Retour sur le dîner de la rédaction « Qui sont les acteurs de la transformation numérique ? »

[Dîner du 4 juillet 2016 : ESN, cabinets de conseil, agences digitales, éditeurs… qui sont vraiment les bons acteurs pour accompagner la transformation numérique ?]

Le nombre d’acteurs qui, en 2016, revendiquent être leader ou spécialiste de la transformation numérique des entreprises ne cesse d’augmenter. Les communiqués et les changements de baseline se multiplient pour mieux s’accorder à ce nouvel angle de communication. Au côté des entreprises de services numériques (ESN) et des cabinets de conseils, de nombreux éditeurs de logiciels et des agences digitales montent également au créneau. Au final, pour un dirigeant d’entreprise qui souhaite effectivement transformer son activité et s’adapter aux enjeux de l’ère numérique, le tableau est flou. Qu’est-ce qui différencie vraiment ces acteurs ? Quels seront les plus adaptés pour l’aider dans sa situation ? Et que mettent-ils vraiment derrière le terme chapeau de « transformation numérique » ?

Les invités de ce dîner de la rédaction, tous dirigeants d’entreprises qui proposent d’accompagner la transformation numérique des organisations, ont accepté de partager leur point de vue et les stratégies qui leur paraissaient les plus pertinentes.

Photos : Guillaume Ombreux 

En présence de Catherine Moal, rédactrice en chef, et animé par Sylvain Fievet, directeur de la publication d’Alliancy, le dîner-débat a été l’occasion d’aborder tour à tour les préoccupations de ces acteurs clés de la transformation, et de leurs clients.

Nourris par les retours d’expériences d'entreprises françaises et internationales et les remarques lors des dîners de la rédaction depuis 3 ans, Sylvain Fievet a interrogé ses invités sur la maturité perçue des dirigeants face à la transformation numérique. « On matraque de toute part des expressions qui contribuent à la confusion : tout le monde parle-t-il bien des mêmes enjeux ? ». Chacun a répondu en mettant en avant ses définitions, ses priorités, les attentes et les transformations qu’il menait dans leur organisation pour y répondre. Le débat s'est ensuite orienté sur les pistes les plus crédibles pour améliorer le lien, la cohérence et la communication dans l’écosystème, et les sujets à surveiller pendant les prochains mois.

Stephane Allaire, Président Directeur Général chez Objenious

« Il est possible de partir de besoins très simples, d’un désir d’optimisation, pour entrer ensuite vraiment dans des logiques de transformation d’ampleur. Le problème reste encore que beaucoup d’entreprises ne savent tout simplement pas « où » elles doivent aller. En cela, ce qui est en jeu, c’est avant tout d’avoir une véritable dynamique entrepreneuriale pour pouvoir développer la vision pertinente qui permettra à l’entreprise de se positionner sur des marchés nouveaux ou à un tout autre niveau de la chaîne de valeur de son marché historique. De la clarté de cette stratégie découlera la facilité à identifier les bons leviers de transformation ».

Muriel Barnéoud, Président Directeur Général chez Docapost

« Les dirigeants de notre génération ont été élevés dans une culture de maintien des marges, alors que la prise de risque nécessaire pour réellement se transformer implique des coûts notables à court terme. Face à cette tendance conservatrice, petit à petit, avec humilité, la curiosité prend le dessus : on sort des visions tranchées du « cela ne marchera jamais » ou « cela ne sera pas rentable » pour pouvoir éviter de se faire subtiliser la bonne idée ou le positionnement clé que notre entreprise veut mettre en place. Nous sommes loin d’avoir vu tous les tenants et aboutissants des forces qui sont à l’œuvre aujourd’hui sous cette étiquette de « transformation numérique », mais ce qui est certain c’est que le fond du sujet est celui de la survie ou de la mortalité des organisations ».

Jean-Michel Benard, Président Directeur Général chez ITS Group

« Pour accompagner les entreprises dans ces enjeux, nous devons nous-mêmes nous transformer : nous pensions rester dans un monde d’acteurs concentrés sur les problématiques de production informatique, mais des dynamiques comme le DevOps aidant, nous nous rapprochons des interlocuteurs métiers, ce qui change en profondeur nos habitudes. Et il a fallu en conséquence bousculer un peu notre DRH et notre direction marketing. Ce sont des points de passage obligatoires pour s’approprier pleinement la dynamique numérique, au-delà des seules transformations techniques ».

