[Data Literacy] Henri Rufin (Radiall) « Nous mettons en œuvre une véritable stratégie de valorisation de la donnée »

Radiall est une ETI française, spécialisée dans la fabrication de connecteurs électroniques. Henri Rufin, Data & Analytics Manager, détaille le parcours qui l’a conduit à diffuser une véritable culture de la donnée dans son entreprise et les prérequis incontournables pour permettre à celle-ci d’apparaître.

Guide data literacy L’article est extrait du guide à télécharger « Data Literacy : la compétence clé du 21e siècle à l’épreuve de la crise ». Découvrez les autres témoignages !

Alliancy. Vous avez rejoint Radiall en 2012 en tant que contrôleur de gestion. Qu’est-ce qui vous a fait engager des transformations beaucoup plus transverses autour de la data ?

Henri Rufin, Data & Analytics Manager

Henri Rufin, Data & Analytics Manager, Radiall

Henri Rufin. Quand j’ai rejoint l’entreprise, j’étais en charge de la production du reporting consolidé du groupe, permettant à la direction générale d’analyser et de comprendre les résultats de la période en cours. Ma première mission fut de remplacer l’outil de consolidation du groupe et de mettre en place de nouveaux processus permettant d’optimiser la production des états de reporting. Nous sommes passés en « fast closing », réduisant de plus de 10 jours ouvrés le délai de closing, tout en produisant plus d’informations de meilleure qualité. En bon contrôleur de gestion, j’utilisais alors énormément Microsoft Excel, automatisant au maximum tout ce que je pouvais.

Pourtant, au fil des années, j’ai réalisé que je passais énormément de temps à produire des analyses qui n’étaient pas toujours lues ni comprises et qu’il en allait de même pour de nombreux acteurs dans l’entreprise. Quel que soit leur service, tous les managers doivent consacrer un temps précieux à la production et à l’analyse d’états de reporting. Nous sommes quotidiennement inondés d’informations et de reportings que nous n’avons pas toujours le temps de lire ni d’approfondir. Je me suis alors demandé : quelle est la réelle valeur ajoutée de ces informations, par rapport au « coût » en temps de leur production ? J’étais préoccupé à la fois par le sujet de la productivité et par celui de faciliter l’émergence d’une vision stratégique.

A partir de ce constat, qu’avez-vous changé ?

Guide data literacy Henri Rufin. J’ai réalisé que je pouvais me rendre utile au-delà du périmètre exact de ma fonction de contrôleur de gestion. Mes compétences ne s’arrêtaient pas à la production d’états financiers. Elles devaient me permettre d’étendre mon influence et d’accompagner l’ensemble des métiers dans la production de leurs tableaux de bord. J’ai commencé par m’intéresser de près à l’approche de nos commerciaux et j’ai été frappé par la multitude d’états de reporting existants et par l’absence d’harmonisation des moyens de production. J’ai découvert que chacun avait son propre format d’analyse des données, ses propres tableaux.

L’impact sur la productivité mais aussi sur la qualité des données me parut évident. Bien que leur contribution soit essentielle, les commerciaux doivent consacrer leur temps à la gestion de leur portefeuille clients et la conquête de nouveaux marchés et non à la production d’états de reporting. Mes premiers travaux m’ont conduit à refondre le processus de production du budget des ventes. J’ai alors commencé à m’intéresser aux outils de gestion de bases de données et de business intelligence. Cela a permis de professionnaliser de nombreux aspects du reporting des commerciaux. Mais j’avais la conviction qu’il fallait aller bien plus loin en termes de périmètre, pour que l’entreprise en profite vraiment.

Qu’est-ce qui empêchait d’avoir la même approche au niveau transversal pour toute l’entreprise ?

Henri Rufin. La principale difficulté réside dans la capacité d’une entreprise à professionnaliser la production de ses états de reporting et à mettre en œuvre une véritable stratégie de valorisation de la donnée. Il faut comprendre que pendant des décennies la production du reporting était considérée comme une

activité secondaire. Les métiers s’organisaient en conséquence pour mettre en œuvre une solution spécifique à leurs besoins sans véritablement prendre en compte l’écosystème existant au sein de l’entreprise. Mon ambition était alors de créer une structure interne en charge du pilotage des projets de tableaux de bord pour accompagner les métiers dans la valorisation et l’exploitation de leurs données. Pour entamer cette transformation, il aura donc fallu commencer par remettre en cause l’organisation traditionnelle qui attribuait au département IT la responsabilité des sujets liés à la donnée. Depuis une grosse dizaine d’années, ce type d’approche n’a plus vraiment de sens. Les technologies ont évolué pour permettre l’émergence de nouveaux profils à mi-chemin entre IT et métier, favorisant la réalisation de développements agiles à forte valeur ajoutée et ce dans un cadre gouverné. Ce recentrage est aussi l’occasion pour les entreprises de se détacher d’Excel, dont l’usage récurrent et quasi-systématique comme solution de reporting impacte la productivité des collaborateurs. Un fichier Excel est avant tout un outil de productivité individuel que l’on utilise encore trop souvent pour élaborer des tableaux de bord et collaborer.

