BlackBerry mise sur l’IoT professionnel

Après avoir arrêté la production de terminaux mobiles en 2016, BlackBerry, le groupe canadien (ex-RIM) voit désormais son avenir dans la sécurité des personnes et l’IoT.

John Chen, PDG de BlackBerry, et Justin Trudeau, Premier ministre canadien, lors de l’inauguration du centre de recherche du groupe dédié aux véhicules sans conducteur, à Ottawa (Canada), fin 2016.

John Chen, PDG de BlackBerry, et Justin Trudeau, Premier ministre canadien, lors de l’inauguration du centre de recherche du groupe dédié aux véhicules sans conducteur, à Ottawa (Canada), fin 2016.

L’iPhone, né en 2007, aura eu raison de BlackBerry. A tel point que le champion canadien du début des années 2000 en a oublié définitivement le hardware* mi-2016, pour se recentrer sur les logiciels et services pour le marché BtoB.

Un tournant radical initié en 2013, année où les pertes étaient colossales, marquée par un lourd plan de licenciements et l’arrivée d’un nouveau PDG, John Chen.

Ainsi, dans un communiqué récent, l’entreprise annonce être en route « pour atteindre 30 % de croissance dans les revenus liés au logiciel et aux services pour l’année fiscale» et visé la profitabilité pour 2017. « Nous affichons 14 trimestres positifs et avons dégagé notre plus haute marge opérationnelle sur ces cinq dernières années, ajoute Florian Bienvenu, senior vice-président EMEA de BlackBerry.

En parallèle, ces trois dernières années, pour se renforcer dans le software, BlackBerry a racheté sept sociétés pour plus de 1 milliard de dollars. Toutes sont spécialisées dans le logiciel et la transmission de données sécurisées (six dans le logiciel sécurité et une dans la cyber-sécurité). Qu’il s’agisse de WatchDox, atHoc, SecuSmart, Good Technology (applications Android)…

CARNET Iot « Maintenant, nous disposons d’une plate-forme de base unique, BlackBerry Secure, pour gérer tous types de terminaux, sur laquelle s’adjoignent ces briques additionnelles comme la sécurisation des communications, des documents ou des personnes… On y cumule 2 500 briques différentes. Notre proposition de valeur est simple, poursuit Florian Bienvenu, il s’agit de sécuriser en apportant de la valeur à l’utilisateur final dans l’entreprise ou au citoyen ». Le groupe compte des clients dans des secteurs professionnels très différents, comme le secteur public (villes, Etats…), la banque, la santé, la logistique et l’automobile.

Pour autant, il n’est pas seul sur le marché des solutions BtoB pour sécuriser un écosystème mobile. Samsung, avec sa solution Knox, vient par exemple de le détrôner sur ses terres. Le fabricant sud-coréen va devenir le premier fournisseur de cellulaires embarquant Android approuvé par les autorités pour les employés fédéraux canadiens.

Le marché émergent des véhicules autonomes

Toutefois, le groupe en encore quelques cordes technologiques à son arc, qu’il compte bien déployer dans un domaine en pleine croissance, l’IoT. « Nous souhaitons élargir notre offre de gestion des terminaux à tous les objets connectés dans l’entreprise, qui sont capables de récolter de la donnée », précise Florian Bienvenu.

La première solution qu’il propose est sa plate-forme multimédias QNX (acquise en 2010), un OS embarqué en temps réel déployé aujourd’hui dans 65 millions de véhicules. Il y a un an, le groupe a inauguré un centre de recherche dédié aux véhicules sans conducteur près d’Ottawa au Canada, fort de plus de 400 ingénieurs, et a annoncé un investissement de 100 millions de dollars en R&D. Son idée ? Proposer l’architecture software de référence des logiciels embarqués des véhicules autonomes. Un domaine sur lequel il a aujourd’hui engagé des partenariats poussés avec Ford, Delphi ou encore Jaguar.

La deuxième offre technologique sur laquelle il compte s’appuyer s’appelle Radar, une solution de sécurisation des conteneurs dédié aux compagnies de transport (boîtier GPS traçant tous types d’indicateurs). « Elle s’adresse aux transporteurs évidemment, mais elle peut aussi répondre à d’autres besoins dans ce secteur, notamment logistiques ». Le groupe souhaite également regarder du côté de la santé, un secteur dans lequel beaucoup de données circulent entre différents acteurs.

Mais, là encore, le canadien n’est pas seul. Il a face à lui des groupes comme Google, Apple, Intel ou IBM… Soit des géants déjà très actifs. Intel a racheté pour plus de 15 milliards de dollars, au printemps dernier, Mobileye, une société israélienne dans les capteurs et logiciels pour voitures intelligentes… Sans oublier l’arrivée mi-2016 chez Apple du fondateur et ex-PDG de QNX, Dan Dodge, auprès de Bob Mansfield, celui qui a supervisé le lancement de l’Apple Watch…

BlackBerry annonce enfin lancer une activité de conseil (BlackBerry Cybersecurity Consulting) pour les entreprises et les administrations. En cela, les mises en conformité notamment autour du RGPD (règlement général sur la protection des données) sont une aubaine, comme toutes les questions de sécurité liées à l’IoT (dont la voiture connectée). D’un autre côté, il regarderait aussi vers l’Etat Français, qui cherche à remplacer définitivement l’application SAIP lancée par le ministère de l’Intérieur… Face à de multiples défaillances, le Système d’alerte attentat devrait être revu, indiquait cet été un rapport du le sénateur Les Républicains de la Sarthe Jean-Pierre Vogel.

* Le groupe délègue la production et la commercialisation de ses smartphones (sous marque BlackBerry) à des partenaires tiers : TCL pour l’international ; BB Murah Putih pour l’Indonésie ; et Optiemus Infracom pour l’Inde et les pays environnants. Le groupe vient également de signer un quatrième accord de licence avec Timex, un horloger américain. De quoi s’attendre à l’arrivée sur le marché d’une « smartwatch » haut de gamme, ultra-connectée et, surtout, sécurisée ?

Quelques repères

  • Chiffre d’affaires : 238 millions de dollars pour le trimestre clos le 31 août 2017.
  • Bénéfice net : 19 millions de dollars.
  • Activités logiciels et services : + 34 % sur un an.
  • BlackBerry dispose par ailleurs de 2,5 milliards de dollars en cash et sa capitalisation boursière vient de dépasser les 6 milliards de dollars (en 2008, elle atteignait quasiment les 80 milliards).

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