[Alliancy Web] « En business intelligence, il faut pousser à l’expérimentation »

Maxime Marboeuf  - « Il faut pousser à l’expérimentation »

Maxime Marboeuf – Data Analyst France, Tableau Software – © DR

 

Interview de Maxime Marboeuf – Data Analyst France, Tableau Software

Nommé récemment Data Analyst France chez l’éditeur américain Tableau Software, Maxime Marboeuf nous donne son éclairage sur les enjeux d’actualité de la business intelligence depuis son bureau à Londres et met les « métiers » à l’honneur.

 

Qu’est-ce qui a changé ces dernières années en business intelligence ?

Deux aspects ont évolué : l’organisation de l’entreprise dans son ensemble et l’utilisateur. Toute organisation a aujourd’hui beaucoup de données à gérer. Pour améliorer ses processus et trouver de nouvelles voies de création de valeur, la question prioritaire est donc celle du sens que vont pouvoir prendre ces données. Or, la technologie rend cet enjeu beaucoup plus accessible qu’auparavant. Cela est en partie dû à la baisse du coût de stockage des données, mais aussi à la baisse du coût de leur analyse, grâce à de nouveaux outils plus intuitifs, simples et performants.

Qu’en est-il du changement chez l’utilisateur ?

C’est aux personnes du commerce, du marketing, de la finance – bref, aux métiers – que les problèmes concrets se posent ; ils ont la question. Ils doivent donc idéalement être capables d’y répondre par eux-mêmes. La business intelligence aujourd’hui, c’est rendre l’extraction, l’analyse et le fait de conférer du sens aux données, le plus simple et le plus rapide possible pour ces personnes. Depuis 25 ans, nous avons de formidables technologies qui nous permettent d’analyser les données, de les transformer en informations utiles. Mais il s’agit maintenant non seulement d’analyser d’une manière différente, mais également de changer les personnes qui vont analyser.

Est-ce que cela veut dire sortir de l’ère des requêtes adressées au service informatique ?

Les services IT ont naturellement les compétences pour traiter les données, mais ne comprennent pas forcément les enjeux stratégiques des questions qui leur sont posés. Les plateformes traditionnelles de BI requièrent des compétences spécifiques de programmation, que n’ont pas les opérationnels. Il faut donc rendre le pouvoir au terrain, à ceux qui ont besoin de réponses rapides et claires – sans qu’il soit question de compétences techniques, informatiques ou d’analyse. C’est un souci d’efficacité globale.

Si c’est aussi évident, pourquoi ne pas avoir appliqué cette recette dès le départ ?

La prise de conscience des organisations est progressive. Théoriquement, l’idée d’une personne qui s’adresse aux experts de la donnée pour résoudre un problème, est séduisante. Le problème, c’est qu’il n’est jamais question d’une seule personne ! Quid pour 50 problèmes ? 200 ? Ce n’est pas le rôle d’un service IT de répondre en priorité à ces requêtes. Il risque d’être vite surchargé, ce qui va entrainer des délais, des tensions entre services… Face à cela, les opérationnels vont essayer de trouver des alternatives, en utilisant des solutions parfois bancales, plus approximatives, plus exogène. Dans le seul but de gagner du temps sur l’IT.

Visualisation réalisée avec le logiciel Tableau Software

Visualisation réalisée avec le logiciel Tableau Software

Avec un risque d’incohérence au niveau de l’entreprise ?

Nous sommes face à des services indépendants qui vont vouloir répondre à leurs problèmes de manière indépendante.  Là où le sujet se complique, c’est quand cette réponse individuelle entre en collision avec d’autres questionnements et d’autres services. Vous en arrivez au final à des opérationnels qui vont se doter chacun de leurs propres outils de manière non-concertée et qui finiront par arriver à des conclusions différentes, par des biais différents. Et dans ce cas, il n’y a plus de business intelligence… La BI, c’est au contraire trouver des réponses communes, qui font sens pour tout le monde. L’enjeu est celui de la fiabilité des informations !

Et quel est la position des Directions des Systèmes d’Information vis-à-vis de ce phénomène ?