Pour accepter cet état de fait, l’entreprise doit changer de regard sur la production du reporting et prendre conscience que la donnée a une valeur et son exploitation un coût. Depuis quelques années, les directions générales parlent de transformer les entreprises par la data, et de faire évoluer les business models grâce à elle. C’est effectivement très important, mais elles n’y parviendront pas sans avoir au préalable fait émerger une véritable stratégie de valorisation de la donnée reposant à la fois sur la mise en œuvre d’une structure dédiée et l’acculturation des utilisateurs aux nouveaux usages.

Suffit-il de s’équiper d’un outil différent ?

Henri Rufin L’outil n’est jamais la réponse à un problème mais fait partie intégrante de la solution. Le moment clé du choix d’un nouvel outil est souvent l’occasion de faire apparaître des divergences quant aux priorités et enjeux d’un projet. Il y a deux ans, Radiall a fait le choix de s’équiper de la solution Qlik Sense. Au moment du choix de l’outil, j’ai observé de véritables écarts de perception des solutions short listées. En outre l’IT privilégiait la solution SAP, principalement en raison de la présence de l’éditeur dans notre écosystème et les métiers préféraient les solutions de dataviz comme Qlik Sense pour leur puissance, leur ergonomie et leur facilité d’appréhension. Nous avions alors décidé de conduire un POC sur les trois solutions retenues afin de valider la faisabilité technique et de mesurer la potentielle valeur ajoutée du produit et l’adhésion des utilisateurs. La réalisation de ce POC et la présentation des résultats de l’étude sous forme d’un cas d’usage concret nous a permis de faire abstraction des biais habituels et d’établir un consensus autour de la solution choisie, partagé par l’ensemble des parties prenantes. Ce succès a marqué la première étape du shift d’une culture data « IT centric » vers une culture data « business centric », condition sine qua none à la réussite du processus d’acculturation des utilisateurs aux nouveaux usages autour de la data.

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A quel point l’acculturation des équipes aux nouveaux usages data est-elle difficile ?

Henri Rufin. L’acculturation des collaborateurs est un processus assez naturel à partir du moment où l’on a engagé ce shift culturel. Quand on veut développer la data literacy de son organisation, on doit commencer par mettre en place une organisation et un écosystème composés de solutions dites « user-friendly » favorables à cette acculturation. Une fois de plus, le choix d’une solution « business centric » est central car elle doit permettre une appropriation rapide et une adhésion forte des utilisateurs. Mais cela ne suffit pas. La structuration d’un département data, responsable de la vision globale autour des solutions de BI et de reporting est une étape clé bien sûr. Mais pour réussir pleinement cette acculturation, il est essentiel de pouvoir rapidement identifier des relais dans les métiers dont le rôle sera de participer aux développements et d’accompagner les utilisateurs dans la prise en main des outils et le respect des processus mis en œuvre.

Une fois les fondations en place, des collaborateurs vont assez rapidement se positionner comme des « data champions » au sein des équipes. Ces héros vont ensuite accompagner et former les autres utilisateurs, dans tous les services. C’est une diffusion vertueuse qui se fait très naturellement. Toutes les entreprises ont en leur sein des personnes curieuses, appréciées pour leur côté « business partner », qui ont envie d’aider au maximum y compris en s’intéressant à des outils. Il ne reste alors plus qu’à communiquer largement, faire du buzz et du teasing pour donner envie de se mobiliser. Et cela fonctionne, c’est saisissant ! Tant et si bien que chez Radiall, nous avons internalisé les compétences techniques liés à l’outil Qlik Sense au niveau métier, sans intégrateur ou équipes IT. Le métier gère le sujet à 100%. C’est une preuve forte d’acculturation naturelle qui est montrée au comité de direction.

Radiall en chiffres

  • Création : 1952 
  • Chiffres d’affaires 2019 : 400 M€ 
  • Effectif : 3300

 

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