearce. Les deux philosophes ont eu pour ambition d’ériger le transhumanisme en un objet d’étude scientifique Ă  part entiĂšre et de l’utiliser concrĂštement dans le cadre de mise en place de politiques publiques. Humanity+ suggĂšre par exemple que tout le monde doit avoir un accĂšs Ă©gal Ă  la technologie, au delĂ  des classes et des frontiĂšres. 

Pour le philosophe allemand Peter Sloterdijk, le transhumanisme serait une transition vers le posthumanisme. NĂ© Ă  la fin du XXĂš siĂšcle, ce courant de pensĂ©e aborde aussi la question du rapport entre l’homme et la machine avec une vision plus prospective et souvent empreinte de science fiction. La dĂ©finition entre les deux mouvements n’est pas vraiment Ă©tablie mais il est clair que le posthumanisme parle plutĂŽt d’une rupture inĂ©luctable vers l’homme “augmentĂ©â€, induisant une perte d’humanitĂ©. 

Aux racines du transhumanisme, d’Alexandre Moatti

Aux racines du transhumanisme, d’Alexandre Moatti

Les origines du transhumanisme restent toujours floues et peu de recherches historiques ont Ă©tĂ© publiĂ©es Ă  ce jour. Mais cette annĂ©e, le spĂ©cialiste de l’histoire des sciences Alexandre Moatti a publiĂ© un ouvrage qui vient complĂ©ter un large pan des connaissances que nous avons sur cette doctrine. Contre toute attente, la paternitĂ© du mouvement ne devrait pas ĂȘtre attribuĂ©e Ă  Julian Huxley, premier prĂ©sident de l’Unesco en 1946 et frĂšre d’Aldous Huxley (auteur du cĂ©lĂšbre livre de science fiction “Le meilleur des mondes”). Il semblerait que le français Jean Coutrot soit Ă  l’origine du concept d’avĂšnement de l’homme supĂ©rieur grĂące Ă  la science. Le polytechnicien et ingĂ©nieur connaissait d’ailleurs Aldous Huxley. Le monde est petit
  

À la sortie de la seconde guerre mondiale, Jean Coutrot s’est associĂ© avec le prix Nobel de mĂ©decine de 1912 Alexis Carrel pour crĂ©er le Centre d’études des problĂšmes humains. ProfondĂ©ment eugĂ©niste, Alexis Carrel est Ă  l’origine du concept de “biocratie”, cette sociĂ©tĂ© nouvelle qui serait atteignable grĂące Ă  une meilleure connaissance de l’homme. 

Nous avons donc affaire Ă  de nombreuses sources et il serait beaucoup trop long de dĂ©tailler ici tous les sous-courants de cette doctrine. Une branche appelĂ©e “extropianisme” par exemple, estime que la technologie rĂ©ussira un jour Ă  tuer la mort. Créé dans les annĂ©es 90 par Max More et Tom W. Bell, ce courant philosophique mise sur l’arrivĂ©e d’une condition posthumaine et immortelle. 

Cette vision inquiĂšte de nombreux chercheurs comme Francis Fukuyama qui explique dans un article de 2009 sur Foreign Policy que le transhumanisme est un danger pour l’humanitĂ©. Il affirme que « la sociĂ©tĂ© ne va probablement pas tomber soudainement sous le charme de la vision du monde transhumaniste. Mais il est tout Ă  fait possible que nous succombions aux propositions attrayantes de la biotechnologie sans rĂ©aliser qu’elles sont assorties d’un coĂ»t moral effroyable ».  La raison est simple : le transhumanisme ne va faire qu’accentuer les inĂ©galitĂ©s entre ceux qui peuvent se payer les nouvelles biotechnologies sur le marchĂ© et les autres.

Kevin Warwick I Cyborg

Le professeur de cybernĂ©tique anglais Kevin Warwick a une vision encore plus dystopique de l’évolution annoncĂ©e par les transhumanistes. Dans son livre de 2002 intitulĂ© “I, Cyborg”, il dĂ©clare : « Il y aura des gens implantĂ©s, hybrides, et ceux-ci domineront le monde. Les autres, qui ne le seront pas, ne seront pas plus utiles que nos vaches actuelles gardĂ©es au prĂ©. [
] Ceux qui dĂ©cideront de rester humains et refuseront de s’amĂ©liorer auront un sĂ©rieux handicap. Ils constitueront une sous-espĂšce et formeront les chimpanzĂ©s du futur. »

Devenons-nous des cyborgs ?

