[Interview] Generali veut passer de la digital workspace au smartworking

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Membre du Comité exécutif de Generali, en charge des Systèmes d’Information, de l’Innovation, des Opérations, des Achats et de l’Immobilier, Karim Bouchema adopte une approche globale sur la problématique du digital workspace et souligne l’importance de considérer les trois dimensions culturelle, physique et technologique dans la construction d’une stratégie cohérente, dans un contexte de généralisation des nouveaux modes de travail hybrides portés par la crise Covid.

Karim Bouchema, membre du Comité exécutif de Generali

Karim Bouchema , membre du Comité exécutif de Generali, en charge des Systèmes d’Information, de l’Innovation, des Opérations, des Achats et de l’Immobilier.

Quel regard portez-vous sur la transformation récente de Generali en matière de digital workspace ?

Nous avons connu une accélération majeure ces derniers mois et la crise a joué un rôle important. Il y a globalement eu trois phases sur le traitement du digital workspace chez Generali France : avant la crise, pendant la crise et après la crise. Avant la crise, l’objectif était de mettre en œuvre les moyens permettant de maximiser l’efficacité individuelle de chacun des collaborateurs. Cela revenait à garantir un espace de travail physique fonctionnel pour chacun, du matériel informatique de qualité et des applications optimisées pour chaque métier.

Pendant la crise, il a fallu garantir l’efficacité individuelle mais à distance dans un contexte de télétravail généralisé pour tous. Nous avons rapidement décidé du déploiement de matériels informatiques complémentaires, comme des portables et des écrans, et de la mise à niveau de nos infrastructures Par ailleurs nous également mis en œuvre l’efficacité collective de manière empirique en déployant les nouveaux outils de travail collaboratifs et en organisant nos évènements collectifs en 100% digital. Tout cela s’est fait en très peu de temps et nous a permis de sécuriser la continuité de l’activité pour l’ensemble de Generali France et de garder le lien entre les collaborateurs.

« Nous avons su anticiper la pénurie du hardware et des infrastructures et la virtualisation de nos softwares pour faciliter leur déploiement. » Cliquez pour tweeter

Et après la crise en tant que telle ?

Nous sommes ensuite entrés dans une troisième phase : être à la recherche d’efficacité individuelle et collective, certes, mais surtout développer des modes de fonctionnements et des technologies qui soient compatibles avec le travail hybride. Cela a remis l’espace physique au cœur de nos préoccupations afin de créer un pont entre le distanciel et le présentiel. Pour ce faire, nous avons travaillé sur 3 axes. D’abord, la mise à niveau de nos locaux, avec par exemple la création de 170 salles de visio-conférence. Ensuite, le développement d’applications ad hoc pour faciliter la vie de nos collaborateurs, comme notre application « We are back », qui permet de planifier les jours de présence des collaborateurs sur site et qui donne de la visibilité au management et aux équipes pour organiser leur quotidien. Cela permet également d’ajuster le catalogue de services des sites physiques au niveau de présence effective des collaborateurs sur site. Enfin, l’engagement d’une réflexion de fond sur nos modes de fonctionnement pour aller au-delà des moyens matériels vers une culture de travail structurellement fluide dans un monde hybride

Vous êtes entrés depuis dans une nouvelle étape ?

En effet, ces trois premières phases ont été plus « subies » qu’initiées, avec un calendrier exigeant. Aujourd’hui, notre effort porte principalement sur cette réflexion de fond visant à passer de la « digital workspace » comme on l’entendait jusqu’à présent, au smartworking. Il s’agit de revoir les modes de fonctionnement, d’animation, de développement et de management à tous les niveaux.

Ces transformations doivent concerner autant les réunions d’équipes quotidiennes que la gestion de projet, ou la gouvernance globale de l’entreprise… C’est un enjeu d’évolution des interactions et des comportements au quotidien de toutes les parties prenantes de l’organisation, et c’est donc une vraie conduite du changement à mener en tâche de fond à l’échelle de l’entreprise. A titre d’exemple pour mon Codir : j’ai mis en place des évolutions qui restent encore à pérenniser après trois ou quatre mois.

Un exemple des évolutions qui sont demandées aux collaborateurs ?

