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Guillaume Bonneton (GP Bullhound) : « Les acquisitions réussies d’activités software capitalisent sur des partenariats préexistants »

L’essor du développement des activités numériques d’entreprises dont ce n’est pas l’activité à l’origine est-elle une opportunité pour les éditeurs de logiciels, afin de mieux se vendre ? L’avis de Guillaume Bonneton, partner au sein de la banque d’affaires GP Bullhound, basée à Londres.

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En tant que banquier conseil, quel regard portez-vous sur le développement d’activités software par des entreprises dont ce n’est pas le métier originel ?

Guillaume Bonneton, partner au sein de la banque d’affaires GP Bullhound

Guillaume Bonneton, partner au sein de la banque d’affaires GP Bullhound

Guillaume Bonneton. J’aborde la question du côté du sell-side. Autrement dit, du point de vue de sociétés spécialistes du software dont d’autres acteurs pourraient être intéressés de faire l’acquisition afin de développer leur propre activité en la matière. Pour de telles entreprises, les questions sont nombreuses : faut-il vraiment se vendre pour rejoindre un industriel ou une grande entreprise ? Ne faut-il pas plutôt chercher à nouer des partenariats avec ces acteurs ? A quel point le développement d’activités software chez ces corporate est-il un facteur de compétitivité pour l’avenir ?

Ce genre d’acquisition est-elle une bonne recette pour devenir une software company ?

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Guillaume Bonneton. Il y a toujours un paradoxe. La tentation d’acheter une activité qui fonctionne déjà – une start-up souvent- plutôt que de chercher à la créer ex-nihilo est très importante chez les corporate. Pourtant, les mêmes dirigeants se méfient énormément des risques managériaux liés à l’acquisition d’une entreprise. Il y a eu énormément de cas où moins d’un an après avoir racheté une start-up, l’entreprise se retrouve en fait avec une coquille vide. En effet, le risque de départ des fondateurs et de leurs managers clés, qui souvent n’ont pas envie de travailler dans une entreprise plus grande, ne sont pas anodins. Quand l’acquisition est trop artificielle, qu’il n’y a pas une confiance bien établie, la greffe ne prend pas.

Voit-on pour autant des expériences réussies ?

Guillaume Bonneton. Oui, mais elles capitalisent toujours sur des liens d’intimité qui précèdent l’acquisition en tant que tel. Il faut que les deux entreprises aient noué un partenariat pendant 6 mois au minimum, qu’il y ait une proximité qui se soit créée autour d’un partenariat ou activité commune. Ensuite, il faut clarifier les règles avec les fondateurs de la start-up, en les faisant s’engager pour qu’ils accompagnent la transition post-acquisition pendant 2 ou 3 ans par exemple. Les petits éditeurs de logiciels innovants ne doivent pas se vendre à des acteurs avec lesquels ils n’ont eu aucun contact.

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transformation éditeur logiciel Avez-vous vu la maturité des acteurs « corporate » évoluer en la matière ces dernières années ?

Guillaume Bonneton. On sort progressivement des seules approches opportunistes. Il y a eu la prise de conscience du caractère profondément disruptif que le numérique, le software, a sur toutes les activités. Dans beaucoup de cas, il n’y a tout simplement plus le choix : les entreprises ne peuvent se contenter de faire comme elles ont toujours fait, car elles risquent sinon de se retrouver sur le bord de la route quand une disruption majeure touchera leur secteur. Cela s’est vu récemment y compris pour les agences de notation, qui voient des acteurs du software mettre en danger leur modèle économique ; tous les secteurs sont donc bien concernés. Mais cela signifie aussi qu’il va falloir faire attention ensuite aux risques de cannibalisation de son activité par sa propre branche software. Les compromis vont devoir être fait au plus haut niveau de décision et vont souvent s’articuler autour de l’indépendance de la filiale numérique. C’est un point qui a été abordé dès 1997 par Clayton Christenssen dans son ouvrage « The Innovator’s Dilemma: When New Technologies Cause Great Firms to Fail ». Parmi les leçons à garder en tête : il faut qu’un patron puisse se dégager 20% de son temps pour gérer ces activités d’avenir, celles qui « préparent le coup d’après », et ne pas se laisser coincer dans le quotidien des activités historiques, qui se développent encore mais dont l’innovation n’a rien à voir avec celle apportée par le numérique.