Digital Aquitaine, c’est parti

Le pôle numérique régional, Digital Aquitaine, vient d’être lancé. Ce « super » cluster veut fédérer la filière pour renforcer la visibilité internationale autour de quatre domaines : l’e-commerce, l’e-santé, les transports intelligents et l’électronique.

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BeTomorrow s’est diversifié dans la gamification des événements sportifs. Ici, il est partenaire de la Route du Rhum. © BeTomorrow

Rassembler les professionnels de l’économie traditionnelle et ceux du numérique, le concept de la « Grande Jonction » avait déjà séduit un millier de personnes l’an dernier. Ils étaient plus du double cette année, au Hangar 14, sur le port de la Lune. L’événement « a pris une autre dimension, avec une ouverture internationale plus forte », souligne Virginie Calmels, adjointe à la mairie de Bordeaux, en charge de l’économie. Symbole de ce nouveau cap, la présence du président de Google Europe, Carlo d’Asaro Biondo, qui en a profité pour rencontrer des entrepreneurs locaux, comme Julien Parrou, patron de Concoursmania ou Agnès Grangé, directrice régionale de La Poste et fer de lance de la candidature au label French Tech. Pendant ce temps, Google Ventures rencontrait de jeunes pousses et, pour n’oublier personne, Google pour les pros reviendra en décembre… Objectif de cette initiative de Google France, montée en partenariat avec les chambres de commerce et d’industrie régionales : aider les PME à améliorer leur visibilité sur internet.

Une veine de pépites digitales

Accélérer la mutation numérique des entreprises, c’est aussi le challenge relevé par les acteurs locaux du cloud. Nicolas Leroy-Fleuriot, PDG de Cheops Technology, rappelle  : « C’est une rupture technologique comme nous n’en avions plus connu depuis les années 1990 et l’apparition du client-serveur. » Son argument pour convaincre : « Le client paye en fonction de l’usage. » Pierre Jeanne, chief digital officer de l’enseigne bordelaise Cultura (52 magasins en France, 2 300 salariés et un site marchand), défend ainsi le choix d’externaliser son système d’information : « Nous avons désormais une capacité d’évolution qui nous permet de faire face à nos enjeux de croissance, à la fois sur le nombre de services et de magasins de façon plus souple, plus linéaire et à moindre coût. » Pour le laboratoire vétérinaire Ceva Santé Animale, basé à Libourne, le choix de Cheops s’est fait sur la disponibilité de service et la proximité. « Avec deux datacenters distants de 25 kilomètres [dont celui de SFR à Bordeaux-Lac, NDLR] interconnectés par deux chemins de fibre optique, nous avons pu garantir à Ceva Santé Animale un très haut niveau de dis
ponibilité de leur système d’information. Avec, en outre, un niveau de services très personnalisé », indique Nicolas Leroy-Fleuriot, PDG de Cheops Technology. Mais cette transformation est aussi tirée par les usages. Cela tombe bien : l’Aquitaine regorge d’entreprises innovantes, à l’image d’Immersion, leader des technologies 3D immersives et collaboratives pour l’industrie et la recherche, ou de BeTomorrow, éditeur du jeu smartphone RocketBird, qui s’est diversifié dans la gamification des événements sportifs. Partenaire de la Route du Rhum, la société travaille aussi à la digitalisation du PMU (tables tactiles pour parier en direct, tracking des chevaux, reproduction 3D de la course vue du jockey…). Ce secteur du jeu vidéo, structuré autour du cluster Bordeaux Games, tient son rang.

La région joue également sa carte dans les transports. Choisie pour accueillir le prochain salon mondial ITS (Intelligent Transport System), la capitale girondine réunira 7 500 professionnels de ce secteur du 5 au 9 octobre 2015. Un succès qui couronne dix ans d’efforts. Depuis 2006, le cluster Topos Aquitaine construit une filière autour de la géolocalisation assistée par satellite, dont 60 % des applications concernent le transport. Un de leurs projets : plus de 75 % des vins de Bordeaux partent par camions sur Le Havre pour être exportés vers les Etats-Unis et l’Asie ; le CIVB Bordeaux Wines, l’Union des Grands Crus de Bordeaux et la CCI de Bordeaux expérimentent un système permettant d’effectuer ce transport par bateau en garantissant la traçabilité grâce à l’application Aquifret.