Dans mes réunions d’équipes, on ne présente par exemple plus les documents en séance. Ils sont envoyés 48h à l’avance avec un « executive summary ». De cette façon, la réunion est vraiment mise à profit pour discuter du fond. C’est une discipline à mettre en œuvre pour tout le monde : il faut allouer du temps différemment, changer les agendas, repenser sa façon de préparer ses interactions en amont…

Un autre exemple : l’évolution des pratiques d’animation de réunions s’accompagne de l’habitude de noter les réunions. En effet en mode de travail hybride, il est devenu plus difficile de décoder la satisfaction des participants les signes d’approbation ou d’opposition, d’habitude évidents, deviennent difficiles à lire quand les différents participants ne partagent pas le même espace d’échange. Pourtant il faut absolument déterminer si une rencontre a été efficace et a atteint son objectif. Au sein de mon comité de direction, nous avons ainsi pris l’habitude de revenir sur la note attribuée à la réunion précédente pour corriger le tir et être plus attentifs, actifs et collaboratifs.

Ce sont deux exemples concrets d’évolution des comportements parmi beaucoup d’autres pratiques managériales plus efficaces que nous encourageons dans ce nouveau contexte hybride.

Au-delà du sujet collaboratif, quelles évolutions estimez-vous nécessaires pour les applications métiers dans le cadre de votre digital workspace ?

Nous avons mené des évolutions importantes auprès des populations commerciales afin de permettre la vente et les interactions à distance avec nos clients malgré la crise. Nous avons d’abord complètement digitalisé la relation client via le déploiement d’un nouveau CRM. Nous avons également développé des outils de vente avec le lancement rapide d’une application pilote permettant de tester l’acceptation de la vente à distance par les équipes et les clients. Depuis quelques mois, nous déployons à grande échelle avec succès cet outil qui permet de prendre des rendez-vous avec les clients et de créer un canal dédié avec eux, jusqu’à tenir une visioconférence entre le conseiller et son client et signer les documents permettant d’ouvrir un contrat. C’est une technologie qui implique une évolution importante de la manière de travailler de nos forces commerciales et nous les accompagnons tout au long de cette évolution.

Comment gérez-vous les phases d’on-boarding des collaborateurs depuis la crise ?

Globalement l’on-boarding matériel des nouveaux arrivants n’a pas souffert de la crise. Nous avons en effet su anticiper la pénurie du hardware et des infrastructures et la virtualisation de nos softwares pour faciliter leur déploiement. Nous avons également communiqué plus fréquemment sur l’évolution de la situation et de ses conséquences sur les moyens mis à disposition, physiques et digitaux. Enfin, nous avons augmenté la capacité de support pour accompagner les collaborateurs tout au long de la crise. Ces actions ont permis de mettre quasiment 100% de nos équipes en télétravail dès les trois premiers jours de la crise.

« Nous avons développé des outils de vente avec le lancement rapide d’une application pilote permettant de tester l’acceptation de la vente à distance par les équipes et les clients » Cliquez pour tweeter

Quelles sont vos priorités IT pour les mois et années à venir en matière d’environnement numérique de travail ?

Le point de départ est que le mode de travail hybride est sur le point de devenir la norme, ayant pour effet d’augmenter la part de collaborateurs à distance sur une semaine pleine, même en dehors de toutes contraintes sanitaires.

Globalement cela veut dire que nous devons aller plus loin sur les deux axes clés de la transformation qu’il faut adresser de concert : la gestion des leviers environnements de travail et technologiques, et l’évolution des modes de travail, sur lesquels nous travaillons actuellement en étroite collaboration avec nos partenaires sociaux et les Ressources Humaines.

Sur la gestion des leviers environnements de travail et technologiques, nous avons la chance d’avoir déjà un très beau campus à Saint Denis, propre et bien pensé sur le plan digital… mais il nous faut aller plus loin. Nous voulons faire le lien plus fortement entre l’espace de travail personnel du collaborateur et des espaces de créativité et de collaboration. Tous les choix que nous faisons doivent viser autant l’agréabilité et le bien-être, que l’efficacité opérationnelle pour l’entreprise. Le rôle de l’IT est fondamental sur chacun de ces aspects. Pour y parvenir, elle ne doit plus différencier l’approche technologique des nouveaux usages : ne pas penser les bureaux d’un côté et le poste de travail de l’autre. Il faut digitaliser l’espace lui-même, en introduisant l’IoT dans les bâtiments et en revoyant complètement le poste de travail du collaborateur dans une logique de 100% mobilité : il ne travaillera plus seulement de chez lui et/ou des bureaux, mais de n’importe où !

Enfin, sur l’évolution des modes de travail en tant que tel, chaque département doit revoir sa manière d’interagir, c’est urgent. Comment j’anime mes équipes en hybride, en physique ou à distance ? Comment je gère la présence sur site ? Les réponses à ces questions doivent se matérialiser dans un nouveau modèle opérationnel qui nécessite d’étendre le cadre RH pour accompagner l’extension du cadre technologique et immobilier.