La piste de “l’humain augmentĂ©â€ est-elle plausible ? Le biohacking deviendra-t-il accessible au grand public plus vite que prĂ©vu ? Kevin Warwick, par exemple, en tant que “premier cyborg du monde”, a testĂ© la cybernĂ©tique sur lui-mĂȘme pendant plus de vingt ans. En 1998, il est le premier Ă  s’ĂȘtre greffĂ© des Ă©lectrodes dans le bras pour commander son ordinateur Ă  distance. Mais le professeur Warwick ne s’est pas arrĂȘtĂ© lĂ  : il a dĂ©cidĂ© d’implanter une puce similaire dans le bras de sa femme pour relier son systĂšme nerveux au sien et ainsi ressentir ce qu’elle ressent. La prochaine Ă©tape serait donc la tĂ©lĂ©pathie qui, selon lui, deviendra le premier mode de communication entre les hommes et sera la condition sine qua none pour accĂ©der au statut de posthumain. 

Trois ans plus tard, aprĂšs avoir perdu ses deux bras, l’électricien amĂ©ricain Jesse Sullivan se fait greffer un bras bionique qu’il peut contrĂŽler par la pensĂ©e. Ce systĂšme complexe appelĂ© bras myoĂ©lectrique convertit les signaux Ă©lectriques envoyĂ©s du cerveau vers les muscles. L’hĂŽte peut alors faire rĂ©agir son membre bionique et dans certains cas – comme celui de Jesse Sullivan – faire varier la force de prĂ©hension et ressentir la chaleur. 

Les recherches sur les membres bioniques ont beaucoup progressĂ© depuis le dĂ©but du siĂšcle et toutes poursuivent un objectif commun : celui de rĂ©ussir Ă  hacker le cerveau humain. Il existe dĂ©sormais des interfaces cĂ©rĂ©brales dites “non invasives”, qui ne requiĂšrent pas d’implant mais seulement des Ă©lectrodes posĂ©es sur le cuir chevelu. Le chercheur brĂ©silien Miguel Nicolelis a installĂ© ce dispositif sur la tĂȘte d’un jeune tĂ©traplĂ©gique en 2014. ÉquipĂ© d’un exosquelette le jeune homme a rĂ©ussi Ă  marcher et mĂȘme taper dans un ballon juste par la force de l’esprit.

Plus rĂ©cemment, en 2018, des scientifiques du MIT ont créé un casque baptisĂ© ‘AlterEgo” qui retranscrit les mots qu’une personne a en tĂȘte. L’intelligence artificielle faisant partie de cet Ă©quipement peut donc analyser les pensĂ©es et rĂ©pondre par le biais d’objets connectĂ©s en bluetooth. Une avancĂ©e majeure dans le domaine qui permettrait Ă  l’avenir aux muets de parler, comme le faisait Stephen Hawking. 

Ce type de casque n’est pas encore au point mais de grands acteurs du domaine commencent Ă  s’y intĂ©resser. C’est le cas de Facebook qui avec son Reality Labs planche sur un casque similaire qui pourrait transfĂ©rer les pensĂ©es d’un hĂŽte sur un Ă©cran d’ordinateur. Si les projets actuels ne permettent en moyenne que de retranscrire 8 mots par minute, Mark Zuckerberg a dĂ©clarĂ© vouloir atteindre les 100 mots par minute.

À chaque fois qu’une Ă©tape importante est franchie dans le domaine de la cybernĂ©tique, l’écart entre la science-fiction et la rĂ©alitĂ© tend Ă  se rĂ©trĂ©cir. Si ces technologies de pointe restent encore largement rĂ©servĂ©es au domaine expĂ©rimental, d’autres techniques sont bel et bien dĂ©jĂ  rĂ©pandues chez le grand public.

Nootropiques : des médicaments pour booster son cerveau

L’arrivĂ©e de “l’homme cyborg” n’est peut-ĂȘtre pas pour tout de suite. Mais certains domaines de recherche ont rĂ©ussi Ă  exploiter les facultĂ©s cĂ©rĂ©brales bien avant l’avĂšnement des nouvelles technologies et de la robotique du nouveau millĂ©naire. C’est le cas de l’industrie pharmaceutique qui, pour booster le cerveau, a donnĂ© naissance aux nootropiques. Ce sont des mĂ©dicaments apparus Ă  priori en 1964, lorsque le Piracetem a Ă©tĂ© synthĂ©tisĂ© pour la premiĂšre fois. Augmentant entre autres l’oxygĂ©nation de l’encĂ©phale et les neurotransmissions, cette molĂ©cule sert Ă  aider le travail de mĂ©moire de personnes en bonne santĂ©.

