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Cécile Brosset (Hub BpiFrance) : « Nous sommes l’entremetteur qui va permettre d’accélérer les partenariats »

Cette année, le Hub Bpifrance est l’un des grands partenaires du prix Alliancy, qui valorisera, pour la quatrième fois le 20 juin prochain, les collaborations d’entreprises les plus prometteuses entre acteurs traditionnels et acteurs du numérique. L’occasion de rencontrer Cécile Brosset, la directrice du Hub Bpifrance, une offre qui décloisonne l’innovation et fait croître grands groupes, ETI et start-up ; et dotée d’un accélérateur de start-up en hyper-croissance.

Cécile Brosset, directrice du Hub bpifrance

Cécile Brosset, directrice du Hub bpifrance

Alliancy, le mag. Vous êtes aux manettes du Hub Bpifrance depuis son démarrage en avril 2015. Pouvez-vous nous rappeler la genèse de cette structure ?

Cécile Brosset. Tout a commencé à la création de Bpifrance en 2012 au sein de la direction de l’Innovation, dirigée par Paul-François Fournier, et autour de sa vision très globale sur ce que l’on appelle aujourd’hui la French Tech, c’est-à-dire le développement des start-up et des outils de financement de Bpifrance adaptés à leurs besoins. Très vite, nous nous sommes rendu compte que ce nouveau vivier de jeunes entreprises innovantes ne communiquait que peu avec l’écosystème des grands groupes et inversement. Le Hub est né pour devenir cette plateforme de connexion entre innovation et entreprises traditionnelles, pour décloisonner ces deux mondes et créer des ponts.

C’est-à-dire ?

L’innovation est partout dans l’organisation, la culture, la technologie, les usages. L’écosystème des start-up en France et à l’international est de plus en plus riche et toujours en mouvement, il impose à l’économie un nouveau rythme et casse les frontières. La plupart des grands groupes n’ont pas encore pu – ou su – faire leur transformation digitale et se font rattraper.

Quelle est l’offre du Hub ?

Elle est très précise ! Le Hub vise à rapprocher grands groupes et innovation. Il s’agit d’une offre de services à destination des grands groupes, nous ne faisons pas de conseil en stratégie. Nous faisons du « sourcing » de sociétés, nous sommes l’entremetteur qui va leur permettre d’accélérer les partenariats. Nous avons un outil et une équipe dédiés au screening… Nous accompagnons leur vision stratégique pour les aider à trouver dans notre écosystème de start-up les meilleures opportunités possibles afin de créer des mises en relation à valeur ajoutée, des partenariats de business et capter un maximum de croissance.

Un premier bilan ?

Le bilan que j’en tire aujourd’hui, bien que limité car nous n’avons qu’un an de recul, est très encourageant. Actuellement, nous travaillons avec une trentaine de clients et en entrons environ cinq nouveaux chaque mois… Ce sont des grands groupes et des ETI qui s’ouvrent sur l’innovation. Notre objectif à terme est de travailler avec les 120 du SBF et, plus tard, d’élargir cette cible via une plateforme de services ouverte. Nous disposons également d’un vivier de 35 000 sociétés innovantes et d’un outil de screening très performant.

Des secteurs d’activité se détachent-ils ?

Quasiment tous sont actifs, mais c’est vrai qu’en ce moment, le secteur de la banque-assurances est très dynamique, comme celui de l’immobilier (foncier, construction, hôtellerie…), actif autant sur des aspects d’efficacité énergétique que sur les écotechnologies… L’automobile et la chimie aussi sont très mobilisées.

Concrètement, vous procédez comment ?

