E-commerce : une mauvaise régulation sur la data peut avantager des écosystèmes de plus en plus fermés 

Cofondée en 2018 par Timothée Dumain, Mathias Griffe et William Meunier, Bigblue se présente comme une alternative e-commerce en mesure de concurrencer les géants du secteur comme Amazon ou Zalando. Timothée et Mathias ont accepté de nous en dire plus sur leur projet et leur vision de la souveraineté européenne dans le secteur de la logistique.

Timothée Dumain, Mathias Griffe et William Meunier, cofondateurs de Bigblue.

Timothée Dumain, Mathias Griffe et William Meunier, cofondateurs de Bigblue.

Alliancy. Quelle conviction vous a poussé à investir le marché de l’e-commerce avec Bigblue ?

Bigblue. En se rencontrant en 2018, nous avions tous l’envie de révolutionner la logistique dans l’e-commerce, apporter des solutions pour permettre à tous les commerçants de scaler, sans frictions.

Le marché de l’e-commerce en France et en Europe reste assez vétuste – si on exclut par exemple Amazon ou Zalando. Nous souhaitions déjà rendre la logistique plus simple pour les plus petites marques. Souvent, ces entreprises de taille moyenne pilotent leurs entrepôts avec un logiciel software peu adapté. Nous leur fournissons une solution qui permet de mieux passer à l’échelle.

Vous venez tout juste de boucler un tour de table de 15 millions d’euros… À quoi vont servir les fonds ?

Nous projetons déjà de recruter 100 personnes dans les dix prochains mois. Et il y aura deux chantiers principaux, sur l’amélioration de nos produits d’une part et sur notre consolidation en France et à l’étranger d’autre part.

Tout l’enjeu est de permettre aux marques de vendre davantage grâce à leur expérience client et leur service de livraison. Pour ce qui est de notre expansion à l’international, nous venons de nous déployer en Espagne et le Royaume-Uni devrait suivre à partir de juin.

Vous garantissez l’accès à un réseau logistique européen, avec vos propres transporteurs et entrepôts… Qu’est-ce qui le différencie sur le marché ?

Nous avons conclu plusieurs partenariats directs avec des acteurs européens. Sur la partie du stockage, nous choisissons les entrepôts pour leur taille, leur qualité et leur performance. Nous collectons ensuite tous les points de données possibles pour optimiser la logistique et proposer le meilleur transporteur.

Notre réseau de livraison en Europe s’appuie sur une quinzaine de transporteurs comme DHL, La Poste, Colis Privé, Chronopost… ainsi que sur plusieurs réseaux d’acteurs locaux du Swoopin (livraison éco-responsable).

C’est assez rapide d’intégrer Bigblue, y compris pour les plus petits transporteurs qui souhaitent privilégier le circuit court. Pour un euro de plus, un client peut opter pour un transport à bas carbone.

Il y a plusieurs inconvénients à choisir Amazon : que cela soit la politique des prix ou la restriction de la vente hors de leur plateforme. Mais cela peut aussi être simplement le fait d’imposer l’utilisation des cartons Amazon, de l’emailing Amazon, etc.

De notre côté, notre plateforme encourage l’interopérabilité – notamment grâce à Shopify – et l’expérience d’achat est essentiellement tournée sur l’image et l’histoire de la marque.

Quelle est votre vision de la souveraineté ?

Le débat sur la souveraineté européenne dans le secteur de l’e-commerce est assez biaisé car les transporteurs sont pour la majeure partie très localisés. Bigblue permet à des marques d’écouler leurs stocks en Europe tout en restant compétitives face à des acteurs extraterritoriaux comme Amazon ou encore Shein.

Nous utilisons la plateforme canadienne Shopify ainsi que les services d’hébergement Google Cloud. Le secteur de l’e-commerce étant très compétitif, nous avons décidé de choisir le meilleur du marché pour assurer notre compétitivité. Mais la logistique s’adapte exclusivement aux spécificités territoriales et c’est bien grâce au local que nous pourrons nous imposer et limiter l’impact carbone des livraisons.

Nous sommes aussi à l’initiative du Digital Native Club, un écosystème de marques d’e-commerce françaises et autres partenaires pour bénéficier mutuellement d’effets de réseau. Nous avons la conviction que les Digital Native Vertical Brands (DNVB) comme nous, qui sont nées de la montée en puissance des réseaux sociaux, ont été les premières à comprendre les nouveaux besoins des consommateurs et des communautés digitales au sens large.

Que pensez-vous du positionnement de l’Europe en cours sur la régulation des marchés européens ?

Ce positionnement est nécessaire mais il y a aussi une mauvaise compréhension des enjeux liés à la visibilité de nos marques. Facebook permet aujourd’hui par exemple à de nombreuses entreprises de se faire connaître.

Nous n’avons pas nos propres réseaux sociaux européens ou français et une mauvaise régulation sur l’utilisation des données personnelles peut mettre en avant des écosystèmes de plus en plus fermés. 

Nous voulons que les marques reprennent le contrôle de leur taux de conversion, tout en évitant de trop dépenser en publicité. Ces dernières années, le coût des publicités sur les réseaux sociaux a explosé et nous avons mis en place le programme Fast Tags, qui offre à nos clients une livraison en un jour ainsi qu’une augmentation du taux de conversion de leur site web de 20 à 40%. 

Il faut un contrepouvoir pour que les marques puissent vendre elles-mêmes. Aujourd’hui, il n’y a plus besoin d’entrepôt ou de ressources technologiques, il suffit juste d’Internet pour switcher son business model. Et localement, nous allons chercher les commerçants directement chez eux – en particulier ceux qui ont souffert de la crise – pour leur donner la possibilité de se lancer rapidement dans l’e-commerce.