Longtemps considĂ©rĂ© comme fabulatoire et manquant de rĂ©alisme, le transhumanisme a petit Ă petit gagnĂ© en crĂ©dibilitĂ© Ă mesure que les nouvelles technologies ont explosĂ©. Au tournant du nouveau millĂ©naire, ce qui relevait de la science fiction est devenu plausible : la technologie peut avoir un impact rĂ©el sur lâhomme, son corps et son cerveau. Câest dâailleurs ce que les biohackers mettent dĂ©jĂ en pratique, en cherchant Ă booster leurs capacitĂ©s physiques et cognitives. Des pilules chimiques maximisant la concentration aux implants cĂ©rĂ©braux pour hacker le cerveau⊠quelles sont les pistes explorĂ©es pour imaginer la productivitĂ© de demain ?

Mesurant 23mm de largeur et 8mm dâĂ©paisseur, la puce dĂ©veloppĂ©e par Neuralink pourra selon Elon Musk ĂȘtre implantĂ©e dans nos cerveaux pour nous guĂ©rir ou nous âaugmenterâ // Source : Neuralink
Le 28 aoĂ»t 2020, le multi-entrepreneur Elon Musk fait une prĂ©sentation des avancĂ©es de sa start-up Neuralink. Cette derniĂšre a implantĂ© une puce dans la tĂȘte de truies pour analyser les signaux Ă©lectriques de leur cerveau. Lâobjectif est dâabord mĂ©dical et servirait Ă guĂ©rir des maladies neurologiques comme des paralysies, Alzheimer ou des troubles de la parole. La deuxiĂšme Ă©tape serait dâimplanter une autre puce sur la colonne vertĂ©brale pour rĂ©gler les problĂšmes liĂ©s aux lĂ©sions de la moelle Ă©piniĂšre.Â
Elon Musk prĂ©tend vouloir appliquer cette technologie aux humains pour en faire de vĂ©ritables cyborgs. Mais derriĂšre ces annonces spectaculaires – dont Elon Musk est trĂšs friand – se trouve un projet pas si rĂ©volutionnaire quâil nây paraĂźt. En effet, le champ des neurosciences appliquĂ©es aux nouvelles technologies a dĂ©jĂ fait son chemin. Câest notamment le cas des prothĂšses bioniques pour les personnes amputĂ©es qui sont devenues une rĂ©alitĂ©.Â

Capture du reportage de The Guardian intitulĂ© âBeyond bionics: how the future of prosthetics is redefining humanityâ, publiĂ© sur Youtube le 26 juin 2018.
En septembre dernier, des chercheurs australiens ont aussi dĂ©voilĂ© une invention qui mĂ©rite dâĂȘtre connue : la puce âStentrodeâ, insĂ©rĂ©e par la veine jugulaire du cou jusquâau sommet de la boĂźte crĂąnienne, a permis de convertir les signaux Ă©lectriques du cerveau de deux personnes paralysĂ©es. Les deux hĂŽtes ont ainsi rĂ©ussi Ă dĂ©placer un curseur Windows rien quâavec la pensĂ©e.
Les interfaces cerveau-machine ont dĂ©jĂ fait leur preuve dans le milieu de la recherche mĂ©dicale et Elon Musk semble sâen ĂȘtre inspirĂ©. Nombreux sont ceux qui lâaccusent de faire des effets dâannonce en cultivant un idĂ©al transhumaniste. Câest le cas du projet Neuralink, prĂ©sentĂ© comme une rĂ©volution en marche vers lâapparition des cyborgs.Â
Le transhumanisme : histoire dâun mouvement protĂ©iforme
Le transhumanisme est un courant dâidĂ©es nĂ© dans les annĂ©es 90 en Californie qui souhaite transformer lâĂȘtre humain grĂące aux nouvelles technologies. Cela peut servir Ă augmenter ses capacitĂ©s physiques, cognitives et Ă prolonger la vie. Ce mouvement Ă la fois culturel et intellectuel dĂ©sire combattre des maux propres Ă lâespĂšce humaine comme le vieillissement, la souffrance, le handicap et voire la mort elle-mĂȘme. En revanche, lâidĂ©e nâest pas de foncer tĂȘte baissĂ©e dans un imaginaire de science fiction. Il y a dĂ©jĂ diffĂ©rents mouvements transhumanistes et la plupart ont tout de mĂȘme une approche critique vis Ă vis de la technologie ; oĂč les dangers et les dĂ©rives quâelle implique sont aussi pris en compte.