Durant le premier mois de recherche par exemple, on va proposer au grand groupe quatre sociétés ciblées. Si l’une d’elles les intéresse, nous organisons et participons à la rencontre avec l’entrepreneur. C’est nous qui « pitchons » la stratégie. Si nous nous apercevons d’un delta entre l’offre et la demande, nous réajustons… C’est aussi notre rôle de couper court si ça ne marche pas, comme celui d’appuyer si on voit que le rythme n’est pas là dans la relation qui se met en place. Nous accélérons le processus si besoin en tant qu’accompagnateur de ces relations. Notre engagement vis-à-vis des grands groupes ou des ETI dure un an. Cette relation de confiance nous permet de leur apporter un maximum de savoir-faire afin d’obtenir un maximum de débouchés pour tous.

Et ça fonctionne en général ?

Tout dépend de leur organisation interne. Le grand groupe est-il vraiment prêt, c’est cela la question. Par exemple, on a vu des groupes se lancer très vite dans l‘aventure mais sans aucun débouché. D’autres ont pris davantage leur temps et un « partenariat » a été signé… Et c’est déjà très bien. Il faut avoir en tête que ces trois dernières années, Google a réalisé pas moins de 70 acquisitions, quand tout le SBF 120 n’en a fait que 30.

Qu’entendez-vous par « partenariat » ?

C’est un terme générique, qui veut dire un partenariat commercial, une prise de participation ou une acquisition… Ce qui est important, c’est que la décision de structuration de la relation soit cohérente avec la stratégie d’alliances. Au départ, le grand groupe identifie où l’activité de la start-up se place par rapport à son métier, sa chaîne de valeur (complémentaire ou disruptive) ; ensuite, il s’agit de prendre des parts et de regarder ce qui se passe ; enfin et plus tard, le groupe décidera d’investir plus lourdement via un fonds privé pour garder une veille sur un secteur donné… Tout est possible, mais cela se pense à l’avance.

Il faut un objectif tout simplement…

Tout à fait. Et l’on voit deux façons pour les groupes d’avancer. Soit ils travaillent leur culture d’entreprise pour faire évoluer leur culture interne ; soit ils veulent créer de la valeur en se connectant à un écosystème de start-up pour accélérer… Pour autant, les deux sont nécessaires. On avance sur la deuxième strate à partir du moment où l’ensemble de l’entreprise est déjà embarquée. D’où l’organisation au Hub de nombreux événements pour que le plus grand nombre s’empare de cette nouvelle culture. Par exemple, les Café Connect, à destination des grands groupes, permettent à des experts, d’intervenir en master class sur des sujets transverses autour de la relation grands groupes/start-up, comme le corporate venture, les politiques d’achats auprès des jeunes pousses, le droit au risque…

Comment est vu le « droit au risque » aujourd’hui ?

La difficulté est d’en faire quelque chose de systémique. La prise de risque doit devenir intrinsèque à la stratégie, via une succession d’acquisitions ou de partenariats… A ce moment-là, tout devient vertueux. Vous êtes repérés en tant que groupe innovant, capable de prendre des risques, vous attirez les talents, les start-up courent à vous…

En parallèle, vous incubez des start-up : 11 en 2015, 40 cette année…

Les 11 start-up accompagnées en 2015 ont levé 90 millions d’euros, réalisé une croissance moyenne sur l’année de 178 % et créé plus de 50 emplois. Les 40 nouvelles start-up du Hub sélectionnées il y a quelques semaines promettent d’autres belles aventures… D’ailleurs, ce ne sont plus vraiment des start-up, ce sont plutôt des « scale-up ». C’est-à-dire que ces sociétés ont déjà fait la preuve de leur capacité à fournir un produit ou un service à une première clientèle. En fait, notre job est de les pousser pour qu’elles arrivent à se développer commercialement en France et à l’international. Ces 40, qui évoluent dans des secteurs très variés, affichent en moyenne 2 millions d’euros de chiffre d’affaires et ont levé entre 1 et 20 millions d’euros.

Comment est réalisée cette sélection ?

Suite à l’appel à candidatures, nous avons reçu plus d’une centaine de dossiers. Nous en avons sélectionné 20. Les 20 autres sont des bénéficiaires du Pass French Tech, sur les 60 labellisées ces deux dernières années.