Yves Bernaert, Senior Managing Director – EALA Technology Lead chez Accenture France

« Y-a-t-il trop de matraquage autour de la transformation numérique ? Je ne pense pas, car nous sommes entrés dans une phase de concrétisation extrêmement importante. Nous commençons enfin à voir aujourd’hui les premières réalisations, les mises en œuvre de visions stratégiques d’entreprises qui se transforment. Beaucoup de grands groupes sont en train de passer de l’expérimentation au lancement de grands projets de transformation digitale. Et de notre côté, nous avons ajusté notre stratégie depuis quelques temps et sommes en mesure de les accompagner et de proposer des services digitaux cohérents, en mobilité, interactivité, analyse de données… qui représentent aujourd’hui, plus de 40% de nos revenus  ».

Patrick Bertrand, Directeur Général chez Cegid

« La croyance que le « monde numérique » remettrait en cause la réalité de leurs métiers a longtemps empêché une véritable prise de conscience des dirigeants qu’en fait ce n’est pas leur métier qui est menacé, mais bien la façon de l’exercer. Par exemple la fonction d’hébergement ou de transport de personnes existera toujours, mais le numérique transforme profondément la façon de répondre à cet usage. La réponse : la nécessité d’un profond changement et non l’idée que l’entreprise qu’ils dirigent est « condamnée ». C’est cela l’enjeu du « monde numérique ».   Dans ce contexte, ce qu’il faut impérativement préserver, c’est la relation directe avec ses clients. Pourquoi laisser des acteurs qui ne sont que de simples plateformes de mise en relation s’interposer dans la relation avec son client alors que l’entreprise qui délivre la vraie valeur ajoutée peut se transformer elle-même en plateforme ? C’est cela l’enjeu du changement. Dans ce cadre, tout  le monde a son rôle à jouer pour contribuer à l’évolution de l’activité de l’entreprise, et  l’un des tous premiers acteurs internes, des tous premiers transformateurs, doit être le DRH. »

Christophe Bonnard, Président du Country Board chez Capgemini

« Nous évoluons fortement dans l’approche de nos métiers, mais il y a également des spécificités relatives à l’activité d’intégrateur. On nous demande aujourd’hui de co-investir, de reprendre des plateformes, mais également de nous inscrire au-delà de l’externalisation, dans un écosystème ouvert. Les modèles de co-innovation se répandent et on attend maintenant que nous puissions au maximum intégrer les solutions et le travail de nombreux acteurs, partenaires ou concurrents. Ce mindset du « co » devient omniprésent dans la transformation des entreprises. Au-delà des outils, on retrouve ces modèles de co-investissement sur de nouveaux business models, autour de l’évolution vers des métiers de services notamment. C’est une vraie nouveauté à ce niveau-là ». 

Olivier Derrien, SVP South & Centrale Europe chez Salesforce

« La principale question que doit se poser l’entreprise est celle de sa « destination », c’est-à-dire du sens de sa transformation. C’est ce qui permettra de déterminer ensuite les étapes nécessaires pour y parvenir. Définir son objectif peut se faire assez rapidement, mais le chemin, le « comment » demande souvent beaucoup plus d’efforts. L’essentiel est de bien choisir le braquet : avancer par petit cran est beaucoup plus efficace que de viser une accélération soudaine qui risque de déstabiliser toute la structure ».

Bruno Lemaistre, Directeur général chez Econocom

« Pour accompagner la transformation des entreprises, nous devons aujourd’hui être également capables de devenir des intermédiaires entre différents acteurs au sein de l’entreprise, de créer de la transversalité, de faciliter les échanges internes, d’apporter une capacité de conseil qui complète les projets technologiques. Ceux-ci restent en effet, souvent, très traditionnels quelle que soit la pertinence des outils mis en place. Mieux, les entreprises attendent dorénavant de leurs partenaires qu’ils s’engagent à partager les risques de la transformation et que leur investissement soit beaucoup plus important à tous les niveaux ».

