Armor-Lux et GDF Suez : le numérique au cœur du débat

Armor-Lux et GDF Suez : le numérique au cœur du débat

Arnaud Montebourg, en marinière Armor-lux, en une du « Parisien Magazine » du 19 septembre : « Achetez français ! » (P. GARCIA/LE PARISIEN)

La Bonneterie d’Armor (marque Armor-Lux) perd le marché de l’habillement de la Police Nationale. Au bénéfice d’autres PME françaises du textile. Mais n’est-ce pas l’offre « logistique de masse » de GDF-Suez qui aurait fait la différence ?

Certes, la société quimpéroise Armor-Lux (*) vient de perdre le marché de l’habillement des 125 000 policiers nationaux. Soit un contrat qui s’envole pour l’industriel breton d’un montant de 85 millions d’euros réparti sur quatre ans… 40 emplois en CDD seraient menacés. Mais ceci au bénéfice de qui ? Notamment du groupe textile Marck (marques La Calaisienne, Balsan…), une autre PME française de 500 personnes née en 1850…

Là ne serait donc pas le « hic ». Une multitude de PME sera valorisée sur tout le territoire français, comme le détaille Laurent Marck, le directeur général du groupe, à nos confrères du Journal des Entreprises. Des créations de postes pourraient même suivre… dans ses usines d’Isère ou du Pas-de-Calais.

Alors, où est le problème ? L’indignation viendrait surtout de la présence d’un géant comme GDF Suez dans le consortium vainqueur, via sa filiale Ineo Support Global.

Sur ce point, Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, a réagi, allant même jusqu’à déclarer hier matin sur RTL que « c’est mieux de s’entraider que d’écraser les autres ». La confusion est telle que GDF Suez se dit prêt à faire un geste pour les perdants.

Le groupe indique que Gérard Mestrallet, PDG, a demandé à ses équipes « d’étudier, dès que la procédure le permettra, une possible collaboration avec ces entreprises ». Qui dit d’ailleurs que son groupe n’aurait pas demandé, il y a quelques mois, à Armor-Lux de participer à leur consortium ?

Un acteur majeur de l’externalisation dans la Défense
Mais, à juste titre, on peut se demander que vient faire GDF Suez dans l’habillement ? Cofely Ineo, « qui n’y connaît rien en matière d’uniforme ou même d’habillement », comme le rappelle Le Canard Enchaîné, dispose d’un autre savoir-faire, tout aussi important dans ce marché et que l’on aurait tendance à oublier : la logistique !

Le groupe, depuis plusieurs années, réfléchit aux problématiques de la « ville de demain », autour notamment de la gestion des flux. Et propose des solutions logistiques innovantes, sur de très gros volumes, à travers la création de plates-formes opérationnelles numériques. Sa filiale Ineo Support Global (ex-Ineo Orrma), filiale elle-même de Cofely Ineo, s’est ainsi positionnée depuis sa création en 2004 sur de grands marchés d’externalisation logistique, notamment pour le militaire.

C’est ainsi que, pour la décennie à venir, la Simmt (Structure Intégrée du Maintien en condition opérationnelle du Matériel Terrestre) lui a confié, l’an dernier, la prestation de service global d’approvisionnement et de distribution de trois familles de pièces de rechanges (pneumatiques, piles et batteries). Un marché d’une valeur de 300 millions d’euros gagné face au groupe Nexter…

Ce contrat a fait suite à beaucoup d’autres avec l’Etat Français, comme l’approvisionnement de pièces de rechanges de matériels aéronautiques pour la Défense.

Maître-mot d’un tel savoir-faire : le numérique, avec une chaîne globale capable d’approvisionner n’importe quelle pièce de rechange pour l’Armée française (objet de ces différents marchés) dans n’importe quel endroit du monde selon le niveau d’urgence requis… C’est donc bien cette compétence de gestion d’une « chaîne logistique de masse » que le consortium gagnant s’est assurée en intégrant l’offre du groupe GDF Suez… (plus connu pour ses activités énergétiques certes).

Un recours demain en justice ?
Les « perdants » du contrat Externalisation de la Fonction Habillement de la Défense ont jusqu’au 20 avril inclus pour effectuer un recours devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris. C’est ce que l’entreprise quimpéroise compterait faire dès ce vendredi pour contester le bien-fondé de la décision…

Pour autant, Armor-Lux aurait déjà pris ses dispositions en prévision de la fin de ce marché. Ainsi, son PDG, Jean-Guy Le Floch, déclare à l’AFP : « Nous avions largement anticipé ce risque. Donc, on a mis en chantier trois très grands magasins qui vont ouvrir à l’été, à Guérande, en Loire-Atlantique ; Plaisir dans les Yvelines et Vitré en Ille-et-Vilaine. Ces magasins vont très largement pallier les pertes ».

De son côté, Natacha Boucharat, la sénatrice-maire UMP de Calais, a déploré hier dans un communiqué les déclarations du ministre Arnaud Montebourg. « La règle des marchés publics doit s’appliquer à tous »…

 

(*) La direction d’Armor-Lux, contactée jeudi, n’a pas souhaité répondre.