Et là, quelle est votre proposition de valeur ?

Nous faisons le même travail d’accompagnement mais dans l’autre sens : la proposition est de les mettre en contact avec des grands groupes ou des ETI, au niveau du Comex, pour accélérer les business, mais également, de leur faire partager leurs expériences tout en rencontrant d’autres dirigeants pour échanger sur les bonnes pratiques. Notre focus reste toujours la croissance ! En 2015, on a testé divers formats sur les 11. Cette année, on est mieux équipés, c’est pourquoi nous passons à 40. On a réalisé aussi que la communauté est importante, d’où notre plateforme digitale interne aux membres du Hub, inspirée de celle de l’accélérateur de l’Université américaine de Stanford et totalement focalisée sur le « comment tirer le meilleur de mon réseau »…

Bpifrance a récemment annoncé la création d’un accélérateur pour 23 ETI, après celui des PME l’an dernier. Comment ces trois structures fonctionnent-elles ensemble ?

Cette réflexion sur l’accompagnement des start-up, se pose aussi pour les PME et les ETI… C’est cela le lien entre les trois accélérateurs. Nous cherchons à faire croître une population d’entreprises qui est à un certain stade de son cycle de vie dans le but de les passer au niveau supérieur. Chacun a des propositions de valeur différentes, désignées et faites sur mesure pour la population accompagnée. Mais, au final, nous avons le même objectif qui est la croissance de ces entreprises, en les faisant réfléchir à l’international, leur stratégie de vente, leur croissance externe, leur gouvernance, leur organisation… D’ailleurs, début juillet, nous organisons un premier séminaire où toutes ces sociétés auront l’occasion de se rencontrer. On veut que ces différents mondes se rencontrent et échangent le plus possible. Les 23 ETI, par exemple, seront également suivies par un mentor, grand capitaine d’industrie…

Finalement, quelle est l’étape que ces entreprises « traditionnelles » doivent encore franchir pour passer à l’échelle supérieure ?

Leurs process doivent évoluer, devenir plus agiles. Il leur faut également recruter des personnes sensibilisées à ce sujet, qui savent récupérer le besoin, le faire remonter et trouver les start-up qui y répondent… Il faut un process de gestion de ces projets qui soit distinct car c’est un temps de traitement particulier, une IP particulière…

Est-ce aussi une question culturelle ?

Si on regarde les groupes étrangers, à l’image des Google ou Facebook, ils ont compris deux choses. S’ils ont acheté une start-up pour son produit, ils savent qu’il ne faut pas l’intégrer et ils la laissent vivre à l’extérieur, tout en lui ouvrant des portes, mais sans aucune volonté de leur part de capter quoique ce soit. S’il rachète une start-up pour un talent, alors là ils l’intègrent rapidement… Aujourd’hui, en France, les grands groupes n’ont pas de stratégie aussi claire. Prendre des parts ? Acquérir ? Signer un partenariat ? Ces options sont très différentes.

Ces groupes en sont plutôt à se poser la question de créer (ou pas) un incubateur, un fonds d’investissement, non ?

En effet et ce n’est plus la question ! Une fois cerné son écosystème, la question est quelle est ma stratégie et comment la mettre en œuvre ? Comment créer les bons liens… Le point positif que l’on observe, c’est que de nombreux groupes ont envie de bouger et s’ouvrent. En revanche, cela reste difficile d’aller chercher une solution en externe quand on a beaucoup investi en R&D en interne… C’est aussi un héritage du passé.

Côté start-up, se développer veut aussi dire partir à l’international, sur quels leviers ces entreprises peuvent-elles s’appuyer ?