Nick Bostrom et David Pearce sont deux philosophes, respectivement suédois et britannique, qui ont contribué à rendre le mouvement transhumaniste crédible auprÚs de la communauté scientifique et politique.
Câest en 1998 que le mouvement prend une dimension âofficielleâ avec la crĂ©ation de lâorganisation non gouvernementale internationale World Transhumanist Association (devenue Humanity+) par Nick Bostrom et David Pearce. Les deux philosophes ont eu pour ambition dâĂ©riger le transhumanisme en un objet dâĂ©tude scientifique Ă part entiĂšre et de lâutiliser concrĂštement dans le cadre de mise en place de politiques publiques. Humanity+ suggĂšre par exemple que tout le monde doit avoir un accĂšs Ă©gal Ă la technologie, au delĂ des classes et des frontiĂšres.Â
Pour le philosophe allemand Peter Sloterdijk, le transhumanisme serait une transition vers le posthumanisme. NĂ© Ă la fin du XXĂš siĂšcle, ce courant de pensĂ©e aborde aussi la question du rapport entre lâhomme et la machine avec une vision plus prospective et souvent empreinte de science fiction. La dĂ©finition entre les deux mouvements nâest pas vraiment Ă©tablie mais il est clair que le posthumanisme parle plutĂŽt dâune rupture inĂ©luctable vers lâhomme âaugmentĂ©â, induisant une perte dâhumanitĂ©.Â
Les origines du transhumanisme restent toujours floues et peu de recherches historiques ont Ă©tĂ© publiĂ©es Ă ce jour. Mais cette annĂ©e, le spĂ©cialiste de lâhistoire des sciences Alexandre Moatti a publiĂ© un ouvrage qui vient complĂ©ter un large pan des connaissances que nous avons sur cette doctrine. Contre toute attente, la paternitĂ© du mouvement ne devrait pas ĂȘtre attribuĂ©e Ă Julian Huxley, premier prĂ©sident de lâUnesco en 1946 et frĂšre dâAldous Huxley (auteur du cĂ©lĂšbre livre de science fiction âLe meilleur des mondesâ). Il semblerait que le français Jean Coutrot soit Ă lâorigine du concept dâavĂšnement de lâhomme supĂ©rieur grĂące Ă la science. Le polytechnicien et ingĂ©nieur connaissait dâailleurs Aldous Huxley. Le monde est petitâŠÂ Â
Ă la sortie de la seconde guerre mondiale, Jean Coutrot sâest associĂ© avec le prix Nobel de mĂ©decine de 1912 Alexis Carrel pour crĂ©er le Centre dâĂ©tudes des problĂšmes humains. ProfondĂ©ment eugĂ©niste, Alexis Carrel est Ă lâorigine du concept de âbiocratieâ, cette sociĂ©tĂ© nouvelle qui serait atteignable grĂące Ă une meilleure connaissance de lâhomme.Â
Nous avons donc affaire Ă de nombreuses sources et il serait beaucoup trop long de dĂ©tailler ici tous les sous-courants de cette doctrine. Une branche appelĂ©e âextropianismeâ par exemple, estime que la technologie rĂ©ussira un jour Ă tuer la mort. Créé dans les annĂ©es 90 par Max More et Tom W. Bell, ce courant philosophique mise sur lâarrivĂ©e dâune condition posthumaine et immortelle.Â
Cette vision inquiĂšte de nombreux chercheurs comme Francis Fukuyama qui explique dans un article de 2009 sur Foreign Policy que le transhumanisme est un danger pour lâhumanitĂ©. Il affirme que « la sociĂ©tĂ© ne va probablement pas tomber soudainement sous le charme de la vision du monde transhumaniste. Mais il est tout Ă fait possible que nous succombions aux propositions attrayantes de la biotechnologie sans rĂ©aliser quâelles sont assorties dâun coĂ»t moral effroyable ». La raison est simple : le transhumanisme ne va faire quâaccentuer les inĂ©galitĂ©s entre ceux qui peuvent se payer les nouvelles biotechnologies sur le marchĂ© et les autres.