Corneliu E. Giurgea était un psychologue et chimiste roumain. En 1964, il a synthétisé le Piracetam et inventa dans la foulée le terme nootropique.

Corneliu E. Giurgea était un psychologue et chimiste roumain. En 1964, il a synthétisé le Piracetam et inventa dans la foulée le terme nootropique.

À l’instar d’un shot matinal de cafĂ©ine ou une dose de dopamine sĂ©crĂ©tĂ©e par un carreau de chocolat, les nootropes peuvent stimuler toutes sortes de fonctions cĂ©rĂ©brales. Et l’usage de ces substances appelĂ©es aussi PCE (Pharmacological cognitive enhancement) ou “smart drugs” continue d’augmenter Ă  travers le monde. En 2017, un sondage publiĂ© Ă  l’International Journal of Drug Policy a montrĂ© que 30% des Ă©tudiants amĂ©ricains ont dĂ©clarĂ© avoir eu recours Ă  des drogues pour des examens dans les douze derniers mois (contre 20% en 2015). En France, ce taux est passĂ© de 3 Ă  16% et de 5 Ă  23% au Royaume-Uni. L’étude prĂ©cise Ă©galement que les mĂ©dicaments les plus utilisĂ©s pour booster la concentration et la mĂ©moire sont l’Adderall et la Ritalin – habituellement prescrits pour les patients atteints de troubles de l’attention (ADHD). 

Le fait est que l’usage de ces psychotropes relĂšve d’une course Ă  la perfection qui ne consiste plus Ă  soigner une maladie ou un dysfonctionnement mais bien Ă  augmenter les performances de personnes en bonne santĂ©. Cet idĂ©al est trĂšs rĂ©pandu dans les Ɠuvres de fiction, Ă  l’image du film Limitless qui imagine une substance secrĂšte qui permettrait de dĂ©multiplier les calculs faits par le cerveau en temps record. Le hĂ©ros accĂ©dant Ă  cette drogue devient Ă©videmment trĂšs intelligent, riche en peu de temps mais aussi fortement dĂ©pendant, au point d’en abĂźmer sa santĂ©.

RĂ©alisĂ© par Neil Burger en 2011, Limitless met en scĂšne Bradley Cooper qui consomme une nouvelle drogue appelĂ©e NZT qui le rend plus intelligent. Ce film exploite le mythe selon lequel nous n’utiliserions qu’une petite partie des capacitĂ©s offertes par notre cerveau.

RĂ©alisĂ© par Neil Burger en 2011, Limitless met en scĂšne Bradley Cooper qui consomme une nouvelle drogue appelĂ©e NZT qui le rend plus intelligent. Ce film exploite le mythe selon lequel nous n’utiliserions qu’une petite partie des capacitĂ©s offertes par notre cerveau.

Car ces drogues ne sont pas sans effets secondaires. Si le cafĂ© a des vertus pour lutter contre l’endormissement, tout le monde s’accorde Ă  dire qu’il peut gĂ©nĂ©rer des effets nĂ©fastes pour la santĂ© Ă  une certaine dose. C’est la mĂȘme chose pour les nootropes qui font l’objet de recherches supplĂ©mentaires pour dĂ©finir leur impact sur le cerveau. De leur cĂŽtĂ©, les adeptes de ces substances dĂ©fendent l’idĂ©e qu’elles sont aussi utiles au progrĂšs de la sociĂ©tĂ© dans son ensemble.

Dérives de la technologie à outrance

L’usage de nootropes serait plutĂŽt rĂ©pandu dans certains milieux comme l’universitĂ©, la publicitĂ©, l’informatique ou la finance. Et de plus en plus de tĂ©moignages de consommateurs de ces drogues apparaissent au fil du temps. L’entrepreneur californien Dave Asprey par exemple, a avouĂ© chez CNN en 2015 qu’il avalait une poignĂ©e de pilules tous les matins. Piracetem, Aniracetam, Ciltep, Methyl, Cobalamin
 un cocktail de complĂ©ments naturels qui, d’aprĂšs lui, est censĂ© lui donner un avantage compĂ©titif sur le marchĂ©.

