Avec la Data, Seb repense son marketing et l’allocation de ses budgets

Comment, pour un groupe mondial comme Seb, investir au mieux dans la promotion de ses 35 marques ? En tirant profit des données et de l’IA via l’utilisation d’une solution de Marketing Mix Modeling, mais aussi une conduite du changement.

Florence Candianides_vice présidente Global Marketing Service

Florence Candianides_vice présidente Global Marketing Service

Krups, Moulinex, Rowenta, Tefal… le groupe Seb totalise 35 marques au sein de son portefeuille. Avec ses 33.000 collaborateurs, l’entreprise fabrique et commercialise ses produits dans plus de 150 pays, générant environ 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Seb a bâti une stratégie multi-marques et multi-catégories, qui n’est pas sans complexifier certaines opérations, et notamment le marketing et les ventes. “Notre enjeu est de bien allouer les moyens moteurs, c’est-à-dire les budgets investis en activations au sens large et en média ”, résume Florence Candianides, vice-présidente Global Marketing Services.

Des parcours consommateurs toujours plus complexes

Derrière le média, on retrouve de multiples canaux, online comme offline. L’équation à résoudre pour le groupe français consiste donc à prioriser au sein des portefeuilles produits/ catégories et à répartir de manière « efficace et efficiente » ses dépenses et actions afin de maximiser les performances globales des marques sur un scope géographique large.

« Le parcours consommateur s’est très fortement complexifié, avant, pendant et après achat, sur de multiples points de contact », ajoute encore la responsable marketing services. « Le client passe du online au offline au cours de son parcours, écoute ses pairs au travers des commentaires, les sites référents de comparaison, et attend d’avoir une aide au choix (…) Sur des produits comme Companion par exemple, nous savons que la décision d’achat peut prendre jusqu’à 12 à 18 mois. »

Durant cette période, et pas uniquement, il est donc stratégique pour une marque d’être visible des consommateurs, et « même top of mind », dans une logique « consumer centric. » Et cela passe par une priorisation, une allocation, un monitoring et une optimisation des moyens de communication.

Voilà pour l’ambition. L’exécution est semée d’embûches, du fait du large portefeuille de marques, mais aussi de l’organisation de l’entreprise elle-même, « matricielle », combinant du central et du local.

Les équipes centrales définissent des lignes directrices de la stratégie catégorielle, les guidelines d’activation et les contenus (photos, vidéos, newsletters, recettes, services,…), de même que les critères de mesure de la performance : « définir des KPIs de mesure objectifs est clé. Les équipes marchés réalisent le business en exécutant les plans de manière pertinente par rapport aux contextes locaux. »

Convaincre les métiers et transformer par la donnée

Eki MMO Platform« Notre capacité d’influence est intrinsèquement liée à notre capacité à partager des faits, basés sur la data, à identifier et cross-fertiliser les bonnes pratiques entre les marchés. » La data permet en effet de factualiser les convictions ou intuitions lors des prises de décision et des arbitrages budgétaires. 

Depuis 2015, le groupe s’est donc orienté vers une approche dite « facts based » et qui tient compte aussi des expériences passées – et de leur analyse – pour « optimiser le court et moyen terme. «  Seb s’est, dans ce cadre, associé à un partenaire, Ekimetrics, qui a développé et opère une solution de Marketing Mix Modeling.

« Nous attendions de ce partenaire qu’il nous aide dans la manière d’analyser les performances passées, de modéliser, et de tirer des enseignements afin d’optimiser nos recommandations de media-planning pour les marchés », précise Florence Candianides.

Julien Gaviard_Partner chez Ekimetrics

Julien Gaviard_Partner chez Ekimetrics

La mise en œuvre de ces ambitions signifiait notamment de sortir d’une mesure en silos, c’est-à-dire par levier média et selon des méthodes hétérogènes. Digital et offline ne partageaient pas des pratiques de suivi de la performance analogues et d’un marché à l’autre, des divergences méthodologiques persistaient. 

« Un des enjeux était donc aussi d’homogénéiser la mesure de la performance afin de pouvoir comparer les leviers entre eux et de disposer d’une vision holistique et non biaisée de la performance », commente Julien Gaviard, Partner chez Ekimetrics.  