Les DSI perçoivent bien l’évolution des besoins métiers. Les réponses IT évoluent en parallèle grâce aux nouvelles technologies. Mais il y a aussi une éducation à faire, une autre façon de penser à développer. Et il ne s’agit pas d’une menace pour le service informatique, soyons clair. Au contraire, en donnant la possibilité à l’utilisateur métier de trouver ses réponses seuls, chacun revient sur sa spécialité. Le service IT peut alors se concentrer sur la technologie, la programmation, l’infrastructure réseau… Et chacun créé plus de valeur pour l’organisation dans son ensemble. Un outil BI peut simplifier la vie du service informatique et ses relations avec les autres départements.

Quelles sont les caractéristiques de cette business intelligence prise en main par les métiers ?

On prétend que la technologie est censée servir l’utilisateur et non l’inverse. Le discours ambiant, c’est que l’outil doit s’adapter à nous, avec efficacité et simplicité. La simplicité est sans doute le point le plus important au final, car tout le monde en bénéficie.

L’autre point, c’est qu’un service marketing ne se pose pas les mêmes questions qu’un service financier. Les outils doivent donc s’adapter à cette diversité des métiers. Jusqu’à présent, la business intelligence s’inscrivait dans un processus linéaire, l’analyse concluant une suite systématique de points à traiter dans l’ordre. Dans une approche privilégiant les métiers, ce fonctionnement n’est plus envisageable. Face aux évolutions rapides des enjeux technologiques et à l’explosion des quantités de données, il est trop lent et trop complexe de procéder ainsi.

L’idée est donc de replacer l’utilisateur au cœur du raisonnement et de l’action et non plus seulement en bout de chaine. L’outil doit lui offrir la possibilité d’un processus itératif et dynamique qui va le pousser à expérimenter, à se poser d’autres questions et à trouver de nouvelles solutions auxquelles il n’aurait peut-être pas pensé auparavant.

 Quel est la place du partage de l’information dans ce nouveau processus ? Qu’est-ce qui change avec l’approche traditionnelle de la BI finalement ?

Nous sommes des êtres sociaux. Il faut collaborer. C’est ainsi que nous sommes efficaces. Notre société évolue de telle sorte que les données deviennent un point central de notre compréhension du monde, des organisations, du travail… L’aspect collaboratif de la business intelligence adressée à l’utilisateur métier est donc évidemment fondamental. Cette question dépend cependant beaucoup de l’organisation elle-même. Certaines entreprises auront toujours cette culture du partage et s’animeront naturellement autour d’elle. L’outil doit permettre de « révéler » ces comportements positifs. Trouver cette amélioration des processus de travail et d’exploration, rend la BI plus fun.

« Fun », c’est-à-dire ?

Cela se résume facilement : la simplicité d’utilisation. Quand on peut oublier la technique, partager, discuter, analyser devient plus amusant. Il suffit qu’un tableau de bord soit créé pour qu’une conversation s’engage. Nous allons de toute façon dans une direction où, par choix ou par nécessité, les organisations sont de plus en plus amenées à regarder leurs données et à les exploiter pour en tirer des bénéfices. Que les utilisateurs soient motivés à le faire est donc particulièrement vertueux.

Cette orientation « métier » de la business intelligence soulève-t-elle d’autres enjeux ?

L’outil ne répond évidemment pas à tout. Les enjeux sont donc à la fois individuels et organisationnels. La technologie est là, elle évolue, elle s’améliore et devient de plus en plus abordable. Les organisations n’ont plus de difficultés à y accéder. Par contre, c’est la façon dont elle est abordée et utilisée qui va faire la différence. Que veut-on faire concrètement avec sa business intelligence ? Répondre à cette question, c’est encore souvent le challenge à l’heure actuelle. Et il va bien au-delà des enjeux technologiques.

La business intelligence change. Sa démocratisation la fait évoluer. Des entreprises et des secteurs qui jusqu’à présent ne faisaient pas de BI, ont maintenant accès à des technologies plus abordables, beaucoup plus simples à implémenter et à utiliser. Leurs collaborateurs n’y collent pas forcément l’étiquette « business intelligence ». Il s’agit simplement pour eux d’analyse. De questions-réponses, ni plus ni moins. En fait, les utilisateurs ne font pas de la business intelligence, ils font leur métier mais de façon plus intelligente.

 

 

Retrouvez plus d’information sur la Business Intelligence sur le N°2 d’Alliancy le mag.