Calcul quantique : la face cachée du coût énergétique

 

Alors que le quantique nourrit espoirs industriels et ambitions nationales, les chercheurs rappellent l’ampleur des inconnues. Entre promesses difficilement étayées, pressions liées au financement et communication parfois excessive, la technologie reste loin des certitudes affichées.

 

Devrions-nous abaisser la voilure quantique ? “Le calcul quantique est très balbutiant pour l’instant, nous ne savons pas si cette technologie va marcher ou si l’ordinateur quantique existera”, a révélé Bruno Gayral, chercheur en nanophysique au CEA. Un discours réaliste, en opposition directe avec l’optimisme entourant cette technologie de rupture. Cet espoir est aussi présent du côté gouvernemental. “La science n’est pas neutre, elle est située politiquement, par rapport aux financements.” La BPI, par ses financements, énonce des priorités étatiques qui font abstraction de cette incertitude, telle une fuite en avant avec, en arrière-plan, la course contre la Chine et les États-Unis.

 

Une technologie prometteuse

 

Une puissance de calcul démultipliée… Ces simples mots provoquent l’espoir de plusieurs industries mais la détresse des chercheurs. “Il est demandé aux chercheurs de prédire des impacts sociétaux ou environnementaux quand on écrit des projets de recherche”, a continué Bruno Gayral. “Pourtant, nous ne pouvons pas toujours les étayer scientifiquement, c’est problématique.” Ces prédictions aux doigts mouillés faussent l’éthique scientifique. Du côté des startups comme des médias, la communication de promesses scientifiques dépasse parfois la faisabilité. Le chercheur, formé à la rigueur scientifique, dénonce un curseur moral orienté vers la recherche de financements. “Nous sommes incités à raconter des bobards, ce n’est pas très confortable”, admet-il aisément.

 

L’efficacité énergétique, un vœu pieux ?

 

Comme d’autres technologies auparavant, le quantique pourrait décevoir. “Il y a plusieurs dizaines d’années, la supraconductivité des transports, transporter de l’électricité sans perte, était un sujet très populaire. Aujourd’hui, nous savons que cela ne fonctionne pas”, pointe Bruno Gayral. Parmi les promesses du calcul quantique : une consommation d’énergie amoindrie. Pourtant, celle-ci n’est pas garantie, puisqu’elle dépend notamment de tout l’écosystème nécessaire à la correction d’erreurs ou encore des technologies nécessaires au refroidissement des serveurs, connues pour être très énergivores.

 

Un effet rebond non négligeable

 

À ces premières préoccupations s’ajoutent aussi le risque d’effet rebond. Les économies d’énergie prévues par l’utilisation du quantique peuvent être partiellement ou complètement compensées par la création de nouveaux usages. Ainsi, le couplage nécessaire de l’ordinateur quantique à des supercalculateurs classiques “continuera la course à la puissance calculatoire”, prédit le chercheur du CEA. Impossible alors de qualifier décemment le quantique de technologie verte, ni même de garantir les prouesses technologiques qui lui sont déjà prêtées.