Eric Perrier, Directeur Général et Co-Fondateur chez Viseo

« Acteur du monde de la technologie, nous avons intégré voilà 3 ans, au sein de notre groupe une agence digitale, afin de rendre tangible le fait que la technologie n’est plus l’apanage des seules directions informatiques. L’univers des agences est aujourd’hui très empreint de technologies, avec beaucoup d’acquisitions de sociétés pour se repositionner. Nous devons réunir ces deux mondes, pour concilier la transformation tant au niveau des processus, de la data, que la vision des usages, des besoins des consommateurs auxquels sont confrontés les directions opérationnelles. Commerce digital, univers connectés, entreprise agile et collaborative, ces défis ne peuvent être adressés intelligemment qu’avec cette double approche ».

Christian Poyau, Président Directeur Général et co-fondateur de Micropole

« Une partie de la confusion des dirigeants d’entreprise quand on évoque la transformation numérique, vient du fait que l’on parle parfois de l’utilisation de nouvelles technologies, de nouveaux outils, qui ont un impact sur certains aspects du fonctionnement de l’entreprise, comme la relation client. Or, il est également question en parallèle d’un enjeu de rupture majeure, de la transformation tout entière de l’activité, du modèle économique, en mode « sur-traitance », ce qui est beaucoup plus exceptionnel. L’un et l’autre coexistent, mais ne font pas appel aux mêmes leviers… Et le défi le plus important restera dans tous les cas d’entrainer des milliers de collaborateurs dans le changement »

 

 

Frédéric Sebag, Fondateur et co-Président d’Open

« Nous sommes dans une situation où il existe une très belle conjonction technologique, au niveau des réseaux, des terminaux, des outils d’analyse de données… Mais avant tout, ce sont les usages permis par ces technologies qui incarnent réellement la transformation numérique : Uber, ce n’est pas une technologie, c’est avant tout une façon de faire, de repenser le rapport de l’individu aux déplacements, aux taxis. S’emparer de cette réalité nécessite un changement d’état d’esprit dans l’entreprise : quand les critères sont trop faibles sur les enjeux de culture et de gouvernance, on se contente au final d’adapter quelques outils et quelques méthodes, mais cela ne permet pas de pousser les changements importants nécessaires… ».

Jean-Marie Simon, CEO France chez Atos

« L’enjeu autour des compétences est fondamental. Nous le voyons au sein de notre propre organisation, en allant aujourd’hui recruter des talents ; ce qui n’aurait pas été le cas, il y a de cela seulement quelques années. Mais au fond, le cœur du problème n’est pas tant d’attirer de nouvelles personnes, que de faire évoluer ses propres forces vives. Comment adapter ces compétences quand toute l’activité change ? On évoque en permanence, comme réponse, l’enjeu d’agilité de nos entreprises ; et dans ce cas, il n’est pas tant questions de méthodes et de la « théorie » agile, que d’habitudes, d’adaptation des comportements et des états d’esprits. Ces points seront les principaux écueils de la transformation. »

Nous remercions pour la présence à ce dîner : 

  • Stéphane Allaire, Président Directeur Général d'Objenious
  • Muriel Barnéoud, Président Directeur Général de Docapost
  • Jean Michel Benard, Président Directeur Général d'ITS Group
  • Yves Bernaert, Senior Managing Director – EALA Technology Lead d'Accenture France
  • Patrick Bertrand, Directeur Général de Cegid
  • Christophe Bonnard, Président du Country Board de Capgemini en France et Directeur Général de Sogeti et de Capgemini 
  • Olivier Derrien, SVP South & Centrale Europe de Salesforce
  • Bruno Lemaistre, Directeur Général d'Econocom
  • Eric Perrier, Directeur Général et Co-fondateur de Viseo
  • Christian Poyau, Président Directeur Général et co-fondateur de Micropole
  • Frédéric Sebag, Fondateur et co-Président d’Open
  • Jean-Marie Simon CEO France d'Atos

 

Retour sur la soirée-débat, organisée par la rédaction du magazine Alliancy le 4 juillet dernier sur le thème « ESN, cabinets de conseil, agences digitales, éditeurs… qui sont vraiment les bons acteurs pour accompagner la transformation numérique ? »