Le professeur de cybernĂ©tique anglais Kevin Warwick a une vision encore plus dystopique de lâĂ©volution annoncĂ©e par les transhumanistes. Dans son livre de 2002 intitulĂ© âI, Cyborgâ, il dĂ©clare : « Il y aura des gens implantĂ©s, hybrides, et ceux-ci domineront le monde. Les autres, qui ne le seront pas, ne seront pas plus utiles que nos vaches actuelles gardĂ©es au prĂ©. [âŠ] Ceux qui dĂ©cideront de rester humains et refuseront de s’amĂ©liorer auront un sĂ©rieux handicap. Ils constitueront une sous-espĂšce et formeront les chimpanzĂ©s du futur. »
Devenons-nous des cyborgs ?
La piste de âlâhumain augmentĂ©â est-elle plausible ? Le biohacking deviendra-t-il accessible au grand public plus vite que prĂ©vu ? Kevin Warwick, par exemple, en tant que âpremier cyborg du mondeâ, a testĂ© la cybernĂ©tique sur lui-mĂȘme pendant plus de vingt ans. En 1998, il est le premier Ă sâĂȘtre greffĂ© des Ă©lectrodes dans le bras pour commander son ordinateur Ă distance. Mais le professeur Warwick ne sâest pas arrĂȘtĂ© lĂ : il a dĂ©cidĂ© dâimplanter une puce similaire dans le bras de sa femme pour relier son systĂšme nerveux au sien et ainsi ressentir ce quâelle ressent. La prochaine Ă©tape serait donc la tĂ©lĂ©pathie qui, selon lui, deviendra le premier mode de communication entre les hommes et sera la condition sine qua none pour accĂ©der au statut de posthumain.Â
Trois ans plus tard, aprĂšs avoir perdu ses deux bras, lâĂ©lectricien amĂ©ricain Jesse Sullivan se fait greffer un bras bionique quâil peut contrĂŽler par la pensĂ©e. Ce systĂšme complexe appelĂ© bras myoĂ©lectrique convertit les signaux Ă©lectriques envoyĂ©s du cerveau vers les muscles. LâhĂŽte peut alors faire rĂ©agir son membre bionique et dans certains cas – comme celui de Jesse Sullivan – faire varier la force de prĂ©hension et ressentir la chaleur.Â
Les recherches sur les membres bioniques ont beaucoup progressĂ© depuis le dĂ©but du siĂšcle et toutes poursuivent un objectif commun : celui de rĂ©ussir Ă hacker le cerveau humain. Il existe dĂ©sormais des interfaces cĂ©rĂ©brales dites ânon invasivesâ, qui ne requiĂšrent pas dâimplant mais seulement des Ă©lectrodes posĂ©es sur le cuir chevelu. Le chercheur brĂ©silien Miguel Nicolelis a installĂ© ce dispositif sur la tĂȘte dâun jeune tĂ©traplĂ©gique en 2014. ĂquipĂ© dâun exosquelette le jeune homme a rĂ©ussi Ă marcher et mĂȘme taper dans un ballon juste par la force de lâesprit.
Plus rĂ©cemment, en 2018, des scientifiques du MIT ont créé un casque baptisĂ© âAlterEgoâ qui retranscrit les mots quâune personne a en tĂȘte. Lâintelligence artificielle faisant partie de cet Ă©quipement peut donc analyser les pensĂ©es et rĂ©pondre par le biais dâobjets connectĂ©s en bluetooth. Une avancĂ©e majeure dans le domaine qui permettrait Ă lâavenir aux muets de parler, comme le faisait Stephen Hawking.Â
Ce type de casque nâest pas encore au point mais de grands acteurs du domaine commencent Ă sây intĂ©resser. Câest le cas de Facebook qui avec son Reality Labs planche sur un casque similaire qui pourrait transfĂ©rer les pensĂ©es dâun hĂŽte sur un Ă©cran dâordinateur. Si les projets actuels ne permettent en moyenne que de retranscrire 8 mots par minute, Mark Zuckerberg a dĂ©clarĂ© vouloir atteindre les 100 mots par minute.
Ă chaque fois qu’une Ă©tape importante est franchie dans le domaine de la cybernĂ©tique, lâĂ©cart entre la science-fiction et la rĂ©alitĂ© tend Ă se rĂ©trĂ©cir. Si ces technologies de pointe restent encore largement rĂ©servĂ©es au domaine expĂ©rimental, dâautres techniques sont bel et bien dĂ©jĂ rĂ©pandues chez le grand public.
