L’IA au cœur de l’informatique climatique

[Série Futurs Numériques 2/4] Une nouvelle discipline de recherche, l’informatique climatique, a été créée par Claire Monteleoni. Depuis un an maintenant, elle occupe le poste de directrice de recherche à l’INRIA, où elle déploie son programme ARCHES.

Que faire de la masse considérable de données issues des stations météorologiques, des radars, des ballons atmosphériques et des satellites qui scrutent chaque jour le niveau des océans, l’évolution de la fonte des glaciers, l’état de santé des forêts ou bien encore les variations de la composition de l’atmosphère ?

Pour répondre à cette question cruciale, une chercheuse américaine, Claire Monteleoni, consacre la majorité de ses travaux à une nouvelle discipline, appelée « informatique climatique ». Ses recherches sur l’apprentissage automatique au service de l’étude du changement climatique ont en effet contribué à lancer ce nouveau domaine interdisciplinaire.

Une chercheuse américaine titulaire de la chaire Choose France AI

Titulaire de la chaire Choose France AI et directrice de recherche au Centre INRIA de Paris depuis le début de l’année 2023, Claire Monteleoni a lancé le projet ARCHES (AI Research for Climate CHange and Environmental Sustainability). Les axes de recherche de ce projet sont les suivants :

  • L’IA pour la science du climat : pour améliorer la compréhension scientifique de l’évolution du système climatique
  • L’IA pour l’adaptation au changement climatique : pour concevoir l’impact social et accompagner les communautés et les décideurs avec des outils d’aide à la prise de décision
  • L’IA pour l’atténuation du changement climatique : pour accélérer notre transition écologique, avec un accent particulier sur les énergies renouvelables

Les recherches qui sont menées par ARCHES ont pour but d’aider les scientifiques à mieux comprendre le climat, à faciliter l’adaptation et la résilience au changement, mais aussi à accélérer la transition écologique. En encourageant des collaborations interdisciplinaires à la croisée des chemins entre science du climat, énergies renouvelables, apprentissage automatique, exploration de données (data mining) et statistiques, le projet ARCHES ouvre la voie à des avancées dans la lutte contre le changement climatique.

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Selon Claire Monteleoni, l’IA est le moyen le plus rentable pour tirer un enseignement des quantités massives de données déjà collectées, qu’elles soient simulées numériquement ou observées par télédétection et par mesures in situ. L’autre avantage de l’apprentissage automatique est que les IA améliorent leurs performances à mesure que la quantité de données qu’elles analysent augmente ! « L’apprentissage automatique est la clé qui permettra de tirer des enseignements de cet ensemble colossal de données », espère la chercheuse.

Des travaux de recherche déjà reconnus par le passé

Claire Monteleoni n’en est pas à son coup d’essai en matière de techniques d’apprentissage automatique et de sciences du climat. En 2008 déjà, à la Columbia University, elle rencontre Gavin Schmidt, climatologue de la NASA, et lui propose de tester l’apprentissage automatique pour venir à bout des volumes considérables de données liées au climat. Plus précisément, elle lui propose d’utiliser cette méthode pour combiner les prédictions issues des modèles climatiques dont se servent les scientifiques du GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

En 2010, en Californie, lors d’une conférence de la NASA, les travaux de Claire Monteleoni et de Gavin Schmidt sont salués par le prix du meilleur article (Monteleoni et al., 2010). Une année plus tard, les deux chercheurs créent l’atelier international sur l’informatique climatique (International Conference on Climate Informatics) qui rassemble un réseau international de scientifiques pour former une nouvelle communauté de recherche sur cette thématique.

Le groupe de recherche de Claire Monteleoni a par la suite montré qu’une variante des réseaux neuronaux convolutifs, un type d’apprentissage profond, constituait un moyen efficace de prévoir la trajectoire des ouragans, des phénomènes habituellement très difficiles à prédire (Giffard-Roisin et al., 2020).

En poursuivant ses travaux de recherche au sein de l’INRIA, Claire Monteleoni va s’atteler à démontrer que les prévisions permises par l’IA peuvent encore s’améliorer. L’IA, sous toutes ses formes, pourrait ainsi permettre de s’attaquer à d’autres challenges sociétaux à venir comme, par exemple, le choix de nos lieux de résidence, les types de maisons à privilégier, les infrastructures publiques à mettre en place. En somme, l’IA pourrait nous aider à mieux anticiper notre avenir climatique et à nous assurer que nous sommes capables de nous adapter et d’être résilients face au changement.

« Il existe toute une série d’autres problèmes sur lesquels l’apprentissage automatique peut avoir un impact, et nous encourageons les autres experts à s’impliquer. Je suis d’ailleurs ravie de voir toute une génération de scientifiques des données et de chercheurs en IA, en particulier au niveau des étudiants, s’intéresser à l’informatique climatique », conclut la chercheuse.

Claire Monteleoni

Titulaire de la chaire Choose France AI et directrice de recherche au Centre INRIA de Paris, Claire Monteleoni est professeure au département de Sciences informatiques de l’université du Colorado Boulder. En 2023, dans le cadre du programme Choose France, elle a rejoint l’INRIA pour constituer une nouvelle équipe de recherche.

Claire a précédemment occupé des postes à l’université Paris-Saclay, au CNRS, de 2017 à 2018 (programme de bourses Jean d’Alembert), à l’université George Washington, de 2011 à 2018 (en tant que professeure-assistante puis professeure associée) et à l’université Columbia, de 2008 à 2011 (en tant que chercheuse scientifique).

Elle a obtenu son master et son doctorat en sciences informatiques au MIT en 2006 et a été postdoc à l’UC San Diego de 2006 à 2008. Elle est également titulaire d’une licence en sciences de la Terre et des planètes de Harvard.

Claire siège actuellement au comité consultatif de la NSF (U.S. National Science Foundation) pour la recherche et l’éducation en matière d’environnement et elle est rédactrice en chef / fondatrice de la revue Environmental Data Science, Cambridge University Press, lancée en décembre 2020.