Cloud – Les pays nordiques, modèle à suivre

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Selon Gartner, les entreprises économiseraient jusqu’à 50 % sur leurs dépenses de colocation en migrant certaines applications dans des centres de données en Norvège ou en Suède. Ici, Kista, la Silicon Valley près de Stockholm. © Screeninteraction

Par leur flexibilité dans le changement, leur modernité et leur goût de l’innovation, la Finlande, la Norvège, la Suède et le Danemark constituent un modèle en Europe de transformation numérique des entreprises et des administrations dont ils sont pionniers. 

Le 18 et 19 novembre derniers, Slush, la grand-messe du secteur des TIC à Helsinki, en Finlande, a réuni quelque 10 000 participants et plus de 2 500 entreprises. Conférences, débats, concours de start-up et discours de leurs fondateurs… l’événement qui prend de l’ampleur chaque année est devenu un haut lieu international de rencontres entre jeunes entrepreneurs, étudiants, investisseurs et personnalités de la high-tech. Outre Hiroshi Mikitani, fondateur et président de Rakuten, le géant nippon d’e-commerce et Marten Mickos, vice-président du département cloud de Hewlett-Packard, de grands chefs d’entreprises nordiques à la tête de groupe de renom étaient présents à la manifestation : Martin Lorentzon, cofondateur et président de Spotify, la plate-forme suédoise d’échange de fichiers musicaux en peerto-peer (qui est un vrai succès en Europe) ; Sanna Lucksenberg, vice-présidente de l’apprentissage chez Rovio, l’éditeur finlandais du fameux jeu électronique Angry Birds ou, encore, Ilkka Paananen, cofondateur et président de Supercell, l’éditeur local des jeux vidéo Clash of Clans ou Hay Day très populaires chez les « petits gamers » européens. « Tous les ans, nous sommes présents à Slush, depuis sa première édition il y a quatre ans. Nous amenons, à chaque fois, une start-up française pour l’aider à trouver des partenariats technologiques avec des entreprises locales. Les pays nordiques sont le deuxième partenaire de nos PME, après l’Allemagne. Nous avons également un lien très fort avec l’organisme Forum Virium d’Helsinki, avec lequel nous avons travaillé sur la “ville intelligente” dans le cadre d’un projet européen », indique Nadia Echchihab, responsable International chez Cap Digital, le pôle de compétitivité francilien de la transformation numérique.

La présence de nombreux groupes français

Ce n’est donc pas un hasard si Slush se déroule à Helsinki, un modèle en Europe de « Smart City ». Forum Virium a notamment piloté plusieurs projets innovants, comme l’ouverture des données numériques (open data) de la ville et le développement de Kutsuplus, un service de flotte de minibus qui modulent leurs trajets en fonction de la demande en ligne des usagers. Par sa modernité « numérique », Helsinki – et plus largement la Finlande – attire de grandes multinationales, comme Google qui a investi près de 1 milliard de dollars (0,78 milliard d’euros) à Hamina, dans le sud-est du pays, pour ouvrir un datacenter afin de développer ses activités européennes.

L’entreprise française de services du numérique, Atos a fait de même à ScreenHunter_123 Mar. 13 18.41 Helsinki pour doper ses services cloud, et Gemalto, le leader mondial de la sécurité numérique, a racheté en 2010 le Finlandais Valimo Wireless, spécialisé dans l’authentification sur téléphones mobiles. Bonne pioche ! Gemalto va mettre en œuvre un système efficace d’authentification et de signatures électroniques qui s’appuie sur la solution d’identification mobile de… Valimo pour accompagner le système d’identification BankID du secteur bancaire norvégien.

« La Finlande est un pays d’ingénieurs et une société innovante très flexible dans le changement. En témoigne la transformation de Nokia, au départ fabricant de pneus et de boîtes en caoutchouc mué en fabricant de téléphones mobiles… Mais le pays n’est pas seulement le foyer de grandes entreprises, une vague importante de start-up émerge, soutenue activement par l’agence publique Tekes, l’équivalent de Bpifrance », explique Tiina Sounela, conseillère export NTIS d’Ubifrance à Helsinki. « Il y a une vraie politique de start-up avec un fort dynamisme de soutien de fonds d’investissement locaux comme Lifeline Ventures », ajoute Cyril Barrow, un observateur français sur place.

La Norvège, la Suède et le Danemark sont également en pointe dans la transformation digitale des entreprises et des administrations. « Très dynamique dans le pays, le numérique est le troisième secteur le plus important, après le pétrole et la pêche/aquaculture en Norvège », souligne Frédérique Goudard, conseillère export TIC d’Ubifrance à Oslo. Le pays met notamment l’accent sur le passage au numérique des entreprises publiques. « Le nouveau gouvernement poursuit l’agenda digital de la précédente équipe. Il s’agit d’aller plus loin que le simple e-gouvernement », glisse-t-elle.