Pour homogénéiser et dé-siloter la prise de décision, Seb a adopté une approche itérative en démarrant en 2015 sur un périmètre “restreint” comprenant la France (toutes catégories et tous leviers) – étendu dans un second temps à l’Allemagne. Cette phase préliminaire a « créé une intimité forte entre les équipes en central, en marché avec celles d’Ekimetrics. »

Des modèles personnalisés et robustes pour l’appropriation

Cette proximité est nécessaire à la collecte de la donnée et à sa fiabilité, « un facteur clé de succès. » Et cette Data, remontée par Seb à Ekimetrics, permet donc de nourrir différents modèles définis dans le cadre d’une stratégie de modélisation « alignée sur la stratégie marketing du groupe Seb », structurée par marque, catégorie et sous-catégorie.

Eki fonctionnalitésEkimetrics s’est appuyé sur sa plateforme de modélisation et de visualisation pour fournir des enseignements business issus des modèles. Ces informations sont discutées avec le métier afin d’ajuster les variables des modèles et affiner les résultats. Outre une optimisation des modèles, ces interactions participent à l’appropriation.

L’adoption est aussi passée par une nécessaire conduite du changement, les pratiques collaboratives devant évoluer, souligne Florence Candianides. Mais elle dépend aussi étroitement « de la capacité du modèle à être bon dans sa prévision (…) La robustesse en simulation stimule l’appropriation », souligne Julien Gaviard.

Surtout, les informations fournies par la modélisation doivent être utiles et utilisées. « La finalité n’est pas de délivrer une étude de 300 pages qui reste dans un coin d’une étagère, mais d’alimenter la prise de décision entre les différentes parties, en interne, et avec les agences média qui mettent en musique les recommandations », précise-t-il encore.

La solution conçue par Ekimetrics permet donc de constituer un rapport, réalisé de manière périodique (généralement trimestrielle), et exploitée ensuite lors des processus de décision. A l’avenir, la technologie pourrait se traduire par la fourniture d’une plateforme de simulation de scénarios d’investissement.

Le rapport, dont les informations sont issues des modèles, comprend notamment des explications sur les performances passées. La finalité : « répondre aux questions chaudes que peuvent se poser à la fois des opérationnels, des managers ou des membres du Comex. »

Des rapports de données clé sur les effets de halo

4 axesLes données collectées permettent également de mesurer « les effets de halo », c’est-à-dire la capacité d’une catégorie et de sa communication à alimenter les ventes d’autres catégories. Or, ces effets sont difficiles à mesurer sans recours à des techniques économétriques.

« Ces ROI par catégorie et par levier nous éclairent sur les effets de halo, très intéressants pour nous. Ils nous permettent de moduler nos investissements ou par exemple de choisir un produit champion” qui va servir l’entièreté de la catégorie produits », souligne Florence Candianides.

Les rapports permettent « de convaincre et d’aligner par la preuve » toutes les parties prenantes internes. Cette pratique a pu en particulier convaincre des limites d’une approche silotée des investissements telle qu’elle était appliquée auparavant, soir éun plan par produit plutôt qu’une approche catégorielle qui fait plus de sens pour nos consommateurs en recherche de solutions. »

Cet enseignement se vérifie notamment pour les « produits champions », dont Companion ou Cookeo. « La communication sur Cookeo alimente d’autres catégories de produits. Avoir conscience de ces synergies est le moyen de gagner en efficience sur nos investissements », insiste Florence Candianides.

Depuis ses débuts en 2015, Seb a étendu le périmètre du projet dans l’optique de « couvrir le maximum de chiffre d’affaires et d’investissements marketing. » La modélisation porte donc aujourd’hui sur les principaux marchés par continent (France, Allemagne, Espagne et Italie pour EMEA, USA pour Nord Amérique, Japon/ Corée pour l’Asie) sur quasiment l’ensemble des catégories.

Dans le contexte économique actuel, Seb a pris la décision de se « focaliser » sur un « approfondissement des enseignements par point de contact », avec un zoom fort sur les investissements online, et la compréhension des investissements de marque que le moyen / long terme.

L’ambition en 2023 de Seb est aussi de favoriser une plus grande collaboration entre ses agences partenaires et souvent concurrentes. L’entreprise s’appuie sur des fournisseurs distincts pour le Marketing Mix Modeling, le média et la création. « La pertinence à travailler tous ensemble n’est même plus une question si nous voulons tous gagner en performance », annonce Florence Candianides.