Dirigeants d’entreprises françaises, que faites-vous pour ne pas être pieds et poings liés face aux GAFA ?

[OPINION] Nous n’avons pas de géants de l’innovation numérique en France. Sans surprise, nos dirigeants ne manquent pas de s’en désoler et de pointer notre dépendance vis-à-vis de Google, Facebook ou de certains leaders technologiques mondiaux.

Coralie Héritier, Directrice Générale - IDnomic

Coralie Héritier, DG –  IDnomic

Pourtant, l’Hexagone ne manque pas d’innovations ! Notre pays regorge de start-up, parfois médiatiques, mais aussi de PME qui ont développé des expertises, abouties et précises, et peuvent faire bouger les lignes sur les problèmes de notre époque.

Pour prendre un marché que je connais bien, celui de la cybersécurité, les percées technologiques réalisées par certaines de nos PME, en termes de chiffrement, d’analyse de risques, de gestion des identités… peuvent ainsi concrètement permettre de faire face à un univers de menaces toujours plus sophistiquées et déstabilisantes.

 

En matière de sécurité, le caractère souverain de l’innovation revêt une importance majeure

Dans un monde à la géopolitique complexe et où la ligne de démarcation entre activités cybercriminelles et moyens étatiques devient floue, notre dépendance à certaines technologies américaines ou chinoises pose chaque jour plus de question. Que dire alors quand les outils Google Cloud Platform sont au cœur des fonctionnements des certaines grandes entreprises ? Ou quand les groupes du CAC40 se dotent des mêmes outils que ceux financés et utilisés par la communauté du renseignement des Etats-Unis, comme Palantir ?

Les dirigeants des grands groupes français, leurs DSI, leur CISO, sont les premiers à se plaindre d’être pieds et poings liés face aux pratiques de certains grands éditeurs… Mais sous prétexte de facilité d’usages, de choisir le n°1 ou d’un prix un peu plus avantageux, ils sont aussi les premiers à fermer les yeux sur les implications à long termes de tels choix et à enterrer leur défiance.
Quelle place réelle dans leur stratégie de sécurité pour les innovations françaises ou même européennes ? Quelle place pour nos PME ?

A qui la faute ?

On peut reprocher à nos entreprises françaises de ne pas savoir bien marketer leurs produits et services innovants. On peut épingler des ergonomies et des interfaces un peu moins agréables ; ou encore des prix parfois supérieurs aux géants. Mais si l’on ne veut pas être hypocrite, il faut reconnaître qu’il y a une bonne raison à cela : le manque d’investissements pérennes et l’incapacité des grands groupes français de travailler efficacement avec plus petits qu’eux. Ils les déséquilibrent et mettent régulièrement en péril la pérennité qu’ils sont les premiers à demander à leurs partenaires. Impossible donc de faire entrer l’innovation française dans un cercle vertueux.

Pourtant, les méthodes qui ont fait leur preuve pour mieux travailler ensemble existent. Les initiatives menées par les Instituts de Recherche Technologique (IRT) ou autour du Programme d’Investissements d’Avenir (PIA) sont d’excellents exemples. Leur seul problème ? Elles concernent un périmètre bien trop réduit ! Ces modes de coopération efficaces doivent être la norme et non l’exception.

La dépendance de nos groupes aux géants américains n’est pas une fatalité. Il est de bon ton de s’en offusquer… mais la question à se poser est : que fait-on pour changer les choses ? Certains de nos groupes, comme la Société Générale, mènent leurs propres initiatives pour valoriser des travaux d’innovations en matière de cybersécurité… Mais qui est vraiment au courant ? Et surtout : les PME peuvent-elles croire que cela va transformer leur quotidien, au-delà du coup de com’ ?

Arrêtons l’hypocrisie !

Arrêtons l’hypocrisie, si l’on veut sortir du cercle vicieux de la dépendance technologique vis-à-vis d’acteurs non-souverain. Ceux qui décident et achètent ont, à titre individuel, le pouvoir d’orienter les choix qui feront la différence pour la sécurité de notre économie et nos citoyens. Et les PME sont prêtes à entendre les exigences des grands groupes en matière de facilité d’usages et de cohérence de prix. A condition qu’il y ait en face une vraie volonté de mieux travailler ensemble.  

Alors, que font concrètement vos entreprises pour faire changer les choses ? Que faites-vous personnellement en tant que dirigeant pour que les lignes bougent ? Que peut-on faire ensemble ?

Coralie Héritier est à la tête d’IDnomic depuis fin 2015, après avoir accompagné le développement de l’entreprise pendant plus de 10 ans en tant que membre du Comité de Direction. Elle a près de 20 ans d’expérience en gestion d’entreprises innovantes dans le domaine du numérique et des nouvelles technologies. Elle participe également aux instances de gouvernance de différentes associations et groupements, notamment Hexatrust et l’IRT SystemX. Coralie est diplômée de l’Institut Supérieur du Commerce de Paris et titulaire d’un Master « Dirigeant Manager Opérationnel des Entreprises ».