Nootropiques : des médicaments pour booster son cerveau
L’arrivĂ©e de âlâhomme cyborgâ nâest peut-ĂȘtre pas pour tout de suite. Mais certains domaines de recherche ont rĂ©ussi Ă exploiter les facultĂ©s cĂ©rĂ©brales bien avant lâavĂšnement des nouvelles technologies et de la robotique du nouveau millĂ©naire. Câest le cas de lâindustrie pharmaceutique qui, pour booster le cerveau, a donnĂ© naissance aux nootropiques. Ce sont des mĂ©dicaments apparus Ă priori en 1964, lorsque le Piracetem a Ă©tĂ© synthĂ©tisĂ© pour la premiĂšre fois. Augmentant entre autres lâoxygĂ©nation de lâencĂ©phale et les neurotransmissions, cette molĂ©cule sert Ă aider le travail de mĂ©moire de personnes en bonne santĂ©.

Corneliu E. Giurgea était un psychologue et chimiste roumain. En 1964, il a synthétisé le Piracetam et inventa dans la foulée le terme nootropique.
Ă lâinstar dâun shot matinal de cafĂ©ine ou une dose de dopamine sĂ©crĂ©tĂ©e par un carreau de chocolat, les nootropes peuvent stimuler toutes sortes de fonctions cĂ©rĂ©brales. Et lâusage de ces substances appelĂ©es aussi PCE (Pharmacological cognitive enhancement) ou âsmart drugsâ continue dâaugmenter Ă travers le monde. En 2017, un sondage publiĂ© Ă lâInternational Journal of Drug Policy a montrĂ© que 30% des Ă©tudiants amĂ©ricains ont dĂ©clarĂ© avoir eu recours Ă des drogues pour des examens dans les douze derniers mois (contre 20% en 2015). En France, ce taux est passĂ© de 3 Ă 16% et de 5 Ă 23% au Royaume-Uni. LâĂ©tude prĂ©cise Ă©galement que les mĂ©dicaments les plus utilisĂ©s pour booster la concentration et la mĂ©moire sont lâAdderall et la Ritalin – habituellement prescrits pour les patients atteints de troubles de lâattention (ADHD).Â
Le fait est que lâusage de ces psychotropes relĂšve dâune course Ă la perfection qui ne consiste plus Ă soigner une maladie ou un dysfonctionnement mais bien Ă augmenter les performances de personnes en bonne santĂ©. Cet idĂ©al est trĂšs rĂ©pandu dans les Ćuvres de fiction, Ă lâimage du film Limitless qui imagine une substance secrĂšte qui permettrait de dĂ©multiplier les calculs faits par le cerveau en temps record. Le hĂ©ros accĂ©dant Ă cette drogue devient Ă©videmment trĂšs intelligent, riche en peu de temps mais aussi fortement dĂ©pendant, au point dâen abĂźmer sa santĂ©.

RĂ©alisĂ© par Neil Burger en 2011, Limitless met en scĂšne Bradley Cooper qui consomme une nouvelle drogue appelĂ©e NZT qui le rend plus intelligent. Ce film exploite le mythe selon lequel nous nâutiliserions quâune petite partie des capacitĂ©s offertes par notre cerveau.
Car ces drogues ne sont pas sans effets secondaires. Si le cafĂ© a des vertus pour lutter contre lâendormissement, tout le monde sâaccorde Ă dire quâil peut gĂ©nĂ©rer des effets nĂ©fastes pour la santĂ© Ă une certaine dose. Câest la mĂȘme chose pour les nootropes qui font lâobjet de recherches supplĂ©mentaires pour dĂ©finir leur impact sur le cerveau. De leur cĂŽtĂ©, les adeptes de ces substances dĂ©fendent lâidĂ©e quâelles sont aussi utiles au progrĂšs de la sociĂ©tĂ© dans son ensemble.
Dérives de la technologie à outrance
Lâusage de nootropes serait plutĂŽt rĂ©pandu dans certains milieux comme lâuniversitĂ©, la publicitĂ©, lâinformatique ou la finance. Et de plus en plus de tĂ©moignages de consommateurs de ces drogues apparaissent au fil du temps. Lâentrepreneur californien Dave Asprey par exemple, a avouĂ© chez CNN en 2015 quâil avalait une poignĂ©e de pilules tous les matins. Piracetem, Aniracetam, Ciltep, Methyl, Cobalamin⊠un cocktail de complĂ©ments naturels qui, dâaprĂšs lui, est censĂ© lui donner un avantage compĂ©titif sur le marchĂ©.