Leader français dans l’e-santé

L’Aquitaine est aussi leader français dans la santé numérique, avec 1 000 emplois privés et 45 % du chiffre d’affaires national. Elle concentre 50 % de la production des logiciels de santé avec des acteurs emblématiques comme Imagine Editions, qui équipe 30 % du marché de la médecine libérale avec sa solution HelloDoc. Cette entreprise de Soulac-sur-Mer (130 salariés), dirigée par Marilyne Minault, vient d’ailleurs d’être reprise par son concurrent allemand, Compu Group Medical.

ScreenHunter_101 Feb. 12 12.05 Au sein du cluster TIC Santé aquitain, ses membres, publics et privés, partagent un stand depuis 2009 sur le Salon européen Health IT. Une proximité qui a suscité la création du projet Territoire de santé numérique (TSN), financé par le Conseil régional à hauteur de 1,3 million d’euros. Ce projet consiste à développer « une plate-forme mutualisée d’échanges et d’outils de travail collaboratifs ». Il rassemble, sous la houlette de Télésanté Aquitaine, de grands éditeurs aquitains : Agfa HealthCare (Artigues), BKL Consultant (Mérignac), Maincare Solutions (ex-McKesson France, Canéjan) et Imagine Editions (Soulac-sur-Mer). Dans la continuité, le département des Landes vient d’être choisi pour accueillir l’un des cinq projets pilotes du programme national Territoire de soins numérique (dans le cadre des investissements d’avenir), qui, doté de 10 millions d’euros sur trois ans, concernera un bassin de 226 000 habitants. Le déploiement de la plate-forme en ligne XL_ENS s’effectuera début 2015 (prise de rendez-vous, simplification administrative, aide à la décision…), le tout intégré à des solutions sécurisées de partage des données. Reste que pour être efficaces, ces différents acteurs devront relever notamment le défi de l’interopérabilité. En clair, le
dossier médical devra être véritablement partagé entre les professionnels de santé et les patients.

Pour héberger tous ces projets, nul besoin de franchir les limites de la région. Avec des acteurs comme Cheops Technology, Systonic, CIS Valley, ou encore Alienor (qui équipe la Cub), il y a du répondant, même si le débat se poursuit sur la construction d’un nouveau datacenter en Gironde… Une réflexion lancée en 2010. A l’époque, l’Adeiso (170 membres dans les TIC) avait mené une étude qui concluait que les besoins en hébergement étaient « réels et urgents ». « Nous sommes partis d’un constat de carence. Certains acteurs mettent à disposition leurs propres infrastructures au profit d’entreprises clientes externes. Mais ce n’est pas suffisant », décrivait Philippe Clémente, administrateur de l’Adeiso.

C’est donc le ProxiCenter de TDF à Bouliac qui remplit cet office pour le moment. Opérationnel depuis avril 2013 et raccordé au réseau Inolia, ce datacenter fournit 700 kilowatts de puissance utile. Parmi ses clients, Cdiscount, AT Internet ou Systonic. Une deuxième tranche serait déjà envisagée, selon Jérôme Sangouard, directeur commercial marché datacenter et transport de TDF. Chez AT Internet, leader européen des mesures d’audience, on se réjouit de cette nouvelle offre. « On sort d’une situation de quasi-monopole. Une vraie concurrence va s’établir », indique Cyril Mazeau, directeur financier. Enfin, pour montrer leur dynamisme, les acteurs régionaux du numérique viennent d’officialiser leur fusion dans un pôle de compétitivité unique, Digital Aquitaine, doté d’une gouvernance provisoire à quatre têtes. Adossé à Cap Digital, le pôle de compétitivité francilien, la spécialisation régionale reste maintenue : santé, géolocalisation & datation, hardware & device, commerce connecté, avec un axe transversal, le big data. « L’idée est d’avoir un effet de levier plus important », conclut Fabien Cauchi, à l’initiative du Club Open Innovation Aquitaine, l’une des déclinaisons régionales de cette association parisienne.

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