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Crise de l’hôpital, manque de profs : les start-up au secours des services publics

Un arsenal de solutions numériques est en train de naître, mais il ressemble beaucoup à un pansement sur une jambe de bois…

les start-up au secours des services publicsPrès du tiers (30 %) des infirmiers déclarent qu’ils veulent abandonner la profession, selon leur Ordre. Pour la première fois cette année, les écoles de sages-femmes n’ont plus fait le plein. Même chose chez les pharmaciens : 1 100 places universitaires sont restées vacantes à la dernière rentrée, sur les 3 500 disponibles. En psychiatre, la pénurie de soignants tient de l’effondrement. Et chez les aides-soignants, le métier, difficile physiquement et moralement, déconsidéré socialement et mal rémunéré, est caractérisé par un turn-over et un absentéisme tellement forts que dans certains Ehpads publics, on embauche quiconque veut bien se présenter.

Du côté des enseignants, avec 4 000 postes vacants sur 27 000 et de grandes difficultés à gérer les remplacements en cours d’année, le risque pour les usagers (les enfants et étudiants) est certes moins immédiat, mais tout aussi réel : faute de professeurs, la qualité de l’éducation chute.

Qu’il s’agisse des soignants ou des enseignants, les services publics français n’ont donc plus assez de bras. Les vocations s’épuisent, pour des métiers difficiles dont la noblesse ne pallie plus ni l’âpreté, ni la rémunération jugée trop faible.  La « solution » passe alors par l’embauche de vacataires, intérimaires, contractuels… On multiplie les intervenants, on mise sur le provisoire, on les paie davantage et on jongle parfois avec la réglementation : dans la fonction publique hospitalière, il est par exemple interdit pour un infirmier de faire également de l’intérim ou des vacations.

Souvent perçus comme des « mercenaires », parfois à tort, les intérimaires du soin ont crée le débat cet hiver, les médecins en particulier.

Dans les hôpitaux publics, près de 30% des postes de médecins hospitaliers titulaires sont vacants. C’est grâce aux intérimaires et aux médecins à diplômes étrangers que de nombreux services continuent de fonctionner.

Cet hiver, le gouvernement a fixé un nouveau tarif plafond pour la rémunération des médecins intérimaires du public. Le débat sur la différence de traitement entre eux et les titulaires tenait de l’arbre qui cache la forêt : la différence de rémunération entre les médecins du public et les médecins du privé.

Alors, au milieu de cet imbroglio, la « start-up nation » peut-elle apporter une réponse à la crise des services publics ? Il s’agit là d’un débat à la fois profondément politique et très contemporain. On a d’un côté un problème, bien documenté, relativement facile à chiffrer, et de l’autre, un vivier de start-up dont la raison d’être est de dénicher des solutions. Forcément, les deux mondes vont se rencontrer. Comme cela a déjà été le cas pour la pénurie de main d’oeuvre dans l’hôtellerie-restauration. Là où ça coince, sans doute, c’est lorsqu’il s’agit de service public.

Au-delà du débat politique (L’Etat se débarrasse-t-il de ses responsabilités ?), le recours aux start-up ne résout pas tous les problèmes. Pour la plupart en effet, elles se positionnent en facilitatrices des embauches. Elles mettent en lien les employeurs et les candidats, comme elles savent bien le faire grâce aux outils numériques.

C’est le cas, pour ne citer que celles qui étaient présentes la semaine dernière sur la dernière édition de Santexpo, la grand-messe de la santé, de Brigad.co, positionné à la fois sur la restauration et le soin, de BipSoin.fr (« la plateforme de mise en relation spécialisée dans le recrutement des personnels du médico-social et de la santé ») ou encore de Hublo.com, « le premier outil de gestion des remplacements dans la santé. » Un marché sur lequel on trouve d’autres acteurs, comme Permuteo.fr, Vacamed.fr ou encore des « généralistes » comme Aladom.

Dans la même veine et présent également à Santexpo, Octime.com, historiquement positionné sur les logiciels de gestion des temps et des plannings RH, a lancé « Staffelio » pour les métiers de la santé : une plateforme de « gestion des remplacements et des renforts. »

Du côté de la formation, Tricky.fr mise sur l’escape game, quand Santé Académie a récemment annoncé une levée de fonds de 12 millions d’euros pour la formation continue des soignants. 

Globalement, la Medtech française se porte (très) bien et comment pourrait-il en être autrement ? En France, les dépenses de santé accélèrent plus vite que la richesse créée par le pays.

Du côté de l’enseignement, on retrouve les mêmes schémas, à ceci près que l’argent y semble moins « facile ».  Pour la deuxième année d’affilée, le collectif de parents d’élèves baptisé #Onveutdesprofs » a lancé le 22 mai une action en justice contre l’Etat pour dénoncer le non-remplacement des enseignants absents. Et le « pacte enseignants » tout récemment proposé par Emmanuel Macron, qui prévoit une rémunération additionnelle pour les enseignants acceptant de nouvelles missions, au premier rang desquelles figure le remplacement de collègues absents dans le second degré, ne porte pas sur les remplacements longue durée (supérieurs à quinze jours).

« Le recours aux enseignants contractuels s’organise et se professionnalise. Tous les rectorats doivent désormais se doter d’un service de recrutement spécifique. Des conventions avec Pôle emploi sont instituées pour identifier et constituer des viviers », notait Le Monde cette semaine.

Fort logiquement, on voit apparaître les start-up sur ce sujet, comme Andjaro, « la solution aux imprévus », testée l’année dernière dans plusieurs académies … et rapidement décriée par les syndicats, qui pour certains considèrent que le logiciel va « déshumaniser » le processus d’affectation des remplaçants et pour d’autres s’en prennent violemment à la logique de prestataire privé : « Cette déclinaison de la “Start up nation” est contraire à l’idée même du Service public. »