Arnaud Dupuis de Genymobile – Internet des objets : Acte 2

Arnaud Dupuis de Genymobile - Internet des objets : Acte 2

Arnaud Dupuis, Co-fondateur et COO de Genymobile

Dernièrement, les articles de presse se multiplient sur les Big Data. S’ils soulignent leurs apports (connaissance client, lutte contre la fraude, optimisation des systèmes de santé publique, etc.), ils oublient souvent de préciser que la plupart des données sont générées par des machines – le fameux « Internet des objets ». Cette partie immergée de l’iceberg véhicule pourtant un énorme potentiel pour les entreprises. Les chiffres mis en avant par Ericsson et Cisco en 2012 (50 milliards d’objets connectés à Internet d’ici 2020)[1], viennent d’être actualisés par l’Idate qui évoque désormais plus de 80 milliards d’objets connectés en 2020[2].

La publication récente des chiffres sur la pénétration des mobiles en France (évaluée à 115%[3]) confirme cette tendance : 75,5 millions de cartes SIM sont aujourd’hui actives dans le pays, soit en moyenne 1,2 cartes SIM par habitants ! Parmi elles, on estime déjà à 6,6 millions le nombre de carte SIM dédiées à la communication de machine à machine (soit une croissance annuelle de près de 30%).

Dans ce contexte, une annonce récente de Google[4] traduit clairement la volonté du géant américain de se positionner massivement sur ce marché. Dans un texte destiné aux développeurs, Google explique notamment que la nouvelle version d’Android (« KitKat » ou Android 4.4) améliore considérablement la consommation électrique des dispositifs qui en sont équipés. Google détaille nombre d’améliorations techniques allant dans ce sens (démocratisation de l’utilisation de C++ consommant moins de ressources que Java, amélioration significative du calcul  distribué, nouveaux profils Bluetooth HOGP permettant des liaisons à latences faible et en utilisant très peu d’énergie, Audio tunneling to DSP, etc.).

On rapprochera ceci avec d’autres informations concernant les Google Glasses et la Nexus Gem D’une part, le principal retour des « Glass Explorers » (c’est-à-dire les personnes mandatées par Google pour tester ses lunettes connectées et, surtout, inventer de nouveaux usages) pointe la très faible durée d’utilisation des lunettes (30 minutes en pleine activité, contre 4 heures pour les offres concurrentes). D’autre part, Google a annoncé récemment que sa montre aurait une autonomie d’une semaine (chiffre à rapprocher de la durée d’utilisation des offres concurrentes qui varient de 8 heures à 3 à 4 jours en moyenne).  Cette montre embarquera, selon les rumeurs, Google Now ; or ce système était réputé jusqu’alors comme un gros consommateur de ressources.

Avec l’énorme travail d’optimisation réalisé dans KitKat, Android peut désormais fonctionner avec 512 Mo de mémoire, contre le double auparavant. De plus, le système d’exploitation embarque « Blue Droid », une version optimisée de Bluetooth. On comprend  pourquoi Google a acquis cette année Flexicore, le spécialiste français de l’optimisation d’Android, notamment dans les environnements embarqués : il cherche à limiter l’impact de son système d’exploitation sur la consommation de ressources de calcul et donc la batterie.

Toutes ces annonces traduisent l’intérêt croissant de Google pour l’Internet des objets. Mais en corollaire, elles donnent également quelques pistes sur sa stratégie vis-à-vis des pays émergeants. Car au-delà de son intérêt pour les technologies M2M (machine to machine), la disponibilité de smartphones low-cost lui permettrait d’écouler ses services dans les pays à faible pouvoir d’achat. Clairement, les marchés émergeants sont devenus une cible de choix en matière de mobilité. Google a réalisé d’autres annonces, comme par exemple le ChromeBook à 200 dollars[5] ou le déploiement de ballons dirigeables pour offrir des connexions wifi à l’Afrique[6]. Et d’autres acteurs lorgnent le même marché, Facebook ayant par exemple annoncé récemment un programme de financement d’une heure de connexion gratuite à Taiwan[7].

Les projets liés à l’Internet des objets et à l’équipement des pays émergeants ont pour dénominateur commun l’optimisation d’Android dont nous parlions plus haut. On imagine ainsi aisément les bénéfices de leur mutualisation pour Google. De plus, avec sa politique open source (Android est distribué gratuitement), Google cherche à susciter le développement de nouveaux usages qui rendront bientôt Android incontournable.

Avec de telles perspectives et des niveaux d’investissements élevés, il ne fait aucun doute aujourd’hui que Google se lance dans la course à l’armement. L’Internet des objets ne se résume pas aux quelques toasters, pèse-personnes ou mobiliers urbains connectés déjà apparus. En réalité, nous n’avons encore rien vu. Avec une locomotive comme Google, les perspectives de développement sont immenses. Internet va désormais s’inviter dans les objets qui nous paraissaient il y a peu improbables : des cintres[8] ou des vêtements par exemple[9]. Tout reste à inventer. 




[1] http://www.ericsson.com/res/docs/whitepapers/wp-50-billions.pdf

[2] http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/tech-medias/actu/0203092339950-l-internet-des-objets-big-bang-annonce-626036.php

[3] http://www.01net.com/editorial/607466/le-taux-de-penetration-des-mobiles-atteint-115-pour-cent-en-france/ 

[5] http://jeunemanager.org/hightech-google-annonce-le-chromebook-11-a-environ-200-euros/

[8] http://obsession.nouvelobs.com/high-tech/20130806.OBS2397/culotte-vibrante-et-manteau-facebook-un-pret-a-porter-ultra-connecte.html

 

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