[Chronique] Gestion de portefeuille de projets : 30 ans de transformation de la DSI… mais quelques urgences pour l’avenir !

Notre nouvelle chroniqueuse Christine Fanny Toutou entame sa série d’articles sur les enjeux de gestion de portefeuille de projets pour les entreprises et leur DSI avec une question : qu’a-t-on à apprendre des 30 ans écoulés ?

Christine Fanny ToutouLa transformation des directions des systèmes d’information des entreprises n’est pas un fait nouveau ; et en parallèle de nombreux sujets technologiques et organisationnels sont placés au cœur des débats ces dernières années. Dans ce contexte, la surprise peut venir de la place prise par la question de la place de la gestion de portefeuille de projets dans l’équation. Autrement dit, pourquoi la gestion de portefeuille de projets réapparait-elle dans les discussions aujourd’hui ? C’est la question centrale de cette chronique, qui mérite d’être abordée en plusieurs étapes. Et en commençant par un peu d’Histoire, car si cette préoccupation n’est pas nouvelle, il y a beaucoup à apprendre pour les entreprises actuellement en regardant dans le rétroviseurs. Petit récapitulatif…

A l’origine était la modernisation..

Il existe des règles systémiques : chaque fois qu’une crise économique ou financière se présente, l’entreprise se transforme. En effet, chaque crise occasionne un bouleversement dans l’entreprise et dans son organisation l’obligeant à revoir notamment le mode de traitement de ses informations. A chaque fois, la DSI s’adapte.

Et en 1990, Gartner inventa l’acronyme « ERP » Entreprise Resource Planning

C’est le début d’une longue histoire dans le domaine de l’informatique. Poussée par la crise de 1992, les entreprises s’orientent vers une modernisation de leur système d’information gage d’augmentation de la performance globale de l’entreprise. On parle alors d’urbanisation des systèmes d’information avec une rationalisation des processus internes. A partir d’un système d’information modulaire, l’ERP doit permettre d’optimiser leurs processus internes de gestion, de centraliser l’information et d’apporter une plus de cohérence dans la communication interne et externe dans l’entreprise. Le management de grands projets d’implémentation et de déploiement s’invite dans l’entreprise. Il repose sur une approche de pilotage par grands projets individualisés et autonomes de manière horizontale s’inspirant de l’analyse des processus.

Vers la massification des données…

L’année 2008 est un souvenir lointain mais qui restera gravé dans les esprits comme étant une crise bancaire et financière extrêmement brutale. L’impact de cette crise financière pousse l’entreprise vers une prise de conscience dans la gestion de ses risques.

L’entreprise change sa stratégie de gouvernance, ses méthodes d’organisation et ses principes de management de projets. Poussée par les innovations technologiques au début des années 2010, l’organisation évolue vers une structure matricielle. De plus soutenu par l’apogée d’internet, l’émergence des réseaux sociaux, ou tout devient « data », le nombre de projets augmente de manière significative. L’entreprise doit exploiter son patrimoine de données au mieux pour innover vers une connaissance plus fine de ses clients en proposant de nouveaux usages. C’est toute l’entreprise qui est concerné depuis la modernisation de ses infrastructures jusqu’à sa culture.

Face à une multitude de projets de transformation et d’innovation à gérer, l’entreprise doit se renouveler, innover, pivoter, changer son ADN pour gagner en performance opérationnelle, améliorer son « time to market». Consciente de la nécessité de gérer les risques financiers et opérationnels, elle reconsidère du même coup son mode d’investissement dans la réalisation de ses projets de transformation et d’innovation afin d’améliorer sa communication interne et externe vis-à-vis de ses clients.

A partir de là, c’est une évidence : le management de grands projets s’étalant sur plusieurs années n’est plus l’unique approche de gestion de projets.

10 ans après la parution du « Manifeste Agile » en 2001, on accélère

A partir du début des années 2010, et dans la décennie qui a suivi, chaque entreprise a eu la tentation de s’orienter vers l’adoption tout d’abord partielle ou encore incomplète d’une démarche plus agile de matière de gestion de projets. Ainsi le découpage de projets et programmes de transformation en format plus petits fait son apparition.

Surveiller ses moyens de financement et se montrer plus attentive à ses engagements constitue alors une priorité absolue dans le management de projets. De plus, compte tenu de la multiplicité des projets et de leurs interactions, le management par portefeuille de projets s’impose dès lors comme un choix qui facilite la compréhension entre l’équilibre de la « valeur » et celle du « risque »

Et maintenant, se transformer ou mourir

Aujourd’hui, la crise sanitaire de 2019 est derrière nous. Elle insuffle un nouveau tempo. Tous les secteurs d’activité doivent sont concernés. Ils n’ont pas le choix, ils doivent se transformer et innover pour trouver de nouveaux relais de croissance. 

Ce qui fait de l’expérience client le poumon, l’élément le plus stratégique de l’innovation. Certains secteurs d’activité ont pris le tournant du digital bien avant. L’exemple d’un groupe de l’industrie du Luxe qui s’est lance dans le digital en 1999 et en a fait une force en devenant le pionner français du « phygital » dans son domaine grâce son approche multi canal et globale. Il a fait de l’expérience client le sens de son innovation et peut être cité comme exemple. D’ailleurs il n’a pas été impacté par le Covid 19. Soit j’innove, Soit je disparais. Proposer de nouveaux usages à ses clients nécessite de poursuivre une stratégie claire, une trajectoire bien définie, et une bonne gouvernance en matière de gestion de projets. Le management par portefeuille de projets dans ce cas, apparait comme étant le meilleur atout en termes de pilotage et de surveillance de projets de transformation et d’innovation.

Même si Gartner annonce une augmentation de 4% du budget de la DSI en 2022, il faut préparer l’avenir

L’intérêt pour la transformation de la DSI est là. Il n’empêche que l’orientation des choix d’investissement est fortement liée aux gains de productivité attendu et soutenu par la pertinence des usages élaborés. Là encore, ce sont les décisions prises sur la base d’analyse concrète et tangible de l’état du portefeuille de projets de transformation et d’innovation qui conditionne les investissements futurs.

Le grand écart entre le budget IT et l’innovation résultent des questions qui doivent trouver une réponse dans un bon pilotage du portefeuille de projets.  Elles concernent :

  • La dette technique héritée du passée ? Cette dette n’est pas incompressible, elle est d’ores et déjà parfaitement maîtrisé et ne peut constituer un handicap dans les choix d’investissement. A quelles conditions accepter de financer au long court cette dette ?
  • Le renouvellement de l’infrastructure et son passage obligé par la technologie Cloud, tant attendue. Cependant les économies d’échelle seront-elles au rendez-vous et quel est le modèle économique le plus adapté pour assurer une rentabilité optimale ?
  • Comment exploiter le patrimoine de données de l’entreprise pour en tirer le maximum de valeur ? Comment intégrer dans les futurs usages les exigences ESG ?

La gestion de portefeuille de projets n’est sans doute pas aussi facile à marketer (y compris en interne) que des axes d’innovations très médiatiques pour une entreprise et sa DSI… pour autant, on le voit, il s’agit d’un sujet qui se retrouve de facto au cœur de tous les autres, depuis plus de 30 ans. Cela ne va pas changer, alors il faut prendre le taureau par les cornes. C’est pour cela que dans notre prochaine chronique, nous regarderons les leviers à activer pour celui qui se dit aujourd’hui : « J’ai décidé de mieux gouverner mes projets ! ».