La belle aubaine pour les groupes étrangers sur place, notamment français qui enchaînent les contrats avec les services publics. En août dernier, la police norvégienne a ainsi fait le choix de la solution biométrique de Steria pour transformer et moderniser sa procédure de conduite des enquêtes criminelles. En juillet, Steria et Capgemini ont scellé deux importants accords. Steria modernisera l’informatique de la Poste norvégienne, alors que Capgemini développera le système financier de l’administration dédiée à l’emploi et à l’assurance maladie. En novembre 2013, l’administration fiscale du pays avait déjà confié sa transformation informatique à Steria. Et en mars, c’est Capgemini qui avait été choisi par la Poste norvégienne pour lui fournir des services de gestion et de développement d’applications.

Le Français Devoteam, conseil en technologie, n’est pas en reste de telles opportunités. « Nous sommes entrés sur le marché norvégien en 2007 par l’acquisition des filiales locales de l’Américain DaVinci Consulting et de AuSystems appartenant au Suédois Teleca pour doper nos activités de conseil auprès des secteurs public et privé. Puis, nous avons racheté en 2010 l’entreprise locale Fornebu Consulting positionnée aussi sur le conseil IT », révèle Kim Jarno-Kristiansen, directeur des services professionnels de Devoteam en Norvège. La Suède et le Danemark parachèvent le modèle de transformation numérique nordique. « Pour des raisons historiques et culturelles, les pouvoirs publics suédois se sont mis au numérique très tôt, en s’inspirant de l’industrie, dont les grands groupes comme Volvo, Sandvik, Electrolux… ont utilisé des solutions informatiques dès les années 1950-1960… », expose Anna-Karin Berg, conseillère export NTIS d’Ubifrance à Stockholm. Le pays a été avant-gardiste, grâce à la créativité d’entrepreneurs de renom comme Niklas Zennström, le cofondateur de Skype. Aujourd’hui, d’autres prennent le relais comme Martin Lorentzon, cofondateur de Spotify.

Un pôle de compétitivité d’envergure

« Il y a une offre conséquente de start-up en Suède, qui naissent avec une contrainte qui en fait un atout : la petite taille du marché domestique les pousse à exporter leurs technologies », confie Philippe Collombel, président de Partech Ventures, un fonds d’investissement spécialisé dans les TIC. Du coup, le fonds cible notamment les nouvelles pépites locales comme Magine.TV qui a lancé en 2013 un service de streaming de programmes TV basé sur le cloud et Tictail qui offre depuis 2012 une plate-forme logicielle permettant de réaliser gratuitement un site d’e-commerce.

La Suède possède aussi sa Silicon Valley. A l’ouest de Stockholm, la Kista Science City est un pôle de compétitivité d’envergure dans les TIC regroupant un millier d’entreprises (dont IBM, Microsoft, Ericsson…) et nombre d’étudiants et chercheurs en IT de l’université de Stockholm. « Cap Digital collabore avec ce technoparc dans le cadre du réseau européen EIT ICT Labs pour rapprocher la R&D du monde industriel », affirme Nadia Echchihab.

De son côté, le Danemark poursuit sa « Egouvernment Strategy 2011-2015 » qui vise à déma ScreenHunter_124 Mar. 13 18.41 térialiser toutes les procédures administratives et à libéraliser auprès du grand public et des entreprises, les données basiques de ses services publics. Le pays qui se classe parmi les pays européens les plus avancés dans la société numérique, rapproche aussi le monde économique et ses institutions. Il possède un important pôle de compétitivité dans les TIC, le BrainsBusiness ICT Cluster, à Aalborg au nord qui réunit de nombreuses entreprises et l’université de la ville. D’ailleurs, Switzerland Global Enterprise, l’organisme d’appui des entreprises suisses à l’international, organisera une mission économique, du 7 au 10 septembre 2015, à Copenhague et à Aalborg. Les entreprises helvètes inscrites participeront chez Oracle, dans la capitale danoise, à un atelier sur le cloud, après avoir rencontré des représentants du cluster BrainsBusiness.

 

Le grand nord, terre promise des datacenters

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Google a investi près de 1 milliard de dollars pour transformer cette ancienne usine à papier en datacenter, à Hamina, au sud-est de la Finlande. © Google

Depuis peu, tous les géants du Web implantent leurs datacenters dans les pays nordiques. Facebook a installé son premier centre de données hors des Etats-Unis à Lulea au nord de la Suède en juin 2013. Google a fait de même en Finlande. Microsoft a annoncé, en 2013, un projet similaire dans ce pays. Atos a déjà installé sa ferme de serveurs à Helsinki même, en 2011. De son côté, la Norvège compte au total une quinzaine de centres de données… dont certains réalisés par Schneider Electric (voir notre Diaporama : A la découverte d’un datacenter caché dans les Fjords). « Nous offrons un faible coût de maintenance et une énergie à un prix compétitif. Les pays nordiques jouissent d’un approvisionnement énergétique optimal et de conditions climatiques particulièrement favorables pour le refroidissement des centres », explique Tiina Sounela d’Ubifrance à Helsinki. « Les datacenters situés en montagne ou en bord de fjord peuvent bénéficier d’un refroidissement naturel, en utilisant l’énergie hydroélectrique », ajoute Frédérique Goudard d’Ubifrance à Oslo. Cette vague devrait se poursuivre, notamment en Finlande, où « le gouvernement a décidé d’aligner la taxe sur l’électricité des datacenters sur celle de l’industrie, plus faible », conclut Tiina Sounela.