En ce qui concerne l’implant de puces, les projets sont aussi devenus une rĂ©alitĂ©. Une sociĂ©tĂ© suĂ©doise de biohacking appelĂ©e Epicenter a proposĂ© Ă  ses employĂ©s en 2017 de leur implanter des puces RFiD pour automatiser leur entrĂ©e dans des zones d’accĂšs restreint ou encore leur utilisation d’outils comme les photocopieuses. L’implantation de micropuces sert ici comme alternative aux mots de passe ou autres moyens d’identification biomĂ©triques comme les empreintes ou le scan rĂ©tinien. 

Ainsi, au regard des prouesses techniques que nous avons faites, notamment dans le milieu mĂ©dical, n’est-il pas possible d’assumer que cette transformation espĂ©rĂ©e par les transhumanistes est dĂ©jĂ  achevĂ©e ? Etant donnĂ© que les progrĂšs techniques n’ont pas vocation Ă  cesser, comment en devenir conscient et dĂ©finir l’instant T oĂč l’humanitĂ© deviendrait “augmentĂ©e” ? Nous touchons lĂ  au problĂšme inhĂ©rent Ă  la rĂ©flexion philosophique du mouvement.

Car, en rĂ©alitĂ©, il n’y a pas vraiment besoin de trafiquer notre corps ou booster notre cerveau. Si nous y rĂ©flĂ©chissons Ă  deux fois, nos outils numĂ©riques actuels s’en chargent dĂ©jĂ . Le smartphone par exemple est Ă  la fois une prolongation de notre corps et une extension de notre cerveau nous permettant d’accĂ©der plus rapidement aux connaissances. Internet, les moteurs de recherche et WikipĂ©dia tendent, eux, Ă  remplacer notre mĂ©moire. 

De plus, le solutionnisme technologique par lequel le transhumanisme espĂšre nous “augmenter” n’est pas sans failles. Il est vrai que, dans les faits, la technique ne nous facilite pas toujours la vie. Nous avons dĂ©multipliĂ© les supports disponibles, complexifiĂ© nos systĂšmes et accentuĂ© drastiquement nos flux d’informations, ce qui a tendance Ă  amenuiser notre productivitĂ©.

Une Ă©tude de 2018 rĂ©alisĂ©e par Microsoft auprĂšs de 20 000 employĂ©s europĂ©ens pointe du doigt la source de distractions que ces technologies peuvent produire. En effet, 58% de l’utilisation d’Internet au bureau est devenue personnelle, selon une autre enquĂȘte rĂ©alisĂ©e par Olfeo en 2016. L’abondance numĂ©rique dans laquelle nous vivons, travaillons et interagissons produit une accĂ©lĂ©ration du temps et une saturation de l’information. Cette connectivitĂ© Ă  portĂ©e de doigt peut donc ĂȘtre source de “technostress”. 

C’est bien ce problĂšme de concentration qui pousse certains Ă  prendre des nootropes. Mais comme dans tous les dĂ©bats autour des nouvelles technologies et leur impact sur les comportements humains, les dĂ©rives ne sont jamais trĂšs loin. Pour ne pas ĂȘtre simplement rĂ©fractaire face au changement (qui semble ĂȘtre inĂ©luctable), il vaut mieux s’intĂ©resser sĂ©rieusement au biohacking pour voir quel est son potentiel  et surtout, veiller Ă  ce que son dĂ©ploiement soit encadrĂ© et rĂ©gulĂ©. Une rĂ©flexion plus gĂ©nĂ©rale doit ĂȘtre faite sur l’intĂ©rĂȘt social d’une nouvelle technologie et ses bĂ©nĂ©fices par rapport aux coĂ»ts annexes.

Les entreprises devront sĂ»rement Ă  l’avenir questionner leur rapport au transhumanisme et imaginer comment le biohacking (et les outils numĂ©riques en gĂ©nĂ©ral) peuvent nous aider Ă  faire face Ă  l’infobĂ©sitĂ© et Ă  rĂ©duire notre stress numĂ©rique. Et peut-ĂȘtre qu’un jour nous pourrions voir apparaĂźtre un Adblock cĂ©rĂ©bral comme bouclier contre la surcharge informationnelle
 AprĂšs tout, pourquoi pas ?


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