En ce qui concerne lâimplant de puces, les projets sont aussi devenus une rĂ©alitĂ©. Une sociĂ©tĂ© suĂ©doise de biohacking appelĂ©e Epicenter a proposĂ© Ă ses employĂ©s en 2017 de leur implanter des puces RFiD pour automatiser leur entrĂ©e dans des zones dâaccĂšs restreint ou encore leur utilisation d’outils comme les photocopieuses. Lâimplantation de micropuces sert ici comme alternative aux mots de passe ou autres moyens dâidentification biomĂ©triques comme les empreintes ou le scan rĂ©tinien.Â
Ainsi, au regard des prouesses techniques que nous avons faites, notamment dans le milieu mĂ©dical, nâest-il pas possible dâassumer que cette transformation espĂ©rĂ©e par les transhumanistes est dĂ©jĂ achevĂ©e ? Etant donnĂ© que les progrĂšs techniques nâont pas vocation Ă cesser, comment en devenir conscient et dĂ©finir lâinstant T oĂč lâhumanitĂ© deviendrait âaugmentĂ©eâ ? Nous touchons lĂ au problĂšme inhĂ©rent Ă la rĂ©flexion philosophique du mouvement.
Car, en rĂ©alitĂ©, il nây a pas vraiment besoin de trafiquer notre corps ou booster notre cerveau. Si nous y rĂ©flĂ©chissons Ă deux fois, nos outils numĂ©riques actuels sâen chargent dĂ©jĂ . Le smartphone par exemple est Ă la fois une prolongation de notre corps et une extension de notre cerveau nous permettant dâaccĂ©der plus rapidement aux connaissances. Internet, les moteurs de recherche et WikipĂ©dia tendent, eux, Ă remplacer notre mĂ©moire.Â
De plus, le solutionnisme technologique par lequel le transhumanisme espĂšre nous âaugmenterâ nâest pas sans failles. Il est vrai que, dans les faits, la technique ne nous facilite pas toujours la vie. Nous avons dĂ©multipliĂ© les supports disponibles, complexifiĂ© nos systĂšmes et accentuĂ© drastiquement nos flux dâinformations, ce qui a tendance Ă amenuiser notre productivitĂ©.
Une Ă©tude de 2018 rĂ©alisĂ©e par Microsoft auprĂšs de 20 000 employĂ©s europĂ©ens pointe du doigt la source de distractions que ces technologies peuvent produire. En effet, 58% de lâutilisation dâInternet au bureau est devenue personnelle, selon une autre enquĂȘte rĂ©alisĂ©e par Olfeo en 2016. Lâabondance numĂ©rique dans laquelle nous vivons, travaillons et interagissons produit une accĂ©lĂ©ration du temps et une saturation de lâinformation. Cette connectivitĂ© Ă portĂ©e de doigt peut donc ĂȘtre source de âtechnostressâ.Â
Câest bien ce problĂšme de concentration qui pousse certains Ă prendre des nootropes. Mais comme dans tous les dĂ©bats autour des nouvelles technologies et leur impact sur les comportements humains, les dĂ©rives ne sont jamais trĂšs loin. Pour ne pas ĂȘtre simplement rĂ©fractaire face au changement (qui semble ĂȘtre inĂ©luctable), il vaut mieux sâintĂ©resser sĂ©rieusement au biohacking pour voir quel est son potentiel et surtout, veiller Ă ce que son dĂ©ploiement soit encadrĂ© et rĂ©gulĂ©. Une rĂ©flexion plus gĂ©nĂ©rale doit ĂȘtre faite sur lâintĂ©rĂȘt social dâune nouvelle technologie et ses bĂ©nĂ©fices par rapport aux coĂ»ts annexes.
Les entreprises devront sĂ»rement Ă lâavenir questionner leur rapport au transhumanisme et imaginer comment le biohacking (et les outils numĂ©riques en gĂ©nĂ©ral) peuvent nous aider Ă faire face Ă lâinfobĂ©sitĂ© et Ă rĂ©duire notre stress numĂ©rique. Et peut-ĂȘtre quâun jour nous pourrions voir apparaĂźtre un Adblock cĂ©rĂ©bral comme bouclier contre la surcharge informationnelle⊠AprĂšs tout, pourquoi pas ?