Nous proposons un programme – ubi i/o, dont la 3ème édition a été lancée début mai. Dix-huit start-up sont parties 10 semaines à la découverte de l’écosystème NTIC de New York et San Francisco, dans le cadre de ce programme d’accélération conçu en partenariat avec Business France, l’Agence française pour le développement international des entreprises. Elles ont été sélectionnées parmi plus de 50 candidates. L’idée est qu’elles créent des relations commerciales avec les acteurs de ces deux places fortes en vue de s’implanter rapidement sur le marché américain.

Un tel programme n’existe-t-il pas également vers la Chine ?

En fait, pour les start-up, nous avons différents programmes d’accélération. Celui du Hub à Paris, mais qui travaille l’internationalisation depuis la France ; et d’autres programmes à l’étranger. Les Etats-Unis avec ubi i/o et la Chine avec Impact China, deux pôles d’aspiration très forts et prioritaires selon nous. Par exemple, Famoco, qui a participé à la récente promotion d’Ubi/IO à San Francisco, était au Hub l’an dernier et aujourd’hui participe au nouveau programme « Scale up » du Hub ; Delair-Tech également au Hub en 2015, a participé à Impact China. On voit donc qu’on peut passer d’un programme à l’autre, mais on peut aussi n’en faire qu’un des trois… Dans tous les cas, ce sont toujours des entreprises en hyper croissance, qui ont des enjeux très stratégiques aux Etats-Unis et, parfois, en Chine.

Finalement, votre métier est de construire des ponts ?

On peut le dire ainsi, des ponts entre pays, entre dispositifs, institutions et business, d’où le nom de Hub. Notre objectif est de créer des leaders a minima européens, qui forcément devront développer leurs business avec les Etats-Unis et, sans doute, avec la Chine. Sur l’Europe aussi, nous constituons un terreau puissant de relations avec l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne, les pays nordiques… On le fait à l’échelle des entreprises, mais aussi à l’échelle de l’accompagnement financier, en poussant les fonds français à devenir paneuropéens. Tous les outils se mettent en place pour faciliter et accélérer l’internationalisation de nos entreprises.

Pour conclure, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est Welcome, ce nouveau service que vous avez annoncé lors de Bpifrance Inno Génération ?

Nous avons parlé des grands groupes français qui doivent mieux servir de marchepied pour également accompagner les belles histoires de start-up… Mais les PME également peuvent jouer ce rôle. Avec Welcome, nous reprenons une initiative entrepreneuriale d’un patron breton, Frédéric Lescure (Socomore), qui avait monté dans sa région une plateforme permettant à des PME et ETI d’ouvrir leurs locaux et leurs outils industriels à des start-up, gratuitement. La seule contrepartie, c’est l’échange. Nous avons élargi cette proposition de valeur à toutes les entreprises en France… Welcome, c’est donc tout simplement un système de petites annonces émises par les deux partis ; et tout à fait dans la mouvance du Hub qui souhaite, petit à petit, enrichir son offre avec toujours le même objectif d’échanges entre les sociétés. Vous mettez également cette notion en avant dans le Prix Alliancy, c’est pourquoi nous sommes à vos côtés également.

>> Venez partager avec nous ce moment de convivialité et de networking le 20 juin prochain en vous inscrivant ès maintenant à l’événement !

3 accélérateurs au sein de BpiFrance

  1. 23 ETI (promotion accélérée durant deux ans)
  2. 39 start-up (11 pour la 1ère promotion, 39 pour la deuxième, accompagnées pendant 12 mois)
  3. 120 PME (60 par promotion, accélérées pendant deux ans)

3 programmes Bpifrance à l’international, en partenariat avec Business France

  1. Vers les Etats-Unis, avec Ubi i/o, un programme d’accélération dans la Silicon Valley et Silicon Alley et avec UbiMobility, un programme vers Détroit et San Francisco, dédié au véhicule connecté et intelligent
  2. Vers la Chine, avec Impact China et French Tech Tour China (Ex-Accélératech China)
  3. Vers l’Asie du Sud Est : Asean, Excellence Infrastructure, en partenariat avec Société générale


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