Ce n’est pas la conformité qui vous protège, c’est la cybersécurité

 

La conformité rassure. Si elle occupe encore bien souvent la place du bouclier dans les entreprises, c’est parce qu’elle cadre, elle structure et permet de cocher des obligations visibles. Mais le paradoxe est évident : aucune grille d’audit ne peut empêcher une attaque. La conformité garantit certes que les règles ont été suivies, mais pas que le système d’information (SI) pourra encaisser une intrusion. L’illusion est fréquente.

 

Une organisation peut ainsi afficher une façade impeccable et passer malgré tout à côté de l’essentiel : détecter une anomalie, reconnaître un comportement inhabituel ou comprendre qu’un compte ne réagit plus comme il devrait. L’apparence ne protège pas. Une infrastructure vulnérable le restera, même si tout semble en ordre sur le papier. À l’inverse, une structure bien armée, capable de repérer, bloquer et réagir, se rapproche mécaniquement de la conformité sans même penser réglementation. La protection précède la règle, jamais l’inverse. Les chiffres le rappellent avec force : 47% des entreprises européennes ont subi au moins une cyberattaque réussie en 2024, selon le baromètre du CESIN. Dans ces moments-là, la conformité ne constitue pas une défense. Ce qui protège réellement, ce sont les capacités techniques de supervision, détection, remédiation… Ce sont elles qui permettent de comprendre ce qui se passe, pas les cases cochées sur un formulaire.

Cela ne signifie pas que la conformité ne sert à rien. Elle reste indispensable pour structurer les pratiques, éviter certaines dérives et clarifier les responsabilités. Le Cyber Resilience Act, par exemple, rappelle que même les produits numériques destinés au grand public devront répondre à des exigences de sécurité. Mais la conformité ne remplace jamais la cybersécurité, puisqu’elle en dépend. Toute démarche sérieuse commence ainsi par un socle technique solide. Sans lui, les obligations restent théoriques. Avec lui, elles deviennent lisibles et surtout utiles.

 

Un cadre réglementaire dense et complexe, mais fondé sur le même socle cyber

 

Pour une PME, le paysage réglementaire peut paraître complexe et pour le moins insondable. NIS2, DORA, AI Act, Cloud Act, Cyber Resilience Act… Les textes arrivent successivement, se chevauchent parfois dans l’exécution, chacun avec ses obligations et ses implications. Et très vite, les mêmes questions surgissent : où sont les priorités, par quoi commencer, quels sont les risques encourus ? Tout cela au milieu d’un quotidien déjà tendu où la moindre alerte doit être traitée sans délai. Contrairement à une idée reçue, le problème n’est pas l’accès à l’information, car les guides existent, les experts aussi, sans oublier l’assistance (ANSSI, Cybermalveillance.gouv.fr, etc.). Le vrai défi est ailleurs : comprendre, assimiler et calquer ces exigences à la réalité de son SI. Chaque texte expose ses propres règles, mais aucun ne dit comment une structure, parfois dotée de quelques personnes pour gérer la sécurité informatique, doit les orchestrer dans la pratique.

La bonne nouvelle, c’est que cette complexité repose en fait sur un socle commun : savoir qui accède à quoi, repérer les comportements qui ne ressemblent pas à la norme, corriger ce qui est vulnérable, conserver des traces fiables et disposer d’une réaction crédible lorsqu’un incident se produit. Le vocabulaire change, mais les fondations restent souvent identiques. Cette convergence n’a rien d’un hasard car le contexte géopolitique a intensifié la pression sur toute la chaîne économique. Les groupes alignés sur les intérêts des États comme Lazarus ciblent des secteurs stratégiques, et leurs attaques ne s’arrêtent jamais aux grandes entreprises. Elles touchent aussi les PME qui fabriquent des composants, développent des briques logicielles, interviennent sur des drones, des capteurs, des dispositifs en lien avec la Défense ou l’Energie. Une petite structure peut devenir, sans le vouloir, l’entrée la plus simple vers un acteur critique. Dans ce contexte, la réglementation change de visage pour les PME qui disposent d’un socle technique robuste. Les textes ne sont plus un labyrinthe, mais une série d’exigences déjà couvertes par les outils et les pratiques du quotidien. Le travail réglementaire n’est plus un chantier à part : il vient simplement compléter ce que l’entreprise fait déjà pour se protéger.

 

La cohérence, le maître mot des PME pour tenir dans la durée

 

Ce qui change la donne, c’est l’accès aux technologies pour les PME. Supervision continue, détection comportementale ou services managés de type MDR ne sont plus réservés aux grandes structures. Ces outils offrent de nombreux avantages dont la protection avancée évidemment, mais aussi la capacité de se doter d’une lecture instantanée du SI, sans oublier de profiter d’un modèle économique clair, sans options cachées ni surprises budgétaires. Pour des organisations qui avancent avec des moyens limités, cette simplicité compte autant que la performance. Il s’agit donc de remettre de la cohérence dans des environnements qui en manquaient. Une sécurité capable de regrouper ses fonctions, de parler un langage unique et de proposer une vision lisible du parc redonne aux PME la capacité de comprendre leur exposition réelle. Cette cohérence devient la base d’un socle technique qui permet enfin d’aborder les obligations réglementaires sans craindre de se perdre en chemin.

La fragmentation des outils n’a pas disparu, mais ne doit plus être le cœur du sujet. Le vrai défi consiste à rassembler ce qui existe déjà, à clarifier puis alléger et transformer une accumulation d’outils en un ensemble compréhensible. Avec cette cohérence retrouvée, la conformité n’apparaît plus comme une contrainte. Elle devient la suite logique d’une sécurité bien construite, capable d’absorber les textes d’aujourd’hui comme ceux qui arriveront demain.

 

par Benoit Grünemwald, expert cyber chez ESET