[Chronique] Accompagnement au changement : ces principes clés que les entreprises oublient trop facilement

Pour conclure sa série de chroniques consacrée aux fondamentaux de la transformation numérique de l’entreprise, Benito Diz revient sur les principes qui doivent présider à toute démarche d’accompagnement au changement.

Accompagnement au changement Nous avons précédemment passé en revue tous les grands axes qui animent aujourd’hui la transformation ambitieuse d’une organisation. Mais il est évident que la mise en place d’un tel projet n’est pas un long fleuve tranquille, notamment pour les collaborateurs.

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La résistance au changement naît généralement du fait que le projet n’est pas toujours justement compris et du sentiment de ne pas y trouver sa place. L’humain est souvent en opposition, par une autoprotection systématique dont il faut comprendre les contours.

C’est dans l’analyse de la compréhension et des perceptions que nous pouvons identifier des freins puis les leviers, bases nécessaires pour construire l’accompagnement vers la transformation.

Cet accompagnement s’appuiera sur deux volets principaux :

  • Un volet communication pour donner une juste visibilité au projet de transformation : « le pourquoi, le quoi, le comment », son état d’avancement, la valorisation des actions mises en œuvre, les résultats, les succès et les échecs (de façon constructive).
  • Un volet ressources humaines qui portera sur les mesures prises pour faire monter en puissance les compétences et sécuriser l’employabilité (formations, prises en compte des parcours professionnels). Ce volet permettra de sécuriser les acteurs internes, de redimensionner les ressources et d’anticiper les évolutions des métiers.

Ces deux volets coordonnés et pilotés en concertation et en partenariat avec le management et avec les instances représentatives du personnel ratifieront l’instauration d’un climat social apaisé qui permettra l’enclenchement des dynamiques nécessaires (individuelles et collective).

Quick wins vs long-terme

Dans nos systèmes historiques de gestion prévisionnelle, les choses évoluent aussi : La GPEC (Gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences) est devenue la GEPP (Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels) pour intégrer l’évolution des métiers et la gestion des parcours afin de préserver l’employabilité.

La Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels constitue une opportunité pour l’entreprise de structurer et de valoriser sa politique de gestion des Ressources Humaines quelle que soit sa taille.

Cette démarche favorise son adaptation à ce nouvel environnement, en réduisant l’écart entre ses besoins actuels et futurs en compétences. Elle peut ainsi anticiper les évolutions et changements de métiers, éléments indispensables à la performance et à la transformation.

D’autres freins très fréquents à une transformation sont les changements répétés de gouvernance, la non-prise en compte du long terme dans les projets, remplacés par de simples recherches de quick wins plus visibles. Ces plans d’action à très court terme entraînent de gains financiers à moyen terme, mais ne traitent qu’une partie des besoins et cachent souvent la crainte de voir grand, de penser « out of the box ». En pensant bien faire, certains vont commencer par chercher des actions rapides pour obtenir des gains imminents, qui, souvent non ordonnés dans le projet, n’aboutiront qu’à un rendu éphémère et risqueront de retarder, voire de paralyser la transformation attendue.

Dans le domaine managérial, nous assistons de même à des discordances internes entre les diverses directions qui cachent des autoprotections de périmètres et des peurs de pertes de statut ou encore de pouvoir/influence. Ceci entraîne un manque de motivation et de participation des managers et des salariés, et ces querelles de clocher nuisent à une bonne préparation et à un bon pilotage d’une mise à l’échelle, produisant des effets négatifs sur la transformation.

Au vu de ces problèmes de gouvernance et de management, la crainte des salariés de perdre leur emploi s’accentue avec la peur exacerbée du changement.

Concernant les métiers, il est judicieux de prévoir -avec les instances représentatives du personnel- des options de retour à l’emploi dans la société en cas de carve out, et d’organiser des plans de formation pour accompagner ces derniers à l’usage des nouveaux outils et des nouveaux processus avant leur mise en place.

Pour la filière informatique, il est nécessaire d’accompagner les équipes pour les acculturer au numérique, aux nouvelles plateformes et aux nouveaux métiers. Sans oublier d’accompagner les Directions dans la compréhension de ces nouvelles plateformes et de nouvelles technologies telles que le cloud, promoteur de valeurs pour l’entreprise. D’autant plus qu’un fossé se creuse entre les Directions et les dernières générations qui arrivent sur le marché du travail. Cela réclame aussi de former et d’accompagner les équipes sur les nouvelles organisations de développement et sur l’optimisation des ressources et des processus via la mise en place des outils d’agilité.

L’entreprise devra évoluer directement vers les nouvelles plateformes afin de progresser rapidement dans ce Nouveau Monde. Ceci sera simplifié grâce aux équipes qui auront été formées aux nouveaux outils ad hoc et aux nouveaux processus de développement agiles.

L’urgence du leadership bienveillant, de la confiance et de la responsabilisation

La nécessité d’adéquation aux règles de conformité (IFRS, ACPR, RGPD, ISO, AFNOR…) représente aussi un levier important et une opportunité pour repenser les processus et les transformer.

Côté salarié, une revisite des missions et des fiches de poste permettront de rendre l’entreprise apprenante et de positionner les bonnes ressources et les bonnes compétences au bon moment au bon endroit.

La Direction doit faire de la transformation numérique l’un des socles de sa culture d’entreprise, et en exposer une vision claire. Les dirigeants incarnent et portent cette transformation. Et le middle management assume aussi un rôle de levier dans la transformation culturelle et organisationnelle de l’entreprise. Un leadership bienveillant s’impose pour faire évoluer les processus internes (la génération entrant dans le marché du travail est très engagée sur les défis environnementaux des prochaines décennies et sur leur environnement de travail avec des priorités qui diffèrent des managers d’aujourd’hui), en faisant participer les équipes aux divers projets tout en gardant à l’esprit que ce sont des missions à part entière et donc ajoutant une charge certaine. Tout ceci évitera le « management par la terreur » qui apparaît lorsque les managers perdent le contrôle de ces transformations.

Il faut remettre les collaborateurs en confiance, leur donner envie, partager l’information à tous les niveaux (et éviter les filières hiérarchiques descendantes), pousser les collaborateurs à se responsabiliser sur leurs tâches et missions, ne pas hésiter à révolutionner les modes de travail pour être en accord avec le nouveau parcours. Sans toutefois mettre en place une holocratie, les managers doivent apprendre à gérer leurs équipes en les laissant accéder à toutes les informations nécessaires (et ne plus faire du descendant -voir de la rétention-, ce qui est aussi un gain de temps pour le manager). En laissant tout collaborateur proposer des idées, ces managers doivent aussi dégager de leur temps pour aller avec leurs équipes sur l’opérationnel pour mieux appréhender en amont les besoins de transformation et en aval l’adéquation des nouveaux outils aux besoins. Dans ce contexte, il faut expliquer le pourquoi des décisions en précisant les choix et leurs raisons.

Il est crucial d’assurer un environnement où les hommes et les femmes sont compris, valorisés, honorés et entendus. En participant activement à cette transformation, ils adhèrent à l’idée et en comprennent le sens. Il faut encourager l’authenticité, l’émancipation, le partage, qui en feront des garants de cette transformation.

Savoir raconter l’histoire de la transformation

Une transformation numérique est une opportunité formidable pour former les salariés aux nouvelles technologies, au cloud, aux nouveaux outils et aux nouvelles méthodes. Cela permet plus que jamais de faire adhérer les salariés à des projets d’entreprise et d’entraîner de forts mouvements de montée en compétence et d’évolutions en interne. Certaines personnes entrent dans une entreprise pour y faire carrière, il est plus que nécessaire de préserver leur employabilité par des formations et des acculturations.

Nous pouvons affirmer qu’une transformation numérique est réussie lorsque l’entreprise parvient à donner suffisamment confiance à ses salariés en les amenant à se responsabiliser avec les nouveaux outils et enjeux. « Réussie » ne signifie pas pour autant « Terminée », car nous sommes de plus en plus sur ces cibles mouvantes dont les objectifs évoluent dans des délais de plus en plus courts.

Une bonne transformation attend un bon pilotage et de bons indicateurs, sans parvenir à une bureaucratie excessive pour ne pas limiter le potentiel des acteurs concernés. Il faut mettre en place une gouvernance adaptée au projet, avec des outils simples et efficaces pour diffuser et partager l’information avec les indicateurs adéquats.

Enfin et surtout, il faut savoir vendre et raconter l’histoire de sa transformation avec les enjeux et la cible promise (assez agile pour évoluer). Ce marketing interne et cette communication doivent être des actions en continu sur toute la durée de la transformation.

En conclusion : « le plus grand obstacle à la réussite est l’autocensure »

Le numérique transforme nos modes de vie et apporte de fait de très grandes opportunités pour les entreprises et ses salariés. Il est essentiel que ces évolutions s’intègrent le plus naturellement possible dans l’existant pour être productrices de valeur.

Elles ne doivent pas être bloquées par des décalages de perception, des logiques et des processus de décisions d’un autre temps : c’est la raison pour laquelle, les décideurs ont un rôle important à jouer. Ils doivent être les premiers acteurs et porteurs de cette transformation dans les organisations et tenir compte du tissu social de celles-ci.

Certes, les principaux gains d’une transformation sont financiers : réduction des coûts récurrents, abandon des vieilles méthodes de travail, mise en place de nouveaux processus optimisés et sécurisés répondant aux normes ad hoc qui de plus seront pensés adaptatifs et évolutifs.

Néanmoins, une transformation numérique est aussi une grande opportunité de rapprocher les équipes, de motiver et de fédérer tous les niveaux de management, de créer une agilité dans l’organisation (non plus verticale, mais transverse), d’insuffler de l’innovation et d’ouvrir de nouveaux marchés.

Enfin, toutes ces étapes de transformation permettront de reprendre la main sur le patrimoine applicatif de l’entreprise et sur ses données. Cela permettra de sécuriser ces données, de mettre en place des référentiels et de nouveaux outils pour analyser ces dernières. Ces analyses de données permettront à l’entreprise d’être plus efficiente dans ses actions commerciales et de survivre dans un environnement de plus en plus concurrentiel.

Comme le dit très justement l’astronaute français Thomas Pesquet : « Le plus grand obstacle à la réussite est l’autocensure ».

Au regard de mon expérience, j’ajoute que le déni de l’importance des impacts sociologiques et sociaux est aussi un frein majeur à la réussite d’une transformation.

Cependant, et pour conclure, à ce jour, nous disposons de tout ce qui est nécessaire (organisation, outils…) pour passer d’une ambition à un succès lors de